Périer-Muzet, Lettres, Tome XIV, p. 465.

15 dec 1848 Nîmes MILLERET Marie-Eugénie de Jésus Bhse

Ses reproches sont parfaitement justes, il se les était déjà adressés – Puisqu’elle a encore besoin d’appui, il continuera à le lui donner – Il convient d’adorer Notre-Seigneur vivant en nous et se formant en nous – Pour cela, prendre la communion comme pivot de sa vie – Autres directives – Grave maladie d’un élève.

Informations générales
  • PM_XIV_465
  • 0+598|DXCVIII
  • Périer-Muzet, Lettres, Tome XIV, p. 465.
  • Orig.ms. ACR, AD 612 et 6l2bis; V. *Lettres* III, pp. 396-399 et D'A., T.D.
Informations détaillées
  • 1 ACTION DU CHRIST DANS L'AME
    1 ADORATION
    1 AMITIE
    1 AMOUR DU CHRIST
    1 APOSTOLAT SPIRITUEL
    1 AVENT
    1 CHARITE ENVERS LE PROCHAIN
    1 CONFESSEUR
    1 CRITIQUES
    1 DEVOTION EUCHARISTIQUE
    1 DIRECTION SPIRITUELLE
    1 EXAMEN DE CONSCIENCE
    1 FAUTE D'HABITUDE
    1 FETE DE L'EPIPHANIE
    1 FOI
    1 FORMATION DE JESUS CHRIST DANS L'AME
    1 GRACES
    1 JESUS-CHRIST EPOUX DE L'AME
    1 LACHETE
    1 MALADIES
    1 MAUVAISES LECTURES
    1 MORTIFICATION
    1 ORAISON
    1 ORGUEIL
    1 OUBLI DE SOI
    1 PERFECTIONS DE JESUS-CHRIST
    1 PRESSE
    1 PROGRES DANS LA VIE SPIRITUELLE
    1 SOUFFRANCE ACCEPTEE
    1 TIEDEUR
    1 TRISTESSE
    1 VERTU D'OBEISSANCE
    1 VERTU DE FORCE
    1 VERTU DE PENITENCE
    1 VICTOIRE SUR SOI-MEME
    2 PATY, ISIDORE DE
    3 MONTPELLIER
  • A LA MERE MARIE-EUGENIE DE JESUS
  • MILLERET Marie-Eugénie de Jésus Bhse
  • Nîmes, le 15 décembre 1848.
  • 15 dec 1848
  • Nîmes
  • Evêché de Nîmes
  • *Monsieur*
    *Monsieur de Paty, Sous-chef*
    *à l'administration générale des Postes*
    *Paris.*
La lettre

J’ai trouvé votre lettre du 12, ma chère fille, en arrivant de Montpellier, et je l’ai lue avec une grande attention. Vous y dites des choses d’une grande vérité, et je vous remercie de la manière dont vous les avez dites. Vous m’avez parfaitement ménagé dans vos réclamations. Il y a dans tous vos reproches un parfum d’amitié qui m’empêche de ne pas vous en être bien reconnaissant. Une fois rassurée sur ce qui me regarde, je viens à ce qui vous concerne. Ce besoin immense que vous avez d’être appuyée, soutenue, je l’avais certes assez reconnu. Mais, vous le dirai-je? je crois que c’est une imperfection. J’aurais voulu vous en corriger. Peut-être, sans m’en rendre bien compte, était-ce autant pour moi que pour vous, et, en cela, j’avais tort, car je devais dans ce qui vous regarde ne considérer que vous. Je voulais donc, comme je le voudrais encore, que, parmi vos autres qualités, vous eussiez celle d’être plus capable de vous supporter davantage toute seule, ou au moins de n’avoir pas un si grand besoin d’appui. Probablement, je m’y suis mal pris, mais il ne faut pas se décourager. Nous verrons de recommencer, d’une autre manière, et d’en venir à bout avec l’aide de Dieu.

A cet égard, vous me trouverez très accommodant. Voici pourquoi. Depuis quelque temps, je suis très préoccupé du peu de progrès que je fais au service de Dieu, et la raison en est, je crois, que je ne remplis pas assez saintement mon ministère envers les âmes. Ce que vous me dites n’est donc qu’une preuve de plus de ce que ma conscience me reproche. Loin de me fâcher de ce que vous me dites, je vous en remercie. Toutefois, entendons-nous. Ce besoin excessif d’appui me paraît une imperfection, mais il ne faut pas pour cela vous refuser l’appui qui vous est nécessaire, et c’est en quoi j’ai eu tort. Le malade qui ne peut marcher sans un bâton est faible, mais de ce que sa faiblesse indique un mal physique, il ne s’ensuit pas qu’il ne faille pas le soutenir tant qu’il est infirme. Je vous promets donc que je vous offrirai l’appui de mon bras, tant que vous en aurez besoin. S’il ne vous est pas nécessaire plus tard, nous aviserons. En attendant, il est tout à vos ordres, et, pour vous le prouver sur-le-champ, je vous ferai observer que, de 200 lieues, les secours spirituels ne vous seront jamais aussi promptement appliqués que si j’habitais la même ville. Il faut donc, à cause de cela, vous établir dans certains états, certaines dispositions, où vous puissiez vous retrouver et vous relever, à vous seule, en attendant que ma réponse puisse vous arriver. Or, vous savez ce que je vous ai demandé, dans vos rapports avec Notre-Seigneur, au commencement de l’Avent. Vous ne m’avez rien répondu à ce sujet et je vous prie de le faire au plus tôt. Ce vous sera une obéissance, et, de plus, un moyen d’entrer dans cette disposition où je vous veux.

Veuillez me dire s’il vous est facile d’adorer Notre-Seigneur vivant en vous et se formant en vous. Lui donnez-vous ce qui lui convient, au fond de votre volonté? A-t-il la dernière fibre de votre coeur? Lorsque les secours extérieurs vous manquent, lui témoignez-vous quelque désir qu’il puisse, lui, votre Dieu et votre Epoux, vous suffire? Je vous demande une réponse catégorique et où vous me direz en même temps, après avoir pris votre temps pour réfléchir, ce que vous pensez que Dieu demande de vous, pour que vos rapports avec lui soient ce qu’il les veut.

Je ne pense pas, en effet, que vous deviez appeler un confesseur. Il me semble qu’il vous ferait, quel qu’il soit, plus de mal que de bien. Au moins est-ce ma conviction. Mais alors, me direz-vous, il faut que vous m’aidiez davantage. Je vous avoue que j’en prends la résolution très sérieuse, avec la conviction que si cette fois je n’y réussis pas, il faudra peut-être en conclure que Dieu vous veut à un autre directeur, idée que je n’accepte pas autrement que comme un de ces remèdes héroïques qu’on tente à la dernière extrémité.

Le regret que vous avez de ce que vous auriez pu être ne doit pas vous décourager, sans quoi il ne serait plus bon. Il ne s’agit que de réparer.

Il ne s’agit que de réparer le temps perdu. Ai-je besoin de vous en indiquer le moyen? En voici un, et, s’il vous va, je vous ordonne de le suivre. Commencez à prendre la communion comme le pivot de votre vie. C’est là, en effet, que se développe le mystère du Sauveur en vous. Chaque jour, plusieurs fois par jour, mettez-vous avec Notre-Seigneur dans les rapports d’amour, d’adoration, de repentir, de confiance, que doit vous inspirer une présence aussi ineffable. Si la distraction vous en détourne quelquefois, retournez-y avec confusion de votre lâcheté et de votre faiblesse. Que votre méditation aille chercher le Fils de Dieu au ciel, pour le faire descendre dans l’abaissement de votre nature! Alors mettez ses perfections en face de vos misères et laissez-le agir en l’adorant, l’aimant, le priant, le remerciant, en un mot en vous oubliant vous-même pour le laisser entièrement maître de vous.

Vous relirez cette page tous les jours, le matin, jusqu’à l’Epiphanie, et le soir, avant de vous coucher, vous la lirez encore pour faire votre examen sur la manière dont vous êtes entrée dans les dispositions que je vous indique.

Vous avez raison de ne pas trouver matière à orgueil, dans ce que vous venez de me dire de vos dispositions à l’égard du prochain. J’espère que les observations que je vous fais pour établir des rapports plus intenses avec Notre-Seigneur vous aideront à vous en corriger. C’est indispensable et plus facile à obtenir que vous ne pourriez le croire au premier coup.

Ce que vous avez pensé, dans votre communion du 12, est très bon. J’accepte votre offre et je vous reprends comme vous vous offrez. Il me semble bien que Dieu le veut ainsi. Vous verrez, ma fille, que l’un et l’autre nous finirons pas y trouver notre sanctification.

Pour vous remettre à l’exactitude de l’obéissance, veuillez la première fois me demander quelques permissions. Vous voudrez bien le jour où vous aurez reçu ma lettre faire quelque péni[tence] publique au réfectoire. Je vous défends plus que jamais la lecture des feuilletons, et il est possible que je vous interdise pour un temps la lecture des journaux. Je réfléchirai, préparez-vous à vous soumettre à cette privation.

J’attends toutes les autres choses que vous aurez à me dire. Pour quel motif suis-je seul à pouvoir déplier votre âme? Je crois le deviner, mais je veux le savoir de vous.

Adieu, ma fille. Le premier courrier vous apportera ma lettre d’affaires. Priez pour un de nos enfants, qui est dans le même état que celui que nous avons perdu. C’est désolant, mais Dieu le veut.

E.D'ALZ[ON].
Notes et post-scriptum