Périer-Muzet, Lettres, Tome XIV, p. 312.

21 mar 1847 Nîmes MILLERET Marie-Eugénie de Jésus Bhse

Votre offre pour les fonds – Considérations sur les diverses implantations qu’elle envisage – Le Tiers-Ordre des dames et son oeuvre extérieure – Ennuis divers au collège – Mireman – Une communion de plus de 2 000 hommes.

Informations générales
  • PM_XIV_312
  • 0+516 a|DXVI a
  • Périer-Muzet, Lettres, Tome XIV, p. 312.
  • Orig.ms. ACR, AD 502; D'A., T.D. 19, pp. 179-182.
Informations détaillées
  • 1 ANNONCIATION
    1 APOSTOLAT DES TERTIAIRES
    1 ASSOMPTION
    1 CAPITAUX
    1 CLASSES SOCIALES
    1 COLLEGE DE NIMES
    1 CONFESSION SACRAMENTELLE
    1 CONTRARIETES
    1 CONTRAT DE LOCATION
    1 CROIX DU CHRETIEN
    1 ERECTION DE MAISON
    1 FRANCHISE
    1 HUMILITE
    1 LIVRES LITURGIQUES
    1 MAITRES
    1 OEUVRES SOCIALES
    1 PAQUES
    1 REFUGE LE
    1 RELIGIEUSES DE L'ASSOMPTION
    1 SAINTE COMMUNION
    1 TIERS-ORDRE FEMININ
    2 BOYER, MADAME EDOUARD
    2 CARBONNEL, MESDEMOISELLES
    2 CARDENNE, VICTOR
    2 CART, JEAN-FRANCOIS
    2 CASTAN, LOUIS-CHARLES
    2 COUDERC, FELIX
    2 GERMER-DURAND, EUGENE
    2 GOUBIER, VITAL-GUSTAVE
    2 HENRI, EUGENE-LOUIS
    2 MONNIER, JULES
    2 PERIER-MUZET, JEAN-PAUL
    2 REVEILHE, MADAME
    2 SAUVAGE, EUGENE-LOUIS
    3 MIREMAN
    3 NIMES, CATHEDRALE
    3 PARIS, CHAILLOT
    3 PARIS, CHAUSSEE D'ANTIN
  • A LA MERE MARIE-EUGENIE DE JESUS
  • MILLERET Marie-Eugénie de Jésus Bhse
  • Nîmes, le 21 mars 1847.
  • 21 mar 1847
  • Nîmes
  • *Madame*
    *Madame la Supérieure de l'Assomption*
    *n° 76, rue de Chaillot*
    *Paris.*
La lettre

Voilà trois fois que je recommence cette lettre, parce que je n’ai pas comme vous le don de poursuivre à la fois une correspondance et une conversation. Laissez-moi vous remercier de votre offre pour les fonds; je vous assure que j’en suis vivement touché. Je ne crois pas être obligé d’en profiter, mais si j’en avais besoin je vous assure que je vous demanderais de réaliser votre bonne proposition.

L’important me paraît de louer et de ne pas bâtir sur-le-champ. Faire un essai sur Saint-Louis d’Antin me semble une bonne idée, dans l’hypothèse où le curé vous verrait avec plaisir; autrement pourquoi ne pas rester dans les environs de Chaillot? J’ai réfléchi que les moyens d’instruction étaient bien plus nombreux du côté de la rue Notre-Dame des Champs, et que c’est sous un rapport se priver de bien des ressources que de trop s’en éloigner. Ce quartier-là n’est pas seulement celui du monde ecclésiastique, il l’est encore du monde savant. Pourrons-nous attirer jamais un certain nombre d’hommes instruits dans un quartier, d’où les éloigne la modicité de leur fortune et la cherté des appartements? Faut-il faire du prosélytisme par le rapprochement des lieux ou par la nature des idées qui attirent? Quelle influence le pensionnat du Temple a-t-il sur les quartiers environnants? Espérez-vous que votre séjour dans un quartier, en attirant du monde, ne vous exposera pas aussitôt aux critiques des hommes dont vous aurez les filles? Dans le quartier de la Chaussée d’Antin, il est peut-être important de se poser ce questions, qui se résument en celle-cila classe financière est-elle mûre pour supporter la vue d’un couvent? La seule raison qui me porterait à vous conseiller un établissement définitif de ces côtés, serait la pensée du Tiers-Ordre, et la nécessité d’être près de celles sur qui vous agirez par cette institution. Je crois donc qu’un essai peut seul faire ressortir les avantages ou les inconvénients d’un semblable emplacement, et c’est pour cela que je me borne à vous conseiller un loyer provisoire.

Le Tiers-Ordre a subi ici quelques échecs. La maladie de trois de ces dames, un peu de mauvaise entente de quelques autres a paralysé l’action d’union et d’influence réciproque. Cependant on se remet du petit choc, et le jour de l’Annonciation on compte ouvrir une maison à 12 petites apprenties. C’est Mme Réveilhe qui est l’âme de cette oeuvre extérieure, mais qui, entre nous, a un peu nui à l’esprit de charité des Soeurs. L’oeuvre des apprenties se trouve par le plus grand bonheur très bien vue de Monseigneur qui la prendra sous sa protection, quoiqu’il ne sache pas encore qui en est la cheville ouvrière. L’office va être imprimé. La beauté typographique est peu de chose, mais je vous en garantis l’exactitude quant à la correction des textes. Je l’ai fait tirer sur deux formats, afin qu’on puisse l’avoir séparé ou le faire relier avec un Paroissien ou une Imitation. Il est un peu plus long que je ne pensais. On se réunit tous les quinze jours au Refuge, pour une instruction que je fais; c’est le lundi, à 3 heures. Tous les huit jours, le mardi, on passe l’après-midi à travailler pour les pauvres. Enfin, le dimanche, on réunit les apprenties et on examine leur état moral et physique. De plus, ces dames ayant chacune quelques apprenties sous leur protection, vont les visiter dans les ateliers où on les place. L’établissement de la maison qui se fonde modifiera ces dernières dispositions. Je vous dirai plus tard quels changements auront eu lieu. Il faut, puisque je suis sur ce chapitre, vous parler de la pauvre Mme Boyer. Son état m’inquiète, sa santé devient tous les jours plus chancelante; elle me parla hier assez longuement de vous, et de la peine qu’elle avait à penser que vous la crussiez ingrate, parce qu’elle vous écrivait moins souvent. Je m’efforçai de la rassurer, et vous auriez tort en effet de croire qu’elle vous oublie, mais, avec sa franchise de caractère et l’exigence de Mme Réveilhe, elle ne voit pas d’autre parti à prendre que de se taire pour avoir la paix. Elle n’en est pas moins humiliée, mais je suis convaincu que vous entrerez avec compassion dans cette position.

Maintenant, pourrai-je vous parler de moi? Je suis assez mal pour le quart d’heure. Régulièrement, tous les quatre jours, les demoiselles Carbonnel me signifient qu’elles n’y tiennent plus. M. Goubier commence à me bouder, parce que je ne renvoie pas M. Henri, avec qui il a eu maille à partir. Peut-être, il est vrai, ai-je eu tort de laisser l’abbé Henri faire une démarche, dans laquelle il avait trop raison, ce qui est un fort grand tort par moments. Il faut que j’use d’une foule de ménagements fort utiles pour me briser la volonté, mais qui en dernière analyse ne peuvent que nuire à l’ensemble de la maison. Aussi suis-je assez résolu à laisser se retirer peu à peu qui ne voudra pas accepter une marche uniforme, et sous ce rapport, les demoiselles Carbonnel ont été toutes surprises que je n’aie pas insisté pour qu’elles restassent, car elles m’ont répété à plusieurs reprises qu’elles partaient le jour de Pâques ou le lendemain. Resteront-elles? Si je le veux, oui; mais à la longue, je crois que ne plus le vouloir est nécessaire. Je les laisserai libres.

Je crois être à peu près fixé sur l’emplacement du pensionnat. Je crois que j’irai à Mireman, campagne à trois quarts d’heure de Nîmes à pied, à 20 minutes en voiture, entre une grande route et le chemin de fer, avec des arbres superbes et une population exclusivement catholique disséminée tout autour (1). Une longue conversation, à laquelle ont pris part MM. Durand, Monnier, Sauvage et Cardenne, a fixé mes incertitudes. Je regrette de ne pouvoir vous dire aujourd’hui, tout au long, tout ce qui a été débattu; mais il faut que je m’arrête, le temps me manque et je ne me relirai pas.

Ce matin, il y a eu à la cathédrale une communion de plus de 2.000 hommes, sans exagération. J’ai peu confessé comparativement aux autres prêtres, et j’ai envoyé de 135 à 137 pénitents à la table sainte. Notez que tout le monde de l’Assomption n’a pas bougé.

Adieu, ma chère fille. Tout à vous. pendant ces jours-ci, je demanderai pour vous à Notre-Seigneur la science de la croix.

J’oubliais de vous dire que je suis de l’avis de M. Castan.

Notes et post-scriptum
1. Malgré ces données fort précises, la localisation de Mireman était tombée dans l'oubli. Les recherches du P. J.-P. Périer-Muzet viennent de l'en sortir. Voici sa note à ce sujet (12 mars 2001):
"Le nom est déformé. Il s'agit du mas MIRAMAND près de l'actuel aérodrome de Nîmes-Courbessac. Il a appartenu au chanoine Couderc de La Tour Lisside et, depuis 1930, appartient à une famille Reboul qui fait du maraîchage. Une partie des terres a été expropriée pour la construction de "La Languedocienne", l'autoroute A9 toute proche. Les deux bâtiments principaux ont la même structure, un corps de logis encadré par deux tours carrées. Le bâtiment nord est en très mauvais état. Il comporte deux niches, l'un avec une statue de la Vierge, l'autre avec une statue de saint décapité par les intempéries. Le bâtiment sud est bien restauré et habité par la famille Reboul."