Périer-Muzet, Lettres, Tome XIV, p. 381.

4 nov 1847 Nîmes MILLERET Marie-Eugénie de Jésus Bhse

Retraite du mois – Vous voilà hors de danger – Les défauts que je découvre en moi et surtout le manque de charité envers le prochain – Je prierai plus encore pour vous – Pour vous je veux la patience la plus parfaite de toutes – Je vous souhaite la paix de Dieu.

Informations générales
  • PM_XIV_381
  • 0+545 b|DXLV b
  • Périer-Muzet, Lettres, Tome XIV, p. 381.
  • Orig.ms. ACR, AD 546; D'A., T.D. 19, pp. 255-257.
Informations détaillées
  • 2 BOSSUET
    2 CROIZIER, JEAN-FRANCOIS
    2 PATY, ISIDORE DE
    3 PARIS
    3 RODEZ
  • A LA MERE MARIE-EUGENIE DE JESUS
  • MILLERET Marie-Eugénie de Jésus Bhse
  • Du Refuge de Nîmes, 4 nov[embre 18]47.
  • 4 nov 1847
  • Nîmes
  • *Monsieur*
    *Monsieur de Paty*
    *Sous-chef à la Direction générale des Postes*
    *Paris.*
La lettre

Je vous ai écrit quelques lignes hier ou avant-hier, ma chère fille. Aujourd’hui je me suis claquemuré pour faire ma retraite du mois, et comme il m’est bien impossible de trouver un peu de paix dans ma maison, j’ai pris le parti de venir chercher la solitude au Refuge. Je prends exemple sur vous et je vous écris quelques mots pendant votre récréation.

Votre lettre m’a fait un plaisir extrême. Vous voilà hors de danger et je n’arriverai à Paris que pour profiter de votre convalescence; ce sera parfait. Pour moi, ma chère enfant, je n’ai que de tristes choses à vous dire. C’est ce qui m’arrive toujours, quand j’ai passé un certain temps à me regarder le fond du coeur. Votre amitié me trouve déjà quelques défauts, mais ce n’est rien auprès de ce que découvre à l’aide de la méditation. Comment peut-on me supposer tel que je suis? Quel sépulcre blanchi suis-je donc? Je n’ai presque pas médité ce matin, et pourtant je vois tant de laides choses que je ne sais plus où me prendre, sinon à l’immense miséricorde de Dieu, laquelle cependant, je le sens bien, ne veut pas encore m’abandonner, malgré tous les sujets que je lui en donne.

Mais ce qui me tourmente surtout, c’est la manière dont je m’acquitte de mes devoirs envers le prochain. Il est bien évident que j’ai de graves reproches à m’adresser, et quand je pense à ce que j’aurais à faire, je me demande s’il ne vaudrait pas mieux laisser là toutes choses jusqu’à ce que j’eusse acquis un véritable esprit de charité. Et puis cependant n’y aurait-il pas un plus grand mal encore à laisser suspendu ce qui est commencé? Alors je me ranime un peu par la pensée que Dieu peut bien, s’il le veut, réparer d’un seul coup toutes mes sottises envers les autres, comme il répare mes fautes personnelles, et je me borne à prendre les meilleures résolutions que je puis.

Et vous, ma chère enfant, aurez-vous retiré un peu de bien du temps de souffrance que vous venez de passer? J’ai bien prié pour vous, mais je sens bien que je devrais prier bien plus encore, et que ce serait le meilleur moyen de donner à mes paroles la puissance qui leur manque souvent pour vous faire du bien. Je viens de prendre de bonnes résolutions à cet égard. Nous verrons si vous vous en ressentirez d’une manière heureuse. Si votre convalescence vous laisse un peu de liberté, profitez-en pour ramener tout doucement votre âme aux pieds de Notre-Seigneur et pour lui demander la force qui vous est nécessaire, pour porter avec plus de foi les épreuves qui vous sont réservées encore. On a beau vouloir s’y soustraire, il n’y a pas d’autre parti à prendre que la patience. Mais cette patience a tant de degrés! Depuis la patience désespérée que vous m’avez laissé entrevoir quelquefois, jusqu’à la patience amoureuse des saints, que de nuances à parcourir! Pour vous, ma fille, je vous veux la plus parfaite de toutes, et c’est celle que je vous engage à demander avec de grandes instances à Notre-Seigneur. J’ai presque envie de vous dire, comme Bossuet: voilà ce que Dieu me donne pour vous, car il me semble bien que les conseils que je vous donne en ce moment viennent de lui. Je vais vous laisser, parce que je veux retourner à ma retraite et la finir aussi bien qu’il dépendra de moi.

Adieu, ma fille. Guérissez-vous vite, si c’est la volonté de Dieu. Je vous souhaite sa paix, afin que les imaginations et les appréhensions de votre pauvre âme ne mettent pas obstacle au rétablissement de votre santé.

Tout vôtre en Notre-Seigneur.

E.D’ALZON.

5 novembre. -Je reçois votre lettre, et, entre une visite à l’évêque de Rodez et une lettre à l’évêché, je vous dirai que je n’ai pas besoin d’un instituteur à diplôme. Demain je vous écrirai plus longuement.

E.D'ALZON
Notes et post-scriptum