Périer-Muzet, Lettres, Tome XIV, p. 303.

27 feb 1847 Nîmes MILLERET Marie-Eugénie de Jésus Bhse

Bonheur que lui cause son désir d’aller directement à Dieu – Dieu veut d’elle une augmentation de dépendance et d’amitié – L’essentiel, pour elle, est de s’occuper beaucoup de Dieu et de pratiquer surtout sa présence – Restitution – Constructions – Il ne peut encore s’établir à Paris.

Informations générales
  • PM_XIV_303
  • 0+514|DXIV
  • Périer-Muzet, Lettres, Tome XIV, p. 303.
  • Orig.ms. ACR, AD 496; V. *Lettres* III, pp. 213-215 et D'A., T.D. 19, p. 172.
Informations détaillées
  • 1 ACTION DE DIEU DANS L'AME
    1 AMITIE
    1 APOSTOLAT DE L'ENSEIGNEMENT
    1 ARCHITECTURE SACREE
    1 ASSOMPTION
    1 BATIMENTS DES COLLEGES
    1 CHEFS D'ETABLISSEMENT
    1 COLLEGES
    1 CREANCES A PAYER
    1 DEMARCHE DE L'AME VERS DIEU
    1 DIEU CENTRE DE LA VIE SPIRITUELLE
    1 IMMEUBLES
    1 LIBERTE DE CONSCIENCE
    1 PURETE D'INTENTION
    1 SAINTS DESIRS
    1 SCRUPULE
    1 VERTU D'OBEISSANCE
    1 VOIE UNITIVE
    2 AFFRE, DENIS
    2 GAUME, JEAN-ALEXIS
    3 MIDI
    3 MONTOLIEU
    3 PARIS
    3 PARIS, COLLEGE STANISLAS
  • A LA MERE MARIE-EUGENIE DE JESUS
  • MILLERET Marie-Eugénie de Jésus Bhse
  • Nîmes, le 27 février 1847.
  • 27 feb 1847
  • Nîmes
  • Institution de l'Assomption
  • *Madame*
    *Madame la Supérieure de l'Assomption*
    *n° 76 rue de Chaillot*
    *Paris.*
La lettre

Vous ririez peut-être, ma fille, de votre pauvre père, si vous lui aviez vu faire une copie d’un fragment de votre lettre, auquel il ne comprenait rien du tout, afin de le débrouiller un peu. Maintenant je le comprends, je crois, parfaitement et je vais vite y répondre. Laissez-moi seulement vous dire quel bonheur me font vos lettres, quand j’y vois que vous voulez aller directement à Dieu. Elles me raniment, en m’apportant comme un parfum des vertus que notre divin Maître est si jaloux de déposer dans votre coeur. Entrez, autant que vous en êtes capable, par une grande simplicité d’intention, dans la pensée de Jésus-Christ; laissez-vous pénétrer de ses rayons, réchauffez-vous-y et avancez toujours plus près du Sauveur.

La phrase de votre lettre, que je ne comprenais pas, était celle où vous me parlez de vos scrupules sur l’amitié. Elle est tournée de façon que je ne comprenais pas bien, si, selon vous, Dieu voulait autre chose que le sacrifice de votre amitié ou la diminution de votre dépendance. Je crois, moi, qu’il veut une augmentation de dépendance et d’amitié, pourvu que le tout soit pénétré par ce sentiment intime qui pousse notre âme vers lui et dont vous me parlez dans votre lettre. Dieu vous attire très fortement. Parmi les moyens qu’il vous donne se trouvent cette dépendance et cette amitié, dont vous devez vous servir comme de moyens pour aller à Dieu, de telle sorte que vous connaîtrez au fond de votre coeur la perfection de ces deux dispositions, selon que vous y trouverez un point d’appui plus fort pour vous élancer vers Dieu. Votre attention principale doit être l’union à Dieu; le reste n’est que moyen.

Mais, me direz-vous, c’est précisément ce que je voudrais savoir, si cette amitié est un moyen. Je réponds: oui, et très grand moyen, si elle ne vous fait rien perdre de cette liberté d’esprit et de coeur nécessaire pour faire pénétrer le règne de Dieu jusqu’au fond de votre âme. Ceci est excessivement délicat, j’en conviens. Mais si vous voulez une réponse absolue et vous en rapporter un peu filialement à moi, je vous dirai que je vous connais assez pour vous engager à être tranquille, mais entièrement. Les scrupules que vous auriez vous troubleraient inutilement. Au point où vous en êtes, je crois que l’essentiel est de vous occuper beaucoup de Dieu. Plus vous serez absorbée par sa pensée et le sentiment de lui, plus vous aurez de facilité à espérer -si besoin est- cette amitié qui n’en deviendra que plus forte; car je la crois bonne, et, supposé que vos scrupules soient fondés, il n’y aura qu’un peu d’alliage à en séparer, ce qui est encore une question. Ainsi, pour préciser ma réponse, ce que je veux de vous, c’est une grande application à fixer votre pensée et votre coeur vers Dieu, de telle façon que vous vous laissiez imprégner en quelque sorte de sa substance. Vous en sentirez d’autant plus votre impureté native et celle que vos fautes de tous les jours apportent à votre âme. Ce sera le néant rempli par l’être, qui lui communique quelque chose de l’existence. Nourrissez-vous quelque temps de ces pensées, et je serais bien surpris si vos scrupules ne tombent pas sans que, pour ainsi dire, vous y songiez. Je réponds par là à la question que vous me faites: « Quelle vertu dois-je pratiquer? » Vous devez pratiquer la présence de Dieu au sens que je vous indique.

Vous me demandez dans le même membre de phrase: « Que dois-je restituer? » Faites-vous allusion à vos affaires? Je croyais vous avoir répondu: Rien pour le passé, et quant à l’avenir, nous ne pourrons juger la chose que lorsque nous aurons débrouillé les détails que l’avenir seul peut procurer. Ainsi, vous pouvez être tranquille. Est-il nécessaire de vous dire que j’approuve complètement la manière dont vous envisagez votre conduite à l’égard de l’oeuvre. C’est, en effet, avec ces dispositions que l’on vient à bout de tout.

Je passe à ce que vous me dites sur vos ennuis avec M. Gaume. Je vous avoue que je ne les avais jamais envisagés du point de vue si sombre que vous me les présentez, et qu’il me semble difficile de supposer que les choses aillent aussi loin que vous le dites. Je ne sais pourquoi je ne crois pas à M. Gaume un grand amour pour le Sacré-Coeur, et, dès lors il ne doit pas être très fâché de lui opposer quelque chose. Quant aux bâtiments et au style des bâtiments, n’a-t-il pas accepté la chapelle des Oiseaux et celle de Notre-Dame de Bon Secours?

Quant à ce qui concerne l’archevêque de Paris, je ne sais trop que vous dire, sinon que j’attends beaucoup du temps et que Dieu saura, s’il le veut, aplanir les obstacles; mais quitter ici une maison mal affermie pour aller en établir une autre ailleurs, c’est, ce me semble, me mettre sur les bras d’insurmontables difficultés, devant lesquelles il me semble indispensable de reculer. Il ne faut pas me faire illusion, je n’ai guère à compter sur les hommes de Paris. Pendant les cinq mois que j’y passai, il y a deux ans; pendant le Carême dernier, qu’ai-je trouvé? Dans une position analogue quelles difficultés n’ont pas les directeurs de Stanislas? Et pourtant, jusqu’à ce que j’aie trouvé un homme entièrement capable de me remplacer ici, puis-je songer à laisser une maison dont l’avenir est si beau et si positif? Je vous ai écrit que Montolieu était fermé. On a voulu le rouvrir, mais le gouvernement s’y oppose. Vous ne vous faites pas une idée du mauvais effet produit par cette chute. Or, la responsabilité chrétienne exige que nous ne gâtions pas à plaisir notre cause déjà bien assez compromise.

Je vous renvoie votre dessin; l’architecture en est simple et me paraît très propre au genre du Midi. Il faut vous quitter. Si je puis, demain, je vous écrirai encore deux mots. Je prie toujours pour vous avec une grande ferveur. Il me semble que votre souvenir m’en donne, quand je suis devant Dieu et que je lui demande de vous faire une sainte. Je n’ai pas le temps de me relire.

Notes et post-scriptum