Périer-Muzet, Lettres, Tome XIV, p. 441.

6 aug 1848 Nîmes MILLERET Marie-Eugénie de Jésus Bhse

Nouvelles politiques – L’argent qu’il a engagé le force à ne pas quitter Nîmes – Sa tristesse de ne pas trouver de vocations – Son programme spirituel pour les vacances – Une personne à éconduire poli ment – Le bon Cardenne – Elle doit donner à ses filles l’exemple des sacrifices.

Informations générales
  • PM_XIV_441
  • 0+583|DLXXXIII
  • Périer-Muzet, Lettres, Tome XIV, p. 441.
  • Orig.ms. ACR, AD 593; V. *Lettres* III, pp. 365-367 et D'A., T.D. 20, p. 33.
Informations détaillées
  • 1 ASSOCIATION DE L'ASSOMPTION
    1 ASSOMPTION DE LA SAINTE VIERGE
    1 BON EXEMPLE
    1 CHEFS D'ETABLISSEMENT
    1 COLLEGE DE NIMES
    1 CONTRAT DE LOCATION
    1 CONVERSATIONS
    1 CURES D'EAUX
    1 DON DE SOI A DIEU
    1 EMBARRAS FINANCIERS
    1 MAITRES
    1 NOTRE-DAME DE ROCHEFORT
    1 NOVICES ASSOMPTIONNISTES
    1 OPPORTUNISTES
    1 POLEMIQUE
    1 POLITIQUE
    1 PREDICATION DE RETRAITES
    1 RECHERCHE DE LA PERFECTION
    1 RETRAITE DES RELIGIEUX
    1 SAINTS DESIRS
    1 VACANCES
    1 VIE DE SACRIFICE
    2 BONNIAS, HENRI
    2 BUCHEZ, PHILIPPE
    2 CARDENNE, VICTOR
    2 GERMER-DURAND, EUGENE
    2 SALIVES, JEAN-PIERRE
    2 SAUGRAIN, HIPPOLYTE
    2 SIBOUR, LEON-FRANCOIS
    2 SOLIGNAC, NAPOLEON
    2 TEULON, EMILE
    2 THOUREL, ANDRE
    2 TISSOT, PAUL-ELPHEGE
    3 CAUTERETS
    3 FRANCE
    3 GARD, DEPARTEMENT
    3 NIMES
    3 PARIS
    3 SOREZE
    3 VALBONNE
  • A LA MERE MARIE-EUGENIE DE JESUS
  • MILLERET Marie-Eugénie de Jésus Bhse
  • Nîmes, le 6 août 1848.
  • 6 aug 1848
  • Nîmes
  • Evêché de Nîmes
La lettre

Ma chère fille,

Je reçois votre lettre du 3; elle m’intéresse beaucoup par tous les détails que vous m’y donnez. Je ne puis rien vous dire, sinon que je voudrais bien savoir que vous allez à Cauterets, en compagnie de Buchez. Je suis bien sûr que vous le déciderez à passer par Nîmes, au moins au retour. J’aime infiniment M. Sibour de vous engager à aller aux eaux. Si vous voyez M. Buchez, veuillez lui dire qu’il faut absolument qu’il nous maintienne notre préfet. Ce n’est pas un homme très capable, mais à coup sûr le seul, depuis la République, qui s’y soit bien pris pour faire régner l’ordre et gagner, parmi les honnêtes gens, des amis à la République(1). Quant à la part que je prends à la politique, elle s’amoindrit tous les jours, et, les élections municipales terminées, je ne vois plus ce que j’aurais à y faire. Encore pour ces élections, je ne fais presque rien. M. Durand devait être nommé; je l’ai engagé à retirer sa candidature.

Quant à quitter Nîmes, j’y vois d’immenses difficultés pécuniaires. Je ne puis compromettre les sommes que l’on m’a prêtées, et je les compromets si je m’éloigne. Louer le local, par le temps qui court, serait folie. Qui louerait? Et qui payerait le loyer? Et puis, qui me vient en aide dans ce pays? Personne. Je demande à Dieu un bon sous-directeur et je ne puis le trouver. En ce moment, on m’offre Sorèze. Si je l’eusse voulu, je l’aurais eu pour rien; ce n’est qu’à vingt-quatre heures d’ici. Eh! bien, je ne puis accepter, quoique ce soit un des plus beaux établissements de France.

Je vais, au mois d’octobre, m’enfermer avec quelques maîtres: MM. Tissot, Cardenne et Saugrain(2). Nous ferons notre noviciat de notre mieux, puis nous verrons ce que Dieu voudra de nous. Je suis plein de confiance, mais je ne puis plus rien voir au-delà de l’année qui va s’ouvrir; car enfin je vous avoue que je suis étonné de ne pas trouver plus d’hommes qui veuillent venir à moi. Puis, je comprends que, ayant fait si peu pour la sanctification de plusieurs, Dieu veuille me faire attendre. Aussi, je vous conjure de faire ce que vous pourrez, pour obtenir de la Sainte Vierge que je commence une bonne fois à me donner tout à elle et à Notre-Seigneur.

Le lundi après notre distribution [des prix], qui aura lieu le 16, je partirai en pèlerinage pour Notre-Dame de Rochefort(3); de là, je m’acheminerai vers la Chartreuse de Valbonne, où je ferai ma retraite avec mes trois futurs compagnons. J’irai peut-être quelque temps dans ma famille. Le 7 octobre, je prêcherai une retraite de quatre jours aux professeurs et immédiatement après nous nous enfermerons. J’avoue que, d’ici là, je voudrais bien que Dieu m’envoyât quelques novices de plus.

J’en reviens à ce que vous me disiez dans votre lettre du 27, apportée par M. Cardenne. Il me semble qu’en continuant à être polie, il faut absolument éconduire peu à peu la personne dont vous m’avez envoyé la lettre, à moins toutefois qu’il ne prenne le parti d’examiner sérieusement les questions; et, dans ce cas, il faudrait voir si les controverses qu’il cherche et qui sont singulièrement écourtées dans ses lettres, ne sont pas un prétexte pour arriver à quelque autre chose, c’est-à-dire des conversations prolongées; ce qui me paraît à la longue compromettant.

Je ne suis pas hors de mes embarras de finances, mais je suis pourtant à l’abri des craintes que j’éprouvais il y a quelque temps. Quant à vous autres, je vous avoue que je suis toujours effrayé de vous voir passer l’hiver à Paris. Le bon Cardenne est excellent, et je vais le prendre probablement pour secrétaire. Mais quel empêtré et quel homme obscur dans ses idées! Les observations qu’il vous a faites au sujet des obstacles que nous avons rencontrés ici pour notre sanctification, vont être levés(4); nous verrons s’il s’en trouvera mieux.

Enfin, ma fille, je ne saurais trop vous recommander, puisque vous sentez le désir de réparer le temps perdu, de vous y mettre en effet tout de bon, et surtout, lorsque vous apercevrez un sacrifice à offrir à Dieu, de ne pas en perdre la moindre parcelle, s’il est possible. Souvenez-vous que ceux que vous ferez seront souvent la source d’une foule d’autres offerts par vos filles, encouragées par vos exemples. Pensez souvent devant Dieu à ce que vous feriez faire, si on vous le voyait pratiquer vous-même. Je ne sais si j’aurai le temps de vous écrire d’ici à la distribution des prix. Je vous souhaite donc de célébrer dignement la fête de la Sainte Vierge. Je la prierai, ce jour-là, tout spécialement pour vous, cela va sans dire. Ecrivez-moi dans quelles dispositions vous comptez employer vos vacances.

Tout vôtre en Notre-Seigneur.

E.D'ALZON.
Notes et post-scriptum
1. Le premier commissaire du Gard, Emile Teulon, une fois élu député, résilia ses fonctions et fut remplacé par Napoléon Solignac. Les pouvoirs de ce dernier expirèrent le 13 mai, à l'arrivée du nouveau préfet, Henri Bonnias. Cinq jours après, celui-ci était révoqué et remplacé par un nouveau commissaire, nommé Thourel. Enfin, le 9 juin, arrivait à Nîmes le préfet Salives, celui qui recevait les éloges du P. d'Alzon; il fut révoqué à la fin du mois d'août.
2. Les seuls novices qui lui restassent.
3. Le lundi en question tombait le 21 août.
4. La phrase est incorrecte: ce sont les obstacles, non les observations, qui vont être levés.