Périer-Muzet, Lettres, Tome XV, p. 17.

11 feb 1850 Nîmes MILLERET Marie-Eugénie de Jésus Bhse

Questions de santé – Faits regrettables au collège – Il est ravi que l’abbé Gay l’exerce à la dépendance envers Notre-Seigneur – Il a eu tort jadis de ne pas assez tenir à la forme – Au sujet d’un professeur de mathématiques – Nouvelles diverses – Au sujet du costume religieux.

Informations générales
  • PM_XV_017
  • 0+678|DCLXXVIII
  • Périer-Muzet, Lettres, Tome XV, p. 17.
  • Orig.ms. ACR, AD 698; V. *Lettres* III, pp. 552-553 et D'A., T.D. 20, p. 140.
Informations détaillées
  • 1 BONTE MORALE
    1 CAMAIL
    1 CAREME
    1 CATECHISME
    1 CORRUPTION
    1 DIRECTION SPIRITUELLE
    1 EFFORT
    1 ENFANTS
    1 ENSEIGNEMENT CATHOLIQUE
    1 EPOUSES DU CHRIST
    1 EXAMENS ET DIPLOMES
    1 FORMES MONASTIQUES
    1 FRANCHISE
    1 GENEROSITE
    1 HABIT RELIGIEUX
    1 HUMILITE
    1 ILLUSIONS
    1 LACHETE
    1 LIVRES DE CLASSE
    1 MAITRES
    1 MALADES
    1 MALADIES
    1 MATIERES SCOLAIRES
    1 OUBLI DE SOI
    1 PECHE
    1 PREDICATION
    1 PREMIERE COMMUNION
    1 RECONNAISSANCE
    1 REPOS
    1 RESPECT
    1 SANTE
    1 SEVERITE
    1 SOUFFRANCE
    1 SOUTANE
    1 VOLONTE
    2 BOYER, MADAME EDOUARD
    2 EVERLANGE, MARIE-EMMANUEL D'
    2 EVERLANGE, PIERRE-EMILE-LEON D'
    2 GAY, CHARLES-LOUIS
    2 KAJZIEWICZ, JEROME
    2 MICHEL, ERNEST
    2 REVEILHE, MADAME
    2 SAUGRAIN, HIPPOLYTE
    2 SAUVAGE, EUGENE-LOUIS
    2 TISSOT, PAUL-ELPHEGE
    2 TRONSON
    3 PUY, LE
    3 ROME
  • A LA MERE MARIE-EUGENIE DE JESUS
  • MILLERET Marie-Eugénie de Jésus Bhse
  • Nîmes, le 11 février 1850.
  • 11 feb 1850
  • Nîmes
  • Institution de l'Assomption
  • *Madame*
    *Madame la Supérieure de l'Assomption*
    *n° 94 rue de Chaillot*
    *Paris.*
La lettre

Comment pouvez-vous, ma chère fille, vous tant préoccuper de ma santé, lorsque vous-même vous êtes souffrante au point que votre lettre me le révèle? Il est indispensable que vous vous soigniez, si vous voulez ne pas tomber dans quelqu’une de ces maladies, dont on a plus tard toutes les peines du monde à se relever. Pour moi, je vous l’avoue, je ne vais pas très bien. Mais cela vient de ce que je suis tout bouleversé par les découvertes que je fais sur les moeurs de quelques enfants. C’est quelque chose d’épouvantable que ce à quoi je suis arrivé. Croiriez-vous qu’un entre autres, depuis sa première communion, se livrait au mal, avant d’aller à la sainte table, et mâchait la sainte hostie par je ne sais quelle insulte diabolique? Mais laissons ces tristes détails de côté.

Je reviens à vous et à votre lettre du 3 février, où vous me parlez de votre intérieur et de vos relations avec M. Gay. Je suis enchanté qu’il le prenne si haut et si ferme envers vous, et ce qu’il y a de mieux à faire, c’est d’accepter cette direction qui me semble vous convenir parfaitement. J’admire surtout la manière dont il étend son domaine sur votre volonté, afin qu’elle donne à Dieu tout ce qu’il vous demande. Je vous conjure de profiter d’un si grand secours, surtout si, en recevant tant de bien de M. Gay, vous pouvez lui en faire de votre côté; ce que je souhaite aussi beaucoup pour la raison que vous m’avez dite. Hélas! ma chère enfant, nous développerons-nous jamais beaucoup? Dieu le permettra-t-il? Il me semble que j’y apporte tout obstacle par ma lâcheté, au lieu d’y concourir par ma générosité. Enfin, il en sera ce qui plaira à Dieu, car je veux prendre de bonnes résolutions pour ce Carême. Quel bonheur si, moi aussi, je pouvais avoir quelqu’un qui eût de la fermeté pour me faire avancer et pour me forcer, malgré moi, à bien me renoncer en toutes choses!

Ce dont je remercie surtout M. Gay, c’est de la manière dont il travaille à vous faire perdre votre dignité, qui, franchement, doit être aux yeux de Notre-Seigneur quelque chose de bien ridicule. Et si ce l’est réellement à ses yeux, c’est que ce l’est réellement. Et alors, quelle affreuse illusion que de prétendre à un respect, que votre titre de pécheresse devrait vous faire repousser! J’admire l’exercice qu’il vous a prescrit de dépendance envers Notre-Seigneur pendant quelques heures. Quand cette dépendance sera complète, vous serez une sainte. Mais il paraît que vous n’avez pas encore un suffisant désir d’arriver à toute la perfection d’épouse de Jésus-Christ. La crainte paraît l’emporter, ce qui est bien triste. Je trouve également très bon que, chaque fois, il vous prescrive de lui demander la permission de communier et de prendre vos repos. C’est une excellente manière de vous exercer à la dépendance.

A vous parler franchement, je suis fort peu touché de ce qu’il a trouvé de mieux en moi, mais je comprends le mal que j’ai pu faire en ne tenant pas autrefois davantage aux formes. C’est une faute que j’ai comprise beaucoup trop tard et qui vous a fait, à vous en particulier, trop de mal pour que je ne la regrette pas profondément. Du reste, je sens très bien ce que j’aurais encore à faire d’efforts pour unir le fond à la forme, car je crains quelquefois que, là où je m’applique à donner plus au dehors, je ne perde au dedans quelque chose de ma spontanéité. Mais il est possible aussi que je me trompe. Enfin, je ferai ce qui dépendra de moi pour aller bien de toute manière.

Voilà pour ce qui nous concerne. Je passe au chapitre des professeurs. Si nous pouvons avoir M. Trauson, c’est, ce me semble, ce que nous pourrions préférer, puisqu’il doit connaître un peu le mécanisme des examens. Après lui, jusqu’à présent, je préférerais le professeur de mathématiques du Puy, mais il aurait pour moi l’inconvénient de n’être pas suffisamment au courant des examens. Dans tous les cas, je mettrais le professeur du P. Kajziewicz en troisième ligne. Je ne pense pas qu’il pût même être accepté autrement que pour une place comme celle de M. Sauvage.

Que Soeur Marie-Em[manuel] se rassure sur le compte de son frère. Je l’ai encore vu avant-hier dans d’excellentes dispositions; il n’y a qu’à l’y encourager. Vous faites très bien de n’avoir que des écoles gratuites de petites filles pauvres. Tant que vous me demanderez mon avis là-dessus, je ne consentirai jamais à ce que vous soyez autrement; plus tard, vous auriez trop à vous en repentir.

M. Tissot pourrait parfaitement vous aller, surtout si, par M. Michel, vous pouviez lui faire vendre une grammaire, dont celui-ci paraît enchanté. Dans ce cas, vous n’auriez qu’à l’entretenir: il ne demanderait pas autre chose. Il serait très capable de faire le catéchisme, mais je ne sais s’il oserait vous prêcher. J’ai répondu à toutes les lettres d’Hippolyte, une exceptée pour laquelle on a dû répondre en mon absence.

Quant au costume, il me semble que le manteau et le capuchon peuvent parfaitement aller ensemble. Je ne crois pas que nous obtenions jamais la couleur violette, à moins, comme vous le dites, que nous n’allions la demander à Rome. Je songe, pour l’hiver prochain, à mettre un camail noir, qui, sur la soutane sans queue, pourrait faire un assez bon effet.

Adieu, ma chère fille. De grâce, soignez-vous et devenez bonne au milieu même de vos souffrances. J’espère que vous m’apprendrez bientôt votre rétablissement.

E.D’ALZON.

Mme Réveilhe va vous écrire. En lui répondant, ne parlez pas de votre lettre à Mme Boyer. Celle-ci est bien à plaindre. Je dois la voir dans quelques moments.

E.D'ALZON
Notes et post-scriptum