Périer-Muzet, Lettres, Tome XV, p. 5.

8 jan 1850 Nîmes MILLERET Marie-Eugénie de Jésus Bhse

Ce qu’il pense faire pour leur future fondation à Nîmes – Nouvelles diverses – L’impression qui la porte à l’état de victime n’est pas imprudente, elle s’impose pour sa sanctification – L’obéissance lui sera alors plus nécessaire que dans tout autre état – Il faut qu’elle soit aussi une fille d’oraison – Elle aura besoin de générosité et de mortification – Lui aussi tâche d’être un homme intérieur – Ne pourrait-elle lui tailler un manteau qui serait un commencement de costume?

Informations générales
  • PM_XV_005
  • 0+670|DCLXX
  • Périer-Muzet, Lettres, Tome XV, p. 5.
  • Orig.ms. ACR, AD 689; V. *Lettres* III, pp. 532-535 et D'A., T.D. 20, p. 133.
Informations détaillées
  • 1 CELLULE
    1 CLASSES SCOLAIRES
    1 COLLEGE DE NIMES
    1 EFFORT
    1 ELEVES
    1 EXAMEN DE CONSCIENCE
    1 EXAMENS ET DIPLOMES
    1 EXERCICES RELIGIEUX
    1 FIDELITE A L'ESPRIT DE LA REGLE
    1 GOURMANDISE
    1 HABIT RELIGIEUX
    1 INSTRUCTION RELIGIEUSE
    1 JEUNE CORPOREL
    1 LUTTE CONTRE LE MONDE
    1 MAITRES
    1 MALADIES
    1 OFFICE DIVIN
    1 OFFICE EN CHOEUR
    1 ORAISON
    1 PAIX DE L'AME
    1 PENITENCES
    1 PENSIONNAIRES
    1 PREDICATION DE RETRAITES
    1 PRESSE
    1 PRIEURE DE NIMES
    1 PRIME
    1 PROGRES DANS LA VIE SPIRITUELLE
    1 RELIGIEUSES DE L'ASSOMPTION
    1 RELIGIEUX ANCIENS
    1 RENDEMENT DE COMPTE
    1 REPOS
    1 RESIDENCES
    1 SAINTETE
    1 SATAN
    1 SCRUPULE
    1 SOUTANE
    1 SUFFISANCE
    1 VERTU D'OBEISSANCE
    1 VOCATION RELIGIEUSE
    1 ZELE APOSTOLIQUE
    2 CART, JEAN-FRANCOIS
    2 GAY, CHARLES-LOUIS
    2 O'NEILL, THERESE-EMMANUEL
    2 REGIS, EULALIE DE
    3 NIMES
    3 PARIS
  • A LA MERE MARIE-EUGENIE DE JESUS
  • MILLERET Marie-Eugénie de Jésus Bhse
  • Nîmes, le 8 janvier 1850.
  • 8 jan 1850
  • Nîmes
  • Institution de l'Assomption
La lettre

Ma chère fille,

Je vais essayer de vous parler un peu à l’aise de votre conscience, malgré les examens qui me prennent à peu près depuis 8 heures du matin jusqu’à 7 heures du soir. Je tiens pourtant à justifier une réponse à la lettre que vous m’avez adressée sur l’établissement d’une de vos maisons à Nîmes. Lorsque j’ai parlé de cette fondation comme d’un asile pour vos Soeurs âgées, c’est que, si je me le rappelle bien, vous m’aviez parlé à Paris dans ce sens. Je n’avais donc pas confondu la maison de retraite des Soeurs avec une maison de retraite pour les personnes du monde; j’avais pensé aux deux établissements comme n’en faisant qu’un. Quant à m’en occuper de suite, voici en quel sens. Je veux aller visiter demain ou après-demain une maison, qui, dit-on, peut être vendue très bon marché et pour laquelle il y aurait fort peu d’argent à payer. Puis, si je vois l’évêque porté à la chose, je l’y pousserai; sinon, j’attendrai. On ne peut se dissimuler que le temps est bien court et que, s’il ne faut pas se hâter, dans un sens, il faut bien cependant ne pas compter, de l’autre, uniquement sur l’avenir qui ne nous appartient pas.

Je voudrais bien vous donner Mlle de Régis. Mais voilà, je crois, que j’ai répondu à votre dernière lettre. Dans deux heures, je répondrai à celle où vous me parlez de votre conscience.

J’ai été dérangé par l’arrivée de mon 156e pensionnaire. Ma lettre ne pourra partir ce soir. Cependant, je tiens à vous écrire au moment où j’ai un moment de liberté, quoiqu’il soit 7 heures et que je n’aie pas encore dit Prime. D’abord, laissez-moi vous conjurer de soigner votre rhume et de m’en donner des nouvelles. Il ne faut, sous aucun prétexte, que vous soyez malade.

Je viens de relire votre lettre avec toute l’attention possible. L’impression qui vous porte à l’état de victime me paraît excellente, et je la considère non seulement comme non imprudente, mais encore comme nécessaire à votre sanctification. Dieu vous y pousse, malgré vous. Souvenez-vous des répugnances que vous m’avez manifestées dans le temps, lorsque je vous parlais de cet ordre d’idées. Il me paraît que si Notre-Seigneur veut vous y faire entrer, ce ne sera rien en vous qui vous y aura portée, mais bien lui et uniquement lui. Dans tous les détails que vous me donnez, j’admire comme, à votre insu peut-être, ressort le combat de votre âme, qui ne veut pas entendre parler de cette immolation. Seulement, laissez-moi vous faire observer que l’obéissance vous y sera de plus en plus nécessaire, pour vous ôter vos perplexités à propos de la générosité. En effet, il pourra vous arriver de ne pas savoir à quel point vous devez être généreuse sans imprudence, par exemple, si, vous trouvant obligée de travailler pour la communauté, vous devez supprimer quelque chose de vos obligations continuelles. Je prends cet exemple, parce qu’en ce moment, obligé de faire gras vendredi et samedi, je crois pouvoir me dispenser de l’office au choeur, à cause de toutes les paroles que je dis tout haut du matin au soir. Je n’en ai pas un grand scrupule; et pourtant, je sens que je serais bien plus tranquille si quelqu’un me décidait la chose. M. Gay, sous ce rapport, pourra vous être utile. Vous pourrez lui soumettre ce qui vous embarrassera.

Pour entrer dans cet état, dites-vous, vous avez besoin d’être une fille d’oraison. Je suis parfaitement de votre avis, et c’est pour cela que, dans le temps, je vous avais pressée d’en faire un peu plus que la communauté, si cela était possible. Dès que vous vous sentez portée à en faire le plus que vous pourrez, je ne puis que vous dire: soyez fidèle à cette résolution.

Vous avez, dites-vous encore, besoin de générosité. Mais c’est très évident. Qui sera généreux, si nous ne le sommes pas? Nous avons à l’être de mille manières, et, avec cela, nous avons à prendre garde que notre générosité ne nous emporte pas dans cette imprudence, qui est le piège où le démon nous attend. Vous avez encore, ajoutez-vous, besoin de mortification. Rien de plus vrai. En quoi puis-je vous être utile de si loin? A moins que ce ne soit en revenant sans cesse avec vous sur cette terrible question, ou bien en vous accordant ce que vous me demanderez, ou bien en vous punissant quand j’apercevrai quelque faute dans votre rendement de compte. Ainsi, puisque vous avez lu des fragments de feuilleton, je vous défends d’ouvrir un journal, tant que vous n’aurez pas entièrement repris la règle; et puisque vous avez été gourmande, dans les premiers trois jours où vous aurez repris le train habituel de la maison, vous aurez la bonté de baiser les pieds aux Soeurs au réfectoire.

Pour moi, je pense tout comme vous qu’il m’est bon de rester un peu dans mon intérieur, et, à part le temps des examens, c’est bien ce que j’ai fait et ce que je tâche de faire en restant le plus possible dans ma chambre, où, du reste, j’ai de très nombreuses visites des professeurs et des élèves, mais où pourtant je puis avoir un peu plus de repos.

La maison ne va pas mal. Je crois vous avoir déjà dit que j’étais content de la force des classes, en général, sauf l’instruction religieuse, à l’égard de laquelle il y a un peu trop de négligence. Mais j’ai parlé de manière à ce que, je l’espère, du moins, on se mette fortement à réparer le temps perdu.

J’ai une prière à vous faire. Le génie inventif de Soeur Th[érèse]-Em[manuel] et le vôtre, en fait de costume, ne pourraient-ils pas composer un manteau qui fût pour nous, au moins pendant l’hiver, un commencement d’uniforme ou de costume? Il me semble qu’un manteau taillé dans le genre du vôtre pour les épaules, mais agrafé plus près à cause du froid, plus ample du bas, mais pas traînant, avec un capuchon, pourrait nous servir pour commencer. Bien entendu qu’il le faudrait noir. Il tomberait aussi bas que la soutane pour les prêtres.

On me dérange, et, si je veux que ma lettre parte ce soir, il faut que je m’arrête. Adieu, ma fille. Je prie de toute mon âme Notre-Seigneur de faire de vous une sainte. Tout vôtre en Notre-Seigneur.

E.D'ALZ[ON].
Notes et post-scriptum