Périer-Muzet, Lettres, Tome XIV, p. 386.

17 nov 1847 Nîmes MILLERET Marie-Eugénie de Jésus Bhse

Vives inquiétudes pour les santés – Le plein exercice – Un bel échafaudage peut-être encore trop fragile – Sollicitation – Il faut que vous deveniez une sainte – Fatigue.

Informations générales
  • PM_XIV_386
  • 0+546 a|DXLVI a
  • Périer-Muzet, Lettres, Tome XIV, p. 386.
  • Orig.ms. ACR, AD 548; D'A., T.D. 19, pp. 261-263.
Informations détaillées
  • 2 BRANDIS, DE
    2 GUIZOT, FRANCOIS
    2 MICHEL, ERNEST
    2 PUYSEGUR, THEOPHILE DE
    2 SEGUIER
    3 PARIS
  • A LA MERE MARIE-EUGENIE DE JESUS
  • MILLERET Marie-Eugénie de Jésus Bhse
  • Nîmes, le 17 novembre 1847.
  • 17 nov 1847
  • Nîmes
  • Institution de l'Assomption
La lettre

Avant d’aller me coucher, je veux au moins commencer à vous répondre, ma chère fille, et vous dire la tristesse de coeur que me causent tous ces détails que vous me donnez sur la santé de vos Soeurs et de vos enfants. Je me mets à votre place et je comprends toutes vos angoisses. Je crois que vous faites bien, jusqu’à nouvel ordre, de taire la maladie de vos enfants. Si cependant l’épidémie gagnait, vous seriez obligée de prévenir, sous peine d’encourir une grave responsabilité. Mais je vous avoue que ce qui me préoccupe le plus, ce sont vos chères Soeurs, dont la santé est si ébranlée. De grâce, tâchez de les bien soigner. Mais ai-je besoin de vous le dire? Je vous plains aussi, vous, d’être absorbée par tant de tracas au milieu de votre convalescence. Au moins, vous remettez-vous bien?

Pour moi, j’ai la grippe, depuis huit jours mal de gorge, mais je présume que cela va passer. J’ai gardé un peu le coin du feu, j’espère que cela ira bien. Je ne compte pas venir à Paris avant les premiers jours de janvier. J’ai dû prendre cette résolution, après une longue conversation que j’ai eue, il y a quelques jours, avec un de nos députés, qui, étant protestant, est d’autant plus influent. Il veut absolument me présenter à M. Guizot, dont il est l’ami intime, et, comme je suis venu à bout de lui présenter l’autorisation du plein exercice pour ma maison comme une question d’élection pour lui, je suis convaincu qu’il parlera chaleureusement en ma faveur. Il m’a même assuré que, cette année, toutes les chances étaient pour moi. Comme il ne doit arriver à Paris que vers le 6 janvier, je ne veux pas m’exposer à en partir au moment où il pourrait me donner un bon coup d’épaule.

Je ne suis pas fâché de ce retard pour consolider un peu le train de la maison; il va beaucoup mieux que l’année dernière, mais il y manque encore tant de choses que je tremble qu’un choc un peu violent ne suffise pour faire crouler tout ce bel échafaudage. Mais votre lettre me manque, et je veux y répondre de manière à vous contenter. C’est pourquoi je m’arrête. A demain, ma bonne fille, et pour ce soir, bonne nuit.

18 nov[embre].

Je reçois une nouvelle lettre de vous, et comme avant le départ du courrier je n’ai absolument qu’un moment à moi, je vous dis bien vite que je n’ai malheureusement en ce moment aucun aboutissant auprès de M. Séguier; mais ce qui peut vous consoler, c’est que je l’ai souvent entendu se plaindre de la vexation que lui causent les solliciteurs. Si j’étais à Paris, une visite que je ferais à son gendre pourrait amener quelque bon résultat, mais je ne suis pas en mesure de lui écrire. Du reste, j’ignore absolument si M. de Brandis est à Paris. Je vais creuser dans ma tête. Si son petit gendre, M. Théophile de Puységur, était un autre homme, cela serait fort simple à arranger, mais c’est un être si bizarre! Enfin, je vais chercher ce que le temps me suggérera.

Je ne vous dis qu’un mot de l’avant-dernière lettre. J’attendais d’être à Paris pour l’instituteur de M. Michel; veuillez le remercier pour moi.

Quant à vous, ma bonne fille, vous avez besoin d’être forcée à aimer Dieu. En restant, comme vous le dites, dans votre nature, à quoi aboutirez-vous? Souvenez-vous de ces il faut d’autrefois. Il faut que vous deveniez une sainte, et si votre nature y répugne, souvenez-vous qu’on ne devient saint qu’en triomphant de sa nature. Se vaincre et souffrir vous semblent trop dur, et pourtant il le faut. Acceptez, non pas avec fatalité, mais avec amour cette obligation.

Adieu, ma chère fille. Il faut que je vous fasse une petite confession. Cette semaine, j’ai été un peu moins occupé de vous et de votre âme; je me le reproche, en ce sens que vous avez besoin, je crois, d’être constamment soutenue par la prière de votre père. Peut-être cela venait-il de mon état de fatigue, car j’ai été plusieurs jours sans dire la messe.

Tout à vous, et du coeur le plus dévoué.

E.D'ALZON.
Notes et post-scriptum