Périer-Muzet, Lettres, Tome XIV, p. 526.

23 aug 1849 Lavagnac MILLERET Marie-Eugénie de Jésus Bhse

Dieu n’a pas encore voulu de lui, mais il n’a pas la force d’aller à Paris – Sa dernière lettre lui est allée au coeur – Elle a besoin autant que lui de se soigner – Après la mission du Cap, il faut préparer celle d’Angleterre – Il médite en récitant son bréviaire – Le voeu d’obéissance qu’elle lui a fait – Renvoi de quelques maîtres – A propos d’un postulant – L’exemple de sainte Chantal.

Informations générales
  • PM_XIV_526
  • 0+636|DCXXXVI
  • Périer-Muzet, Lettres, Tome XIV, p. 526.
  • Orig.ms. ACR, AD 665; V. *Lettres* III, pp. 472-476 et D'A., T.D. 20, pp. 109-110.
Informations détaillées
  • 1 ANGLAIS
    1 AUTEURS SPIRITUELS
    1 AUTORITE RELIGIEUSE
    1 BON EXEMPLE
    1 BONTE MORALE
    1 CHATIMENT
    1 COLLEGE DE NIMES
    1 CONVERSION SPIRITUELLE
    1 CRITIQUES
    1 CURES D'EAUX
    1 DEFAUTS
    1 DISTRACTION
    1 EFFORT
    1 ENFANTS
    1 FAIBLESSES
    1 FATIGUE
    1 GLOIRE DE DIEU
    1 LIBERTE
    1 MAITRE DES NOVICES ASSOMPTIONNISTE
    1 MAITRES
    1 MALADES
    1 MALADIES
    1 MEDECIN
    1 MISSION D'ANGLETERRE
    1 MISSION DU CAP
    1 OFFICE DIVIN
    1 ORAISON
    1 PATERNITE SPIRITUELLE
    1 PERFECTION
    1 PUNITIONS
    1 RECONNAISSANCE
    1 SANTE
    1 SCANDALE
    1 SENTIMENTS
    1 SURVEILLANTS
    1 TRANSPORTS
    1 VERTU DE FORCE
    1 VICAIRE GENERAL
    1 VIE DE PRIERE
    1 VIEILLESSE
    1 VOEU D'OBEISSANCE
    1 VOLONTE DE DIEU
    1 VOYAGES
    2 CHAUGY, FRANCOISE-MADELEINE DE
    2 CUSSE, RENE
    2 GERMER-DURAND, MADAME EUGENE
    2 HENRI, ISIDORE
    2 JEANNE DE CHANTAL, SAINTE
    2 MARC, PAUL
    2 MARIE-MADELEINE, SAINTE
    2 O'NEILL, THERESE-EMMANUEL
    2 PUYSEGUR, MADAME ANATOLE DE
    2 RAYNAUD, POSTULANT
    2 TISSOT, PAUL-ELPHEGE
    3 EMS
    3 LYON
    3 PARIS
    3 SPA
  • A LA MERE MARIE-EUGENIE DE JESUS
  • MILLERET Marie-Eugénie de Jésus Bhse
  • Lavagnac, le 23 août 1849.
  • 23 aug 1849
  • Lavagnac
La lettre

Je vais essayer, ma chère fille, de vous écrire un peu longuement, quoique je ne sois pas très vaillant, il s’en faut bien. J’ai lieu de croire cependant que, pour cette fois, Dieu ne voudra pas encore de moi, et, ce qui m’humilie profondément, c’est que je n’en suis pas du tout fâché. Je reçus, il y a quelques jours, une lettre de vous pour M. Tissot, que je n’ai pas voulu décacheter, quoiqu’il fût parti pour Lyon, et une lettre de Soeur Th[érèse]-Em[manuel] pour moi, où elle me presse d’aller à Paris. Mais, ma chère fille, il faut pouvoir aller à Paris. Avec mon genre d’indisposition, ce n’est guère possible, à moins de voyager dans sa voiture. Puis, je n’en aurais pas la force. Par-dessus le marché, mon médecin me le défend de la manière la plus expresse. Enfin, puisque le choléra peut devenir plus sérieux à Nîmes -et il paraît, en effet, en prendre la tournure,- croyez-vous que, quand je serai rétabli, il serait bien beau à moi de fuir à deux cent lieues? Puisque je suis grand vicaire, je dois donner l’exemple. Au moins, je devrai le donner, dès que ma santé me le permettra. J’aurais, pour aller à Paris, outre le désir de vous voir, le motif de la maladie de Mme de Puységur, qui de son côté, ne peut quitter Paris et qui y sera clouée, à ce qu’il paraît, une bonne partie de septembre. Je ne sais, non plus, si Mme Durand pourra se décider à quitter ses enfants. Au fond de tout cela je vois une volonté de Dieu, qui pour moi est un peu et beaucoup une punition. Tous mes projets s’en vont en fumée et je suis mené dans le sens inverse où j’aurais voulu l’être. Mais tout cela n’est-il pas excellent, pourvu que Dieu en soit glorifié?

Avant de répondre au fond de votre lettre du 9 août, qui est la dernière que j’ai reçue de vous, laissez-moi vous dire que celles de vos lettres, où vous vous montrez un peu bonne, me dilatent merveilleusement le coeur et me donnent un très grand désir de vous rendre tout le bien qu’elles me font. A défaut d’autres qualités, il me semble que j’ai au moins celle de la reconnaissance, et elle est bien vive, je vous assure, quand il vous plaît de redevenir mon excellente fille d’autrefois. C’est vous dire assez à quel point votre dernière épître m’est allée au coeur, dans tout ce qu’elle m’a montré de bonnes résolutions de vous élever enfin au-dessus de vous-même et de toutes les misères, dans lesquelles vous vous étiez laissée un peu trop empêtrer.

Cela dit, je reprends votre lettre. Et d’abord, comment allez-vous, de votre côté? Il me semble que, du train où nous y allons l’un et l’autre, nous serons bientôt vieux. Vous avez bonne grâce de me gronder sur le peu de soin que je prends de ma santé. Et vous donc, ma chère fille? De grâce, soignez-vous, et, puisque je ne puis pas arriver sur-le-champ à Paris, profitez-en donc pour aller aux eaux d’Ems ou de Spa, enfin là où vous espérez trouver un peu de vigueur.

Voilà donc nos pauvres Soeurs parties. Je pense à elles dans la journée, très souvent, et je demande à Dieu de les fortifier dans toutes les fatigues qu’elles vont avoir à supporter. Maintenant, vous aurez à vous occuper de la mission d’Angleterre, où vous devez tourner très sérieusement vos regards. Il me paraît très évident que Dieu vous veut pour cette oeuvre. Il y a dans votre esprit, dans vos moeurs religieuses, quelque chose qui doit aller beaucoup au caractère anglais. Il ne faut pas négliger cette porte qui vous est ouverte.

Je suis tout heureux de voir que vous vous tournez un peu plus du côté de la prière, et que vous mettez à profit le temps libre qui vous est donné. Pour moi, j’y ai une difficulté extrême, à cause de mes distractions. J’ai pris le parti de méditer en lisant ou en récitant très lentement mon office; ce qui me va assez, parce que, dès que la distraction me prend, je continue soit à lire, soit à réciter les prières du bréviaire. Quant à vous qui priez plus facilement, prenez bien garde de mériter d’être punie par une trop grande sécheresse. Vous ne savez pas ce qu’il en coûte, quand on tombe dans certaines impuissances de prier.

Voilà que je retrouve votre lettre de la veille de sainte Madeleine, à laquelle vous me reprochiez de n’avoir pas répondu. Oui, je me souviens que le voeu d’obéissance que vous m’aviez fait contenait une foule de sentiments, qui ne se sont guère manifestés dans vos dispositions habituelles, depuis trois ans. Mais qu’y faire? N’êtes-vous pas toute disposée à y entrer? Et cela me paraît suffire devant Dieu, qui ne demande pas mieux que d’encourager une âme qui revient de ses faiblesses. Vous mettez, au reste, parfaitement le doigt sur la question. En vous reprenant comme vous l’avez fait, vous ne vous êtes pas sanctifiée. Il faut donc revenir à l’état où vous pouviez plus facilement améliorer votre âme, et puisque vous êtes, selon votre expression, toute rétablie sur cette base de la confiance, appuyez-vous-y, restez-y; car pour ma part il me semble que, de moi à vous, c’est absolument la même chose. Au demeurant, chère fille, vos meilleures dispositions, je le sens bien, donnent plus de force à l’autorité que je puis avoir sur vous, et plus de liberté pour vous faire presser de devenir ce que Notre-Seigneur exige de votre part.

Il faut que je m’arrête ici, je n’ai pas la force d’aller plus loin. Si le courrier m’apporte une lettre de vous, je tâcherai de vous dire encore un mot un peu plus tard.

Le courrier n’est pas encore arrivé, mais, avant de reprendre ma lettre, je suis préoccupé d’une idée, dont il faut que je vous fasse part. J’ai dit ce matin la messe pour l’abbé Raynaud. Je voulais lui écrire ensuite pour lui demander où il en était de ses projets, quelque chose m’en a empêché. Il m’a paru meilleur d’attendre que Notre-Seigneur me l’envoie. Qu’en pensez-vous? Il est sûr que, selon toutes les apparences, la maison aura cette année bien plus de régularité qu’auparavant. Je viens de frapper un grand coup: j’ai donné congé à quatre professeurs et à un surveillant. Parmi les professeurs, vous connaissez MM. Paul Marc, Isidore Henri et Cusse. Ce dernier a été atterré, mais il fallait absolument prouver que je voulais être obéi. Il m’a demandé les motifs. Je lui ai répondu que je le renvoyais pour son mauvais esprit, ses critiques et ses mauvais exemples. Il a voulu d’autres explications. Je me suis contenté de lui dire que, s’il me comprenait, toute explication était inutile, et que s’il ne comprenait pas, elle était plus inutile encore. Mais j’en reviens à M. Raynaud. Que pensez-vous qu’il faille faire? S’il était, lui, disposé à venir, je pourrais sans difficulté écrire à son archevêque. Donnez-moi vos idées. Ma pensée est que nous pourrons, un jour, en faire un très bon maître des novices.

Ceci dit de peur de l’oublier, j’en reviens à ce qui vous touche, et, puisque je suis à causer, je dois dire encore que je viens de lire avec admiration les Mémoires de la Mère de Chaugy sur sainte Chantal. Si vous ne les avez pas lus, procurez-vous-les donc. Quelle femme admirable! Il est vrai de dire que, tout en lisant et en faisant des réflexions pour moi, j’en faisais aussi pour vous. Je trouve d’abord qu’elle avait une énergie pour le bien, que ni vous ni moi n’avons et que je lui demande de tout mon coeur pour vous et pour moi. Car, il faut bien vous le dire, comme si vous ne le saviez pas, la plupart des réflexions que je fais, quand je rentre un peu en moi-même, ne s’appliquent pas à moi seul. Je pense aussi pour vous, et cela sans scrupule de manquer à la charité, quand je vous trouve des défauts, car vous savez bien que je vous voudrais parfaite.

Me voilà à la fin de ma quatrième page. Cette lettre partira ainsi demain. Je tâcherai de revenir encore sur vos deux lettres. Ce que je trouverai à y répondre et ce que vous me fournirez de matière, dans la prochaine lettre que j’attends de vous, suffira bien à une autre lettre de ma part.

Adieu, ma fille. Je deviens vieux. Voyez comme je ne sais bientôt plus ce que je dis. Priez pour moi.

E.D'ALZ[ON].
Notes et post-scriptum