Périer-Muzet, Lettres, Tome XIV, p. 426.

7 jun 1848 Nîmes MILLERET Marie-Eugénie de Jésus Bhse

La souplesse où vous vous maintenez – Trop ou trop peu – Votre responsabilité dans l’avancement spirituel de vos filles – Esprit de foi – Désintéressement et confiance en la Providence pour l’avenir de la maison – Une personne à aider – Politique.

Informations générales
  • PM_XIV_426
  • 0+575 b|DLXXV b
  • Périer-Muzet, Lettres, Tome XIV, p. 426.
  • Orig.ms. ACR, AD 581; D'A., T.D. 20, pp. 16-18.
Informations détaillées
  • 1 AMITIE
    1 ARGENT DU PERE D'ALZON
    1 COLLEGE DE NIMES
    1 CONTRARIETES
    1 DEVOTION EUCHARISTIQUE
    1 DIRECTION SPIRITUELLE
    1 FOI
    1 LIBERTE DE CONSCIENCE
    1 PAIX DE L'AME
    1 PARESSE
    1 PARLEMENT
    1 PROGRES DANS LA VIE SPIRITUELLE
    1 PROPRETE
    1 PROVIDENCE
    1 PRUDENCE DE LA CHAIR
    1 RENDEMENT DE COMPTE
    1 REPUBLICAINS
    1 RESPONSABILITE
    1 RESSOURCES FINANCIERES
    1 ROYALISTES
    1 SCRUPULE
    1 SERVIABILITE
    1 SUPERIEURE
    1 VERTU D'OBEISSANCE
    2 BUCHEZ, PHILIPPE
    2 GERMER-DURAND, EUGENE
    3 GARD, DEPARTEMENT
    3 MIDI
    3 NIMES
    3 SETE
  • A LA MERE MARIE-EUGENIE DE JESUS
  • MILLERET Marie-Eugénie de Jésus Bhse
  • Nîmes, le 7 juin 1848.
  • 7 jun 1848
  • Nîmes
  • Maison de l'Assomption
La lettre

Ma chère fille,

J’ai aujourd’hui bien des choses à vous dire et je ne sais par où commencer. Je veux d’abord vous parler de vous et de votre rendement de compte. Je suis satisfait de voir la manière surnaturelle, dont vous acceptez mes ordres positifs. J’en suis d’autant plus satisfait que je vois combien vous avez à faire d’efforts pour vous maintenir dans cette souplesse absolue, où Dieu vous veut, car il est entendu que vous ne vous portez pas à cette obéissance de la manière fatale dont vous m’avez quelquefois parlé, qui vous laisse toute votre indépendance; car ce ne serait pas la peine que je perdisse mon temps à vous commander. Vous savez bien que je n’y trouve pas un attrait assez grand pour m’en donner l’ennui, à moins que je ne l’envisage comme un devoir très sérieux pour moi de parler et pour vous de faire selon mes paroles.

8 juin.

J’ai été forcé d’en rester là hier et je n’ose pas vous dire que je vous sacrifie le temps de ma messe, parce que je me suis levé un peu trop tard aujourd’hui. Demandez à Dieu de me faire connaître si je donne trop à la paresse, ou bien si de ma part il n’y a pas scrupule. Je suis toujours embarrassé entre faire trop ou trop peu. Quoi qu’il en soit, j’en reviens à vous.

Je vous recommanderai la surveillance pour l’ordre matériel de la maison, et puis l’habitude de l’ordre à donner à vos filles. Sur ce point j’ai quelques reproches à me faire; ne m’imitez pas.

Je reviens sur le bien à faire à vos filles pour leur avancement spirituel. Evidemment vous ne pouvez vous sauver que par là, tant que vous serez supérieure, et il est si facile de se laisser entraîner. Je demande à Dieu qu’il vous inspire le zèle le plus grand. Un autre point sur lequel j’insiste et qui se rattache tout naturellement au premier, c’est un grand esprit de foi dans tout ce que vous ferez. Que de facilité n’avons-nous pas en traitant les affaires de nous laisser aller à un point de vue humain! Pour moi, je suis bien résolu à ne plus considérer la maison comme m’appartenant, mais comme appartenant à Dieu, dont je ne suis que l’homme d’affaire. Cette vérité que nous oublions (moi du moins) un peu trop me fait un bien infini, quand je m’y repose. Et ne faut-il pas au milieu des angoisses chercher la paix du coeur, puisque Notre-Seigneur la promet aux siens. Je vous laisse, parce que je ne puis accepter l’idée que je ne dirai pas la messe; je vous reviendrai plus tard.

J’ignore si c’est le bon Dieu qui a voulu me donner un peu de la confiance que je lui ai témoignée. Ce qui est sûr, c’est qu’une demi-heure après ma messe, un curé du diocèse est venu m’offrir à me faire prêter une somme de 36.000 à 40.000 francs. Il retourne demain dans la petite ville, où il connaît une personne qui veut employer cette somme à une bonne oeuvre. Convenez que si la chose se réalise, il faudra que je remercie Notre-Seigneur de ce qu’il aurait fait [une] chose extraordinaire. Il semblait que Notre-Seigneur voulait que je fixasse ce que je mettrai de ma fortune dans la maison de Nîmes. J’ai fixé le chiffre à 200.000 francs, et il me paraît qu’une fois cet appoint compté, Dieu m’enverra des ressources, car je ne me regarde plus comme le propriétaire de la maison, mais uniquement comme son gérant. Peut-être ne m’étais-je pas assez placé à ce point de vue dans tout ce que j’ai fait jusqu’à présent.

Je voulais vous recommander un M. Durand, négociant de Cette, parfait honnête homme et qui entre dans nos idées. Il vient de perdre une position très lucrative, et comme il est père de famille, il veut trouver le moyen de faire encore quelque chose. Je l’avais prié de venir causer avec moi, mais le temps lui a manqué. Si vous pouvez lui être de quelque utilité, vous me rendrez un vrai service. Vous voyez que je vous crois toute puissante.

Enfin, si vous voyez Buchez, veuillez lui faire observer que le gouvernement semble prendre à tâche de faire tout dans nos pays pour empêcher le développement de l’idée démocratique. Voudrait-il que je lui fisse part de mes observations, et pourrait-il prendre le département du Gard sous sa protection? Ceci est plus important qu’on ne pense, car si les catholiques du Gard deviennent républicains, -et nous les y amenons peu à peu,- le légitimisme est à jamais perdu dans le Midi de la France.

Adieu, ma chère fille. Bon courage au milieu de tous les ennuis que je vous cause. Votre amitié m’est un grand bien. Quand pourrai-je vous en faire autant que j’en reçois de vous?

E.D'ALZON.
Notes et post-scriptum