Périer-Muzet, Lettres, Tome XIV, p. 414.

3 may 1848 Nîmes MILLERET Marie-Eugénie de Jésus Bhse

Nos gens brûlent d’en découdre – Sans argent – Laissez se dilater votre nature – Un ange pour le ciel – Aridité désolante – Mon affection pour vous – La maison va bien.

Informations générales
  • PM_XIV_414
  • 0+568 a|DLXVIII a
  • Périer-Muzet, Lettres, Tome XIV, p. 414.
  • Orig.ms. ACR, AD 570; D'A., T.D. 20, pp. 7-8.
Informations détaillées
  • 1 CIEL
    1 COLLEGE DE NIMES
    1 ELECTION
    1 EPREUVES SPIRITUELLES
    1 FOI
    1 JOIE SPIRITUELLE
    1 MAITRES
    1 MOIS DE MARIE
    1 MORT
    1 PAIX DE L'AME
    1 PATERNITE SPIRITUELLE
    1 PREMIERE COMMUNION
    1 RENVOI D'UN ELEVE
    1 REPUBLICAINS
    1 ROYALISTES
    1 SOUCIS D'ARGENT
    2 BOLZE, MADAME SIMEON
    2 CARDENNE, VICTOR
    2 HENRI, EUGENE-LOUIS
    2 PATY, ISIDORE DE
    3 AVIGNON
    3 FRANCHE-COMTE
    3 MONTPELLIER
    3 NIMES
    3 PARIS
  • A LA MERE MARIE-EUGENIE DE JESUS
  • MILLERET Marie-Eugénie de Jésus Bhse
  • Nîmes, le 3 mai 1848.
  • 3 may 1848
  • Nîmes
  • Evêché de Nîmes
  • *Monsieur*
    *Monsieur de Paty*
    *Sous-chef à l'administration générale des Postes*
    *Paris.*
La lettre

Nous sommes ici tellement préoccupés de l’état des esprits que je ne puis pas vous écrire aussi souvent que je le voudrais. Il faut calmer nos gens qui ne brûlent que du désir de faire le coup de fusil. Cette position est pénible, cependant je préfère de beaucoup cette situation morale à celle d’Avignon ou de Montpellier, où les élections se sont faites d’une manière pitoyable, parce que les légitimistes se sont obstinés à ne pas comprendre qu’il fallait envoyer à l’Assemblée des républicains honnêtes: ils auront de véritables gueux.

Puis, je suis comme vous sans argent. Figurez-vous qu’hier nous étions avec 16 francs en caisse; je crois bien que j’en avais 7 ou 8 dans ma bourse. Je vais tâcher de faire un emprunt, car il me faut payer bien des choses, d’ici à la fin de l’année. Seulement je voudrais savoir si la confiance semble un peu revenir.

Quant à vous, ma bonne fille qui êtes réellement si parfaite pour moi, croyez bien que j’apprécie tout ce qu’il y a dans votre coeur pour votre pauvre père, et que de son côté aussi il voudrait vous donner toute joie et tout contentement dans l’ordre des intentions de Dieu. Et, au fait, si votre nature est telle qu’elle ne puisse être dans l’ordre et dans la paix qu’en se dilatant toute entière, pourquoi ne pas la laisser suivre cette pente, si elle doit vous conduire à un plus grand bien, en vous rendant tout votre ressort. Ce qui s’est passé chez vous servirait à prouver que les règles absolues ne sont pas bonnes dans tous les cas, et qu’il faut quelquefois les ployer aux natures particulières. Pour moi, si vous trouvez qu’il y a quelque bien pour vous à vous développer, selon ce que me dit votre lettre du 25 avril, je suis tout disposé à vous y aider et j’en serai même tout heureux, puisque vous et moi nous aurons assez souffert pour croire qu’il n’y a pas à regretter la situation que nous nous étions faite, sans doute à tort, puisqu’elle a si mal réussi.

Je vous plains de toute mon âme d’avoir vu s’éteindre chez vous cette pauvre enfant, dont vous me parlez. Cependant faut-il s’affliger beaucoup d’aider un petit ange à s’envoler vers le ciel? Il semble que ces départs marquent plus sûrement la route qui sépare ceux qui restent de Dieu, vers qui l’âme qui s’en va s’est élancée. Pour moi, je suis dans un pressoir continuel. Je fais le Mois de Marie avec toute la dévotion possible; j’en inspire à mes enfants tant que je puis, mais je suis d’une désolante aridité. Sous cette écorce si sèche, il me semble bien découvrir un principe de foi qui se fortifie, mais c’est bien dur par moments de n’avoir que des mots sans aucune onction à adresser à Notre-Seigneur. Je m’en veux dans ces moments de me sentir si affectueux pour vous, mais je crois aussi que c’est une grande grâce que Dieu me fait pour m’empêcher de trop douter de moi-même.

Adieu, ma chère enfant. Je suis tout vôtre avec un coeur que votre souvenir dilate toujours.

E.D’ALZON.

La maison va bien, les élèves sont bien remontés; j’en ai chassé cinq ou six. Les maîtres vont presque tous bien. Il y a un développement prodigieux chez l’abbé Henri. Cardenne est bien saint, mais les élèves de la 1ère division qui ont saisi sa préchomanie l’appellent: circuit quaerens quem sermonet.

Comment vont vos Soeurs et quand se fait la première communion? Mme Bolze m’assomme de ses visites pour en savoir l’époque. Nous sommes ici huit seulement, et je ne vois pas que cela semble devoir augmenter beaucoup.

E.D'ALZON
Notes et post-scriptum