Périer-Muzet, Lettres, Tome XV, p. 23.

11 mar 1850 Nîmes MILLERET Marie-Eugénie de Jésus Bhse

Première communion de ses enfants – Respect dû à M. Gay – On n’est quelque chose qu’avec sa nature; il faut la diviniser, non la détruire – Son règlement quotidien – Le manteau est un peu court, mais de très bonne forme – Le sous-directeur qu’il avait en vue est encore indécis – Au sujet d’un autre maître – Pour décider une vocation, quelques-uns de ses enfants emploieront leurs vacances de Pâques dans une retraite à la Chartreuse – Autres nouvelles – Le voyage de juin à Paris sera pour l’oeuvre – Nouvelles diverses.

Informations générales
  • PM_XV_023
  • 0+682|DCLXXXII
  • Périer-Muzet, Lettres, Tome XV, p. 23.
  • Orig.ms. ACR, AD 704; V. *Lettres* III, pp. 563-567 et D'A., T.D. 20, pp. 145-146.
Informations détaillées
  • 1 APOSTOLAT DE LA CHARITE
    1 AVE MARIA
    1 CAMAIL
    1 CARACTERE
    1 CAREME
    1 CELEBRATION DE LA MESSE PAR LE RELIGIEUX
    1 CELLULE
    1 CHAPELLE
    1 CHARITE ENVERS DIEU
    1 COLLEGE DE NIMES
    1 CREATION
    1 DIRECTION SPIRITUELLE
    1 DISCIPLINE INSTRUMENT
    1 EPOUSES DU CHRIST
    1 FATIGUE
    1 FLEURS
    1 GRAVITE
    1 HABIT RELIGIEUX
    1 IMAGINATION
    1 IMITATION DE JESUS CHRIST
    1 IMPRESSION
    1 INSTRUCTION RELIGIEUSE
    1 LEVER
    1 LIBERTE
    1 MAITRES
    1 MALADES
    1 MALADIES
    1 MISERICORDE
    1 MISSION DU CAP
    1 OFFICE DIVIN
    1 ORAISON
    1 PAIX DE L'AME
    1 PAQUES
    1 PASSION DE JESUS-CHRIST
    1 PLANTES
    1 PREMIERE COMMUNION
    1 REFORME DU COEUR
    1 REGLEMENT DE VIE DU P. D'ALZON 1845
    1 RESPECT
    1 RESPONSABILITE
    1 RETRAITE SPIRITUELLE
    1 SENSIBILITE
    1 SEVERITE
    1 TIERS-ORDRE DE L'ASSOMPTION
    1 TRAITEMENTS
    1 VACANCES
    1 VERTU D'OBEISSANCE
    1 VERTUS
    1 VOCATION RELIGIEUSE
    1 VOLONTE DE DIEU
    1 VOYAGES
    2 CHARAIX, CHARLES MORE DE
    2 EVERLANGE, MARIE-EMMANUEL D'
    2 GAY, CHARLES-LOUIS
    2 GERMER-DURAND, EUGENE
    2 GOURMAIN, PASCAL
    2 O'NEILL, THERESE-EMMANUEL
    2 PONTALBA, MADAME DE
    2 VIOLLET, MADEMOISELLE
    3 ALES
    3 NIMES, EVECHE
    3 PARIS
    3 VALBONNE
  • A LA MERE MARIE-EUGENIE DE JESUS
  • MILLERET Marie-Eugénie de Jésus Bhse
  • Nîmes, le 11 mars 1850.
  • 11 mar 1850
  • Nîmes
  • Maison de l'Assomption
  • *Madame*-
    *Madame la Supérieure de l'Assomption*
    *n° 94 rue de Chaillot*
    *Paris.*
La lettre

Je vais tâcher de répondre à vos deux dernières lettres, ma chère fille. J’ai été en retard, d’abord parce que j’étais souffrant, ensuite parce que le peu de temps que j’ai à moi est absorbé par la première Communion. Nous avons 26 ou 27 élèves qui s’y préparent, et ce n’est pas une petite responsabilité qu’un pareil nombre d’enfants à présenter à Notre-Seigneur. C’est dimanche prochain, à 7 heures, qu’aura lieu la cérémonie. Toute la maison entre mercredi soir en retraite. Je recommande cette époque si importante pour nous à vos prières.

Parlons d’abord de vous, si vous le voulez bien. Je me fâcherai, d’abord, du peu de respect que vos lettres me montrent pour M. Gay, et je suis résolu à ne pas le souffrir. Vous aurez la bonté de prier Soeur Thérèse-Emmanuel de vous donner la discipline pendant un Ave Maria. Il faut absolument que vous entriez dans quelque chose de sérieux et de grave, qui vous permette de tirer du fruit du bien qu’on veut vous faire. Je vous demande un peu si cela a le sens commun de déranger les gens, pour ensuite les tourner en moquerie. Est-ce M. Gay qui est venu vous chercher? Et puisqu’on veut bien prendre de la peine pour vous, votre dignité croit peut-être honorer les gens en les occupant d’elle? Ceci est une disposition de votre âme que je trouve souverainement déraisonnable et dont j’espère que vous vous corrigerez au plus tôt, parce que je veux en venir à bout par tous les moyens.

Voilà pour le chapitre de l’obéissance respectueuse. Mais j’ai à vous tenir un autre langage par ce côté du coeur que vous n’avez pas montré à M. Gay, ou qu’il a pu mal deviner. Ceci est chose si délicate, votre nature étant donnée, que, puisque je suis venu à bout de pouvoir apaiser les tempêtes qui s’y étaient soulevées, je crois que vous devez aller avec la plus grande circonspection, et quoique je vous laisse toute liberté d’en parler à M. Gay, je trouve préférable que vous n’en parliez qu’à moi, excepté quand vous croirez mieux faire en en parlant à d’autres. Vous comprenez ma pensée, je crois. Je pense qu’il y a dans votre coeur trop de choses qu’on ne peut pas saisir du premier coup, et puisque, enfin, je puis y toucher sans vous faire pousser les hauts cris, peut-être serait-il dangereux que d’autres vinssent y porter la main; mais en vous indiquant ma pensée, je vous laisse toute liberté, afin que vous soyez plus à l’aise sur ce délicat chapitre. Je pense, du reste, que vous ne devez pas en comprimer les ressorts et que vous devez, au contraire, en reprendre toute l’énergie, pourvu que vous dirigiez vers Dieu cette belle et noble faculté.

Je crois que l’état par lequel vous avez passé a été bon; ç’a été quelque chose comme l’état de mort que Notre-Seigneur a voulu accepter. Il y a une mort de l’âme qui n’est pas le péché, et par laquelle elle se purifie et se prépare à une première résurrection, même dans ce monde. Laissez donc votre coeur s’épanouir de nouveau, comme ces jeunes arbres qui, chaque printemps, produisent plus de fleurs, parce que dans l’hiver ils ont plongé leurs racines plus avant dans la terre. Il faut, je crois, détruire les passions de l’homme; mais tuer les facultés qui en sont les organes, c’est un meurtre d’abord, et puis se priver des instruments qui peuvent être mis à la disposition de très grandes vertus. Usez donc largement de votre puissance d’aimer, mais usez-en comme une sainte, comme Jésus-Christ lui-même, votre modèle et votre époux. On n’est quelque chose qu’avec sa nature. Il faut la diviniser sans doute, mais la détruire, c’est faire le néant là où Dieu avait voulu faire le chef-d’oeuvre de la création.

Je ne vous ai pas encore dit un mot de votre excellente lettre du 27 février. Ma chère enfant, soyez-en sûre, si j’ai cessé de voir en vous une Mère, c’est, je puis vous l’assurer, mais sans reproche, un peu de votre faute. Au milieu de vos longues plaintes d’autrefois, j’ai vu comme s’effacer le sentiment maternel. Il me semble qu’une mère eût été plus indulgente. Mais ceci n’est pas une récrimination, ce n’est qu’une explication, et je suis si disposé à chercher dans votre coeur tous les sentiments qui vous feront du bien, que je suis tout disposé à me mettre à vos genoux.

Dieu me demande si fort de me réfugier dans le coeur de son Fils que je ne sais si je ne suis pas bien coupable de ne pas donner plus à l’oraison. Enfin, j’espère bien quelque jour être à Dieu tout de bon. En attendant, mes journées s’écoulent bien rapidement. Voici à peu près ce que je fais. Je puis presque toujours me lever à 4 h. 1/2, je dis l’office, je fais la méditation. A 5 h. 1/2, je monte à la tribune de la chapelle pour écouter les enfants qui ont à me parler. J’ai pu faire par là un bien très grand à un certain nombre. Je m’occupe ensuite de prières ou d’ordres à donner jusqu’à 7 heures. A 7 heures, ma messe, puis je fais ma correspondance, puis l’évêché. Le soir, je m’occupe ordinairement de bonnes oeuvres. A 5 h. 1/4, pendant le Carême, je fais tous les jours une instruction à mes enfants, sauf le dimanche, où elle a lieu plus tard. Dans la soirée, je puis un peu travailler de 6 à 7 heures, où l’on sonne l’office. Je puis aller assez souvent visiter les divisions, parce que cela leur fait du bien.

Mais il faut vous quitter; c’est jour de Tiers-Ordre, et dans quelques minutes il va se réunir. Sur la page suivante je tâcherai de répondre à vos questions et de vous donner quelques détails qui vous feront plaisir.

Il faut vous parler de toutes choses. Voici donc la question du manteau sur le tapis. Je l’ai trouvé un peu court, mais d’une très bonne forme. La question est de savoir si nous mettons le camail par-dessus ou par-dessous. Ce sera une expérience à faire plus tard. Je ne sais trop si je puis espérer avoir M. de Charraix. Ce serait une bonne acquisition, mais Dieu nous le donnera-t-il? Il semble prendre goût à la maison, et cependant, au moment où il semble disposé à s’ouvrir, tout à coup d’autres idées lui passent par la tête. Je ne refuse pas M. Gourmain, mais je vous conjure de le bien examiner avant de me l’adresser. J’aime mieux que vous lui fassiez un peu peur de la sévérité de la maison que de l’attirer, parce que, s’il est une fois prévenu, les bons plis se prendront bien plus aisément par lui. Je ne lui donnerai pas grand’ chose à faire, mais je ne lui pourrai donner ma chambre, et c’est pour cela qu’autant vaut qu’il vienne seulement l’an prochain. Enfin, je laisse cette affaire entre vos mains. S’il nous arrive, nous aurons de quoi l’employer sur-le-champ. Ici, il pourrait prendre part aux travaux de licence que font trois de nos professeurs sous la direction de M. Durand.

J’ai laissé aller au Sacré-Coeur une jeune personne, qui y a été élevée et qui, malgré mes observations, préfère ses anciennes maîtresses. C’est tout naturel en un sens. Je crois que la jeune personne d’Alais pourra vous venir plus tard. Du reste, hier, par le plus grand hasard, son frère est venu me montrer une lettre d’elle. Je m’en suis emparé sans qu’il se doutât pourquoi. Notez que la nature a tout fait pour cette enfant. Pour expliquer cette lettre, il faut dire que j’ ai proposé aux élèves, qui voudraient faire le sacrifice de leurs vacances à Pâques, de les conduire à la Chartreuse de Valbonne et de leur y faire faire une retraite de cinq jours. Il s’en est présenté un certain nombre, qui ont dû demander la permission à leurs parents. J’en ai déjà huit ou neuf, et je trouve que c’est très beau à ces enfants de sacrifier leurs plaisirs à une retraite, quand ils en auront fait une quinze jours auparavant. Mais ceci entre dans ma pensée de préparer nos jeunes gens à venir un jour faire des retraites chez nous. Du reste, je pense qu’il serait très fort possible de tirer parti de la mère de Mlle Viollet et que ses enfants pourront fort bien un jour lui venir en aide.

Je suis bien aise de ce que vous me dites de l’imagination de Soeur Th[érèse]-Em[manuel]. Cela confirme un peu ce que je vous en avais déjà dit. Mais ce n’est pas une raison pour l’empêcher d’aller, pourvu qu’elle soumette toutes ses impressions à la foi. Quant à M. Gay, il en sera ce que Dieu voudra. Il ne faut vouloir et chercher que sa volonté.

Avez-vous pu douter que, vous ayant promis d’aller à Paris au mois de juin, je n’y aille pas, à moins d’obstacles invincibles? Seulement, de même que mon voyage du mois de novembre a été pour vous avant tout, celui du mois de juin sera avant tout pour l’oeuvre à fonder. Puisque vous êtes en paix, j’en profiterai pour causer moins de vous et plus de la fondation.

Je vous remercie de ce que vous me dites du jeune homme proposé par Mme de Pontalba. Je vous avoue que je serais très fort tenté de le prendre. Que demanderait-il? S’il se contentait de 2.000 francs, plus ses répétitions qui seront assez bonnes, je crois qu’il faudrait l’arrêter sur-le-champ. A quelle époque précise serait-il libre? Examinez, je vous prie, s’il s’explique avec facilité. En le faisant causer, il y aura moyen, ce me semble, de voir même s’il est capable d’enseigner ce qu’il sait, car c’est là l’essentiel.

Adieu, ma fille. Je m’arrête par prudence, quoique je voulusse vous parler de nos Soeurs du Cap. Mais j’ai mes crampes, et écrire me fatigue beaucoup. Tout vôtre en Notre-Seigneur. On voudrait faire venir ici Soeur Marie-Emmanuel. Je vous le dis pour l’acquit de ma conscience. Il me semble qu’il vaut bien mieux qu’elle ne vienne pas.

Notes et post-scriptum