Périer-Muzet, Lettres, Tome XIV, p. 417.

14 may 1848 Nîmes MILLERET Marie-Eugénie de Jésus Bhse

Réponses à diverses questions – Nouvelles – Ses besoins urgents d’argent – Il a refusé Sorèze – L’obéissance.

Informations générales
  • PM_XIV_417
  • 0+570|DLXX
  • Périer-Muzet, Lettres, Tome XIV, p. 417.
  • Orig.ms. ACR, 573 et 573bis; V. *Lettres* III, pp. 342-344 et D'A., T.D. 20, pp. 9-10.
Informations détaillées
  • 1 CHEFS D'ETABLISSEMENT
    1 COLLEGE DE NIMES
    1 CONVERSION SPIRITUELLE
    1 CURES D'EAUX
    1 DIRECTION SPIRITUELLE
    1 EMBARRAS FINANCIERS
    1 ENSEIGNEMENT PRIMAIRE
    1 ESPRIT UNIVERSITAIRE
    1 HUMILITE
    1 LIBERTE DE L'ENSEIGNEMENT
    1 MALADIES
    1 MORTIFICATION CORPORELLE
    1 PETITS SEMINAIRES
    1 REVOLUTION ADVERSAIRE
    1 ROYALISTES
    1 SUPERIEURE
    1 VERTU D'OBEISSANCE
    2 BAROLO, MARQUISE DE
    2 CARNOT, HIPPOLYTE
    2 COLBERT-MALEVRIER DE
    2 FRANCHESSIN, ERNEST DE
    2 GENOUDE, ANTOINE-EUGENE DE
    2 GRIMAUD, LOUIS
    2 HAY, MARIE-BERNARD
    2 JOSEPH, SAINT
    2 O'NEILL, THERESE-EMMANUEL
    2 PATY, ISIDORE DE
    3 ECOSSE
    3 SOREZE
  • A LA MERE MARIE-EUGENIE DE JESUS
  • MILLERET Marie-Eugénie de Jésus Bhse
  • Nîmes, le 14 mai 1848 (fête du patronage de saint Joseph).
  • 14 may 1848
  • Nîmes
  • *Monsieur*
    *Monsieur de Paty*
    *Sous-chef à la direction générale des Postes*
    *Paris.*
La lettre

Ma chère fille,

A peine ma lettre d’avant-hier était-elle à la poste que j’en fus fâché, et celle que j’ai reçue hier de vous n’a pas fait changer mon regret, puisque, vous aussi, vous avez besoin qu’on vous soutienne. Je vais répondre par ordre.

1° Je viens de faire prier tous mes enfants pour Soeur Marie-Bernard; je leur ai un peu parlé d’elle et j’espère que cela leur aura fait du bien(1).

2° Ma santé n’est pas fameuse. En vous quittant avant-hier, je me suis mis au lit; je m’en suis bien trouvé. Hier, je me suis levé vers 10 heures et cela m’a soulagé. Quant à vous, je voudrais bien vous envoyer aux eaux; mais, avec tout le bruit que nous avons, le pourrez-vous? Le temps présent fait, sous ce rapport, à merveille les affaires de M. Fr[anchessin]; il faudra vous le donner pour patron et protecteur.

3° Pourriez-vous me procurer des renseignements positifs sur les projets plausibles relatifs à la loi sur l’enseignement? Le rapport de M. Carnot m’effraye beaucoup. Il s’agirait de supprimer les Petits Séminaires et les institutions privées(2).

4° Pourriez-vous me dire, si vous vendez d’ici à peu de temps, à quelle époque vous pourrez me compter de l’argent? Je ne voudrais pas vous gêner, et, comme il me faut une somme considérable, vous comprenez que si, d’ici à un mois, je ne pouvais être sûr de rien, il me faudrait prendre mes précautions ailleurs. Alors, il est vrai, il me serait difficile de me charger de beaucoup plus que ce que j’aurais emprunté ici. Vous me feriez donc bien plaisir, si vous pouvez me dire quelque chose de précis. Je vous demande pardon d’entrer dans ces détails, mais vous comprenez qu’il faut bien que je fasse tête à tous mes créanciers. Je me trouverai avoir, cette année, fait un bénéfice net de 6.000 francs. Il eût été bien plus considérable sans le départ d’une vingtaine d’élèves que m’a enlevés la révolution; mais je présume que, si les choses se calment un peu, la révolution me les rendra.

Je vous dirai en grand secret que le directeur de Sorèze m’a offert son établissement. Je l’ai refusé, quoique bien à regret; mais il sera facile de l’avoir, dès que j’aurai des sujets. M. de Colbert est le frère de Mme de Barolo. Souvenez-vous que sa soeur m’a promis de ne pas lui laisser un sou et qu’il compte pourtant sur son héritage.

Passons à ce qui vous concerne. Je vous avoue que je suis très peiné que vous soyez sortie de vos sentiments d’obéissance. Par le temps qui court peut-il en être de plus agréables à Notre-Seigneur? Je ne sais pas si j’aurai la force de vous y faire rentrer, mais je sais bien que j’éprouverai toujours un étonnement profond qu’une religieuse ne sache pas conserver en elle, comme le plus précieux trésor, des sentiments qui perfectionnent une vertu dont elle a fait le voeu. Comment avec une pareille insouciance, conserver ensuite l’esprit de son état et pouvoir, surtout, le communiquer aux autres, quand on est supérieure? Pour moi, afin de vous prouver que je reprendrai l’exercice de cette autorité, qui, je le vois bien, vous est de plus en plus nécessaire, je vous préviens que je suis résolu à vous exercer à toutes les pratiques humiliantes qui ont pu vous manquer quelquefois. Pour commencer, vous aurez la bonté de vous mettre à genoux devant Soeur Th[érèse]-Em[manuel] et vous ferez frapper sur les mains par elle. Si vous ne vous assouplissez pas, j’en viendrai à de plus rudes moyens. Je vais prier Dieu pour qu’il vous donne enfin la force d’être obéissante. Car souvenez-vous de ces paroles que je vous dis avec la plus profonde conviction: « Votre conversion ne datera que du jour où vous serez devenue obéissante. »

Adieu, ma chère fille. On parle de nommer ici M. de Genoude(3).

Nous allons, si cela est vrai, lui rompre en visière. Tout à vous et du fond du coeur.

E.D'ALZ[ON]
Notes et post-scriptum
2. Carnot ne put déposer que son projet sur l'enseignement primaire, le 30 juin; le temps lui manqua pour s'occuper des autres parties de l'enseignement. Voir GRIMAUD, *Histoire de la liberté d'enseignement en France*. Paris, 1898, p. 381 sq.1. Georgine Hay, en religion Soeur Marie-Bernard, Ecossaise convertie, était entrée à l'Assomption le 25 mai 1847; elle occupa ensuite différentes charges dans sa Congrégation.
2. Carnot ne put déposer que son projet sur l'enseignement primaire, le 30 juin; le temps lui manqua pour s'occuper des autres parties de l'enseignement. Voir GRIMAUD, *Histoire de la liberté d'enseignement en France*. Paris, 1898, p. 381 sq.
3. Prêtre et journaliste légitimiste.