Périer-Muzet, Lettres, Tome XIV, p. 331.

26 may 1847 Nîmes MILLERET Marie-Eugénie de Jésus Bhse

Désordres au collège – Vous prouver à quel point je veux être votre père – Paris – Vie d’union à Dieu – Mlle Anaïs.

Informations générales
  • PM_XIV_331
  • 0+525 b|DXXV b
  • Périer-Muzet, Lettres, Tome XIV, p. 331.
  • Orig.ms. ACR, AD 516; D'A., T.D. 19, pp. 201-204.
Informations détaillées
  • 1 AFFECTIONS DESORDONNEES
    1 CHARITE ENVERS DIEU
    1 COLLEGE DE NIMES
    1 FONDATEUR
    1 GENEROSITE
    1 JOIE SPIRITUELLE
    1 MAITRES
    1 PAIX DE L'AME
    1 PATERNITE SPIRITUELLE
    1 SCANDALE
    1 SURVEILLANCE DES ELEVES
    1 VOIE UNITIVE
    2 BLONDEAU
    2 CARBONNEL, MARIE-VINCENT
    2 RUAS
    3 LYON
    3 PARIS
  • A LA MERE MARIE-EUGENIE DE JESUS
  • MILLERET Marie-Eugénie de Jésus Bhse
  • Nîmes, le 26 mai 1847.
  • 26 may 1847
  • Nîmes
  • Institution de l'Assomption
  • *Madame*
    *Madame la Supérieure de l'Assomption*
    *n° 76, rue de Chaillot. Paris.*
La lettre

Votre lettre, ma chère enfant, m’arrive bien à propos pour me prouver que Dieu n’envoie pas toutes les épreuves à la fois. Enfin, vous voilà plus tranquille et je vous assure que ce m’est un grand soulagement, au milieu de l’épreuve la plus forte que puisse subir notre maison. Voilà que je découvre d’horribles désordres causés par Ruas. Ce misérable a provoqué un certain nombre d’enfants et les a fait succomber. Je n’en connais pas encore exactement le nombre, j’en soupçonne une douzaine, mais je suis sûr de quatre ou cinq. Il profitait des renseignements que nous lui avions donnés sur les élèves douteux pour leur adresser des paroles sales, et, quand il les trouvait de facile composition, il les provoquait à des choses plus déplorables. Lui- même a fini par l’avouer. A la lingerie, il faisait monter les élèves sous différents prétextes et les gardait des heures. Cela a donné quelques soupçons, puis on l’a vu dans un dortoir, où il ne couchait pas, aller réveiller un élève vers dix heures et demie. J’ai fait surveiller, et les révélations se sont accumulées de la manière la plus pénible. Me voilà sans dépensier, sans linger. Je tâche de réparer ces inconvénients; car qu’est-ce que c’est en face de si grandes abominations? Voyez s’il est nécessaire que, pour le moment, je veille sur cette maison. Que n’eût-on pas dit, si pareille découverte se fût faite pendant mon absence? Et toutefois, ma chère fille, à présent qu’en vous retrouvant je sais que nous pourrons nous en tendre, j’ai une impatience extrême de vous revoir, et de vous prouver de nouveau à quel point je veux être un père. Si cette pensée vous fait quelque bien, emparez- vous-en comme de votre propriété, car je vous assure qu’elle m’en fait bien à moi, et je l’accepte avec moins de scrupule, aujourd’hui où j’ai l’âme brisée par ce qui vient de se passer ici. Vous voyez quel besoin nous avons de prières. Il faut conjurer Notre-Seigneur de ne pas nous punir de ce qui eût peut-être été moins grave, si nous avions veillé davantage.

J’ai reçu une lettre de M. Blondeau, qui me propose une maison à former à Paris pour l’année prochaine. Evidemment, en ce moment, je ne la puis accepter. A quoi bon commencer partout pour ne rien finir nulle part? Puisque la Providence semble vouloir que nous allions lentement, il faut aller lentement. Et cependant, croyez qu’il me tarde de voir venir le moment où nous pourrons travailler l’un près de l’autre.

Ne croyez-vous pas bien faire, à présent que vous semblez un peu soulagée de vos ennuis, de vous mettre avec plus d’application à une vie unie à Dieu le plus possible? Il me paraît que vous y gagneriez beaucoup. Le calme de l’esprit et du coeur aide puissamment à cette vie, et les efforts que l’on fait pour y parvenir donnent par avance de la force pour ce que Dieu peut envoyer plus tard d’épreuves nouvelles. Mon désir bien ardent est que tout ceci vous serve et qu’après n’avoir pas trop abandonné Dieu dans la tribulation, vous vous attachiez encore plus fortement à lui par la prière et la charité dans la joie.

Je n’écris pas aujourd’hui à Mlle Anaïs à cause de tous les tracas que me causent les affaires dont je vous entretenais plus haut; mais veuillez lui dire combien je la remercie de sa lettre de Lyon; elle est toute bonne et je voudrais vous l’envoyer pour vous faire juger de la délicatesse de son âme. Je crois qu’il n’est rien que cette pauvre enfant ne puisse accepter, si on le lui donne peu à peu. Il vous faut quitter. Je suis dérangé sans cesse, mais vous pouvez aisément comprendre pourquoi.

Adieu, ma chère fille. C’est avec tout mon coeur que je suis tout vôtre en Notre-Seigneur.

E.D'ALZON.
Notes et post-scriptum