Périer-Muzet, Lettres, Tome XIV, p. 345.

3 jul 1847 Nîmes MILLERET Marie-Eugénie de Jésus Bhse

Deux pages déchirées – Autant que Dieu me donnera de l’être, je veux être pour vous un père qui porte toutes vos peines et soit pour vous appui et soutien – L’isolement dont je ne veux pas pour vous – Ennuis de santé – Les novices – Sr M.-Madeleine et Sr M.-Vincent – La lecture de l’Evangile.

Informations générales
  • PM_XIV_345
  • 0+532 c|DXXXII c
  • Périer-Muzet, Lettres, Tome XIV, p. 345.
  • Orig.ms. ACR, AD 525; D'A., T.D. 19, pp. 212-215.
Informations détaillées
  • 1 ACTION DU CHRIST DANS L'AME
    1 AMITIE
    1 AMOUR FRATERNEL
    1 BONTE
    1 BUDGETS
    1 CHARITE ENVERS LE PROCHAIN
    1 CHEFS D'ETABLISSEMENT
    1 COLLEGE DE NIMES
    1 CURES D'EAUX
    1 DIRECTION SPIRITUELLE
    1 EGOISME
    1 ERREUR
    1 EVANGILE DE JESUS-CHRIST
    1 FIDELITE A LA GRACE
    1 FRANCHISE
    1 GLOIRE DE DIEU
    1 HUMILITE
    1 JESUS-CHRIST MODELE
    1 MALADIES
    1 NOVICES ASSOMPTIONNISTES
    1 PAIX DE L'AME
    1 PATERNITE SPIRITUELLE
    1 PURIFICATIONS SPIRITUELLES
    1 SIMPLICITE
    1 SOLITUDE
    1 SUPERIEUR
    1 UNION DES COEURS
    1 VERTU DE CHASTETE
    1 VISITATION DE MARIE
    2 ACHARD
    2 ACHARD, MADAME
    2 ACHARD, MARIE-MADELEINE
    2 BOYER, MADAME EDOUARD
    2 CARBONNEL, MARIE-VINCENT
    2 CUSSE, RENE
    2 ELISABETH, SAINTE
    2 HENRI, EUGENE-LOUIS
    2 JEAN-BAPTISTE, SAINT
    2 JOSEPH, SAINT
    2 O'NEILL, THERESE-EMMANUEL
    2 PIERRE, SAINT
  • A LA MERE MARIE-EUGENIE DE JESUS
  • MILLERET Marie-Eugénie de Jésus Bhse
  • Nîmes, le 3 juillet 1847.
  • 3 jul 1847
  • Nîmes
  • Institution de l'Assomption
  • *Madame*
    *Madame la Supérieure de l'Assomption*
    *n° 76, rue de Chaillot*
    *Paris.*
La lettre

J’avais voulu répondre avec un peu d’ordre à votre lettre, que je reçois aujourd’hui, et à celle du 26, ma chère enfant, mais il me semble que j’aurais le plus grand tort si je ne déchirais pas les deux premières pages que j’avais déjà écrites. Pourquoi ne pas vous dire du premier coup que vous avez grand tort? Si vous croyez que je ne veuille pas porter dans mes bras toutes vos peines, toutes vos souffrances, toutes vos défaillances, à quoi vous serai-je bon en ma qualité de père? Et si c’est cela que vous avez vu dans mes réponses à vos lettres, je crois que vous avez été dans une complète erreur. Je ne crains pas de vous le déclarer bien franchement. J’avoue que je serais bien heureux, si je pouvais espérer que mes paroles fissent sur vous l’effet que les vôtres ont quelquefois produit sur moi. Cependant, comme il faut vous dire toute la vérité, je me suis quelquefois trompé sur la portée de mon action sur une âme, et tout ce que vous me dites encore aujourd’hui m’étourdit à cet égard. Ce que je puis vous assurer, c’est que je veux d’une volonté de bienveillance intime vous être pour toutes choses et toutes douleurs appui et soutien, autant que Dieu me donnera de l’être. Je ne veux point pour vous de cet isolement que vous sentez si affreux, ma pauvre enfant; si vous avez cru que je voulais vous y laisser, vous avez eu bien tort, mais vous avez dû en bien souffrir. J’en ai une vive peine et j’en aurais du désespoir, si je ne pensais qu’après tout, et malgré l’appauvrissement moral et physique de la vie en vous que ce sentiment a produit, Dieu a pu vouloir cela comme une purification, dont nous comprendrons le but plus tard.

Quoi qu’il en soit de cette dernière pensée, ce qui m’est bien positif, c’est qu’il faut que cet état cesse. Je veux que vous alliez bien de toutes les façons, et quand vous ne pourrez plus marcher, j’entends être toujours là pour vous soutenir. Mon enfant, il faut que vous m’écriviez bien vite que vous le voulez également. Croiriez-vous que je remercie Dieu d’avoir donné à Soeur Th[érèse]-Em[manuel] trop d’impressionabilité, pour que vous n’allassiez pas lui demander ce qu’après tout il veut, je crois, que je vous donne? Ce sera de l’amitié, ce sera de l’égoïsme, mais enfin c’est ainsi.

Cependant, pas plus aujourd’hui que dans la lettre qui vous avait peinée, je ne puis être long. Je suis souffrant, j’ai eu la fièvre, j’ai gardé le lit, il m’est venu des enflures par tout le corps. Je fais gras aujourd’hui, veille de Saint-pierre. Quelquefois j’ai envie d’aller prendre les bains, comme les médecins me le conseillent, mais le temps manque. Il me faudrait un bon sous-directeur; je ne l’ai pas. Et puisque vous me proposez de me parler de la manière de guider mes novices, sachez qu’il y a en ce moment lutte à peu près ouverte entre M. Henri et M. Cusse pour des enfantillages. Je crois qu’ils se rapprochent tous un peu plus de moi, sauf M. Henri, qui est très mécontent, sans le dire, que je ne l’ai pas nommé sous-directeur. Or, jamais je ne nommerai sous-directeur un homme qui ne dit pas encore qu’il se liera par des voeux. Du reste, vous savez bien que tout ce qui me viendra de vous, au sujet de la maison, sera pris et accepté comme le meilleur avis auquel je puisse recourir.

Je n’ai pu voir la tante de Soeur Marie-Mad[eleine], mais je lui ai écrit pour lui dire qu’à mon gré, le meilleur était de faire venir au plus tôt sa nièce. M. Achard le veut bien, mais Mme Achard, qui est un peu jalouse, à ce qu’il paraît, ne s’en soucie pas autant; mais ce sera chose facile à arranger, si je la confie à Mme Boyer pour les bains de mer.

Ma lettre à Soeur Marie-Vincent était calculée pour produire l’effet qu’elle a produit. A quoi bon lui faire regretter une direction qu’elle ne devait plus recevoir? Ne valait-il pas mieux lui faire sentir la nécessité de se rejeter de votre côté? Quand vous le jugerez à propos, je lui écrirai une lettre bien bonne; cela ne lui sera plus aussi dangereux que ce l’eût été dans l’état où elle se trouvait, il y a trois semaines. Je n’ai aucune nouvelle de ses soeurs; c’est mon indisposition qui en est cause. Du reste, vous ne sauriez croire la paix dont je jouis, depuis que j’en suis débarrassé, et supposé que leur départ me fasse perdre quelque chose sur mon budget, il me le fait bien retrouver du côté de l’énergie. Et, après tout, j’espère me rattraper encore par là, car les choses allant mieux, j’aurai plus d’élèves et les bénéfices faits sur ce surplus compenseront les économies obtenues par elles.

Je crois qu’une des choses qui peuvent vous faire le plus de bien dans vos moments d’accablement, c’est de lire beaucoup l’Evangile; il y a là des mots qui vous apportent des apaisements merveilleux. Pour moi, après l’effet que l’évangile produit sur moi, je me reproche de ne pas l’avoir sans cesse entre les mains et d’y chercher des applications à mon état présent; chaque verset en est gros. Jésus modèle du supérieur, vie du supérieur, a quelque chose d’ineffable pour l’âme qui conduit d’autres âmes. Je voudrais vous engager à demander pour vous, le jour de l’octave de la Visitation, ce que j’ai hier demandé pour moi: la simplicité et la complaisance de saint Joseph, qui suit Marie in montana Judaeae; l’humilité d’Elisabeth, qui assure devant Marie sa sanctification opérée par son fils, et la disposition d’une mère de se sanctifier par ses enfants; la correspondance de saint Jean à la grâce et sa pureté; la tendresse de Marie qui l’élève au-dessus de tout par son désir de la gloire de Dieu; enfin, l’influence surnaturelle de Jésus, qui, toute cachée qu’elle soit, n’en est pas moins le principe de toutes les grâces et vertus que nous voyons chez les divers personnages du mystère de la Visitation; ce qui est bien là le rôle d’un bon supérieur.

Adieu, ma chère fille. Priez un peu pour moi et dilatez-vous. Songez que votre Père qui est aux cieux veut que vous en ayez un autre sur la terre, et que celui-là est plus que jamais tout à vous.

E.D'ALZON.
Notes et post-scriptum