Périer-Muzet, Lettres, Tome XIV, p. 360.

8 sep 1847 Lavagnac MILLERET Marie-Eugénie de Jésus Bhse

Il ne me reste qu’à vous donner tout ce que votre âme a le droit d’exiger – *Creditis in Deum, et in me credite* – Laissons donc le passé – Mlle Isaure – Une retraite sur la vie de Jésus-Christ – Le Tiers-Ordre – Le P. Lacordaire – Sirop de digitale – Les messes que je célèbre pour vous – Comment trouvez-vous notre Pape ?

Informations générales
  • PM_XIV_360
  • 0+542 c|DXLII c
  • Périer-Muzet, Lettres, Tome XIV, p. 360.
  • Orig.ms. ACR, AD 536; D'A., T.D. 19, pp. 228-231.
Informations détaillées
  • 1 AMITIE
    1 AMOUR DE L'EGLISE A L'ASSOMPTION
    1 AMOUR-PROPRE
    1 BONTE
    1 CELEBRATION DE LA MESSE PAR LE PRETRE
    1 COLERE
    1 COLLEGE DE NIMES
    1 CORPS ENSEIGNANT
    1 CORRECTION FRATERNELLE
    1 DESIR DE LA PERFECTION
    1 DIRECTION SPIRITUELLE
    1 FOI
    1 FRANCHISE
    1 PAIX DE L'AME
    1 PATERNITE SPIRITUELLE
    1 PREDICATION DE RETRAITES
    1 RELIGIEUSES DE L'ASSOMPTION
    1 REMEDES
    1 TIERS-ORDRE FEMININ
    1 VOYAGES
    2 ACHARD, MARIE-MADELEINE
    2 BARRET, ABBE
    2 BOLZE, MADAME SIMEON
    2 CARBONNEL, ISAURE
    2 CHAUVELY, MARIE
    2 GOUBIER, VITAL-GUSTAVE
    2 GREGOIRE VII, SAINT
    2 GRIOLET, JOSEPH-AUGUSTE
    2 LACORDAIRE, HENRI
    2 PIE IX
    2 SALINIS, ANTOINE DE
    3 CHALAIS
    3 LAVAGNAC
    3 ROME
  • A LA MERE MARIE-EUGENIE DE JESUS
  • MILLERET Marie-Eugénie de Jésus Bhse
  • Lavagnac, le 8 sept[embre] 1847.
  • 8 sep 1847
  • Lavagnac
  • *Madame Madame la Supérieure de l'Assomption*
    *n° 76, rue de Chaillot*
    *Paris.*
La lettre

Je viens de lire votre lettre du 3, ma chère fille. Je veux répondre aussi à celle du 1er, qui m’est arrivée le jour où je faisais partir la dernière que je vous ai écrite. Je vous avoue qu’après ces deux lettres je ne comprends pas bien ce qui pourrait se trouver entre nous. Car, pour ma part, il me semble que je puis bien ne pas être, à mon insu, dans les rapports où vous me souhaitez, mais ce sont bien là ceux où je désire avant tout être à votre égard.

Vous me parlez, dans votre lettre du 1er sept[embre], de la pensée que vous avez de m’affliger par celle de l’avant-veille. Il me semble que sur ce point je vous ai tranquillisée d’avance, et, malgré la profonde peine que m’avait causée la troisième avant-dernière dont j’oublie la date, j’avais entièrement repris mon dessus par une surabondance d’affection paternelle, dont le flot s’élevait bien facilement au-delà de tous les brisements que j’avais éprouvés. Ce que je vous demandais dans ma lettre d’il y a quelques jours, vous me le donnez à l’avance. Je n’ai donc plus rien à réclamer, et il ne me reste plus qu’à vous donner, moi, autant que j’en suis capable, tout ce que votre âme a le droit d’exiger, à son tour, dans la mesure de confiance, d’abandon, de sollicitude et d’intimité qui vous est nécessaire, et encore un peu au-delà, si c’est possible.

Je crois que Notre-Seigneur se posait comme directeur des âmes, quand il disait à apôtres: Creditis in Deum, et in me credite. Il me semble que je puis, sous l’oeil de notre divin Maître, vous faire la même demande, parce que je crois que par sa grâce je puis vous donner la même assurance.

D’autre part, ma chère enfant, je voudrais bien que vous me promettiez de me revenir tout doucement. Il me semble que nous nous sommes fait l’un à l’autre bien du mal inutilement. Lorsque je vous remerciais, il y a deux ans, de ne pas insister pour me retenir trop longtemps dans mes visites, je reconnaissais en vous une des choses les meilleures que j’ai trouvées; mais déjà vous preniez mal je ne sais trop pourquoi mes paroles. Il y eut plusieurs malentendus, à la suite desquels je me trouvai dans un grand étonnement de croire découvrir dans votre amitié certaines imperfections, dont l’absence m’avait fait tant de bien et rendu si heureux. Voulez-vous que laissant le passé pour ce qu’il a été, nous prenions pour base à l’avenir ce que vous me dites dans votre lettre d’aujourd’hui, soit de votre côté, soit du mien? Pour moi, c’est ainsi que j’ai toujours cherché à vous comprendre et à me comprendre moi-même. Je n’ai pas eu, ce me semble, d’autre pensée ni d’autre sentiment.

Quant à la lettre que je vous ai envoyée de Mlle Is[aure], j’espérais bien que vous ne la montreriez pas à sa soeur. C’est tout simple, comme j’espère que vous la détruirez. Le sentiment qu’elle m’a inspiré est celui que vous me supposez, en effet. Je suis positivement résolu à ne plus me jeter dans de pareilles entraves, mais je veux ne pas désespérer cette pauvre âme. Je lui ai fait porter de bonnes paroles par M. Griolet, son confesseur, qui se conduit admirablement à son égard. M. Goubier a dû lui parler de ma reconnaissance pour tout ce qu’elle avait fait pour moi, et la bonne Chauvély a été chargée de lui dire que je regrette beaucoup que sa lettre m’empêche d’aller la voir, mais que je lui étais toujours profondément dévoué. L’image donnée par vous, elle est allée la dénicher dans mon bréviaire, où elle [en] a placé bien d’autres avec des légendes en anglais.

Si vous n’avez pas de retraite et que vous veuillez de moi en décembre, je pourrai vous en donner une que je prépare en ce moment sur la vie de Jésus-Christ. Il y aura bien des répétitions de ce que vous avez entendu de moi, mais j’espère que vous me les pardonnerez, si vous n’avez personne d’autre.

Je ne veux pas vous répondre sur M. Barret, parce que je ne veux pas vous mettre dans une position embarrassante. Seulement écrivez-moi si, d’ici à quelque temps, il vous sert encore d’aumônier. Mme Bolze est une excellente femme, un peu nulle, mais qui va bien droit son chemin. Elle a dû vous parler des misères du Tiers-Ordre. Je crois que ce sera une grave question à examiner, pour savoir s’il faut le continuer. Il y a quelques éléments assez opposés les uns aux autres, et c’est réellement assez impossible de pouvoir les faire accorder entre eux. Mme Bolze est en effet très bien, mais n’offre que bien peu de ressources sous le rapport intellectuel. Il semble qu’il faudrait quelque chose de plus énergique, mais ici les gens énergiques sont peu pliables.

Je suis surpris de ce que vous me dites de l’absence du P. Lacordaire, quand j’irai à Chalais; il m’a écrit, il y a deux jours, pour me dire qu’il m’attendait à l’époque que je lui avais indiquée. Si vous trouvez un professeur pour les classes supérieures, vous seriez bien aimable de me l’expédier.

J’en reviens à ce qui vous concerne. Je suis effrayé de vous voir user du sirop de digitale. On m’en a dit de si funestes effets que je vous conjure d’y faire attention. Je ne me laisse pas prendre à ces sortes de mieux, et je vous demande de me tenir au courant de votre état. Il paraît que mes messes ne vous font pas grand’chose; cependant je continue à les dire, le mardi et le samedi, avec une grande régularité. Hier j’ai demandé pour vous et pour moi cet amour vigoureux de l’Eglise qui soutint Grégoire VII, dont nous faisions la fête, au milieu de ses plus rudes épreuves, et lui fit accomplir la mission que lui avait confiée la Providence. Et, à propos de cela, comment trouvez-vous notre Pape? N’est-ce pas là véritablement un homme et ne sait-il pas tirer tout le parti possible de la puissance morale qui lui est confiée? L’abbé de Salinis voulait m’entraîner à Rome en ce moment. Je préfère attendre à un ou deux ans d’ici, quand j’irai solliciter l’approbation de vos règles.

Adieu, ma chère enfant. Remettez-vous un peu en paix et laissez-vous aller un peu plus à la confiance de ceux qui vous veulent toute perfection. J’ai attendu deux jours de suite Soeur M.Madeleine, le matin, après ma messe; je lui avais donné rendez-vous à cette heure-là, elle n’a point paru.

Adieu encore une fois et tout vôtre en Notre-Seigneur.

E.D'ALZON.
Notes et post-scriptum