DERAEDT, Lettres, vol. 3, p.528

30 oct 1861 ENREGISTREMENT

Pétition des héritiers de Mme d’Alzon adressée au directeur général de l’enregistrement à propos des avertissements reçus du receveur de Montagnac exigeant un supplément de droits de mutation. – Observation sur le fond et protestation de bonne foi.

Informations générales
  • DR03_528
  • 1686
  • DERAEDT, Lettres, vol. 3, p.528
  • Cop. ACR, DK 59.
Informations détaillées
  • 1 COLLEGE DE NIMES
    1 SUCCESSIONS
    2 ALZON, HENRI D'
    2 ALZON, MADAME HENRI D'
    2 BOUSTREL
    2 CERTAUX
    2 FAVENTINE-MONTREDON, LOUIS DE
    2 MALIBRAN
    2 PARADAN, AUGUSTE
    2 PUYSEGUR, MADAME ANATOLE DE
    2 VALBORGUE
    2 VALMALE
    2 VERMOT, ALEXANDRE
    3 LAVAGNAC
    3 MONTAGNAC
    3 NIMES
    3 VIGAN, LE
  • A Monsieur le directeur général de l'enregistrement
  • ENREGISTREMENT
  • [vers le 30 octobre 1861].
  • 30 oct 1861
La lettre

Le receveur de l’enregistrement de Montagnac a adressé le 4 août 1861 à Madame la comtesse de Puységur, née d’Alzon, deux avertissements pour lui demander un supplément de droits de mutation.

1° Sur une somme de 57 fr. pour des intérêts échus le jour du décès de Mme d’Alzon, de la créance de 90.000 fr. dus par Valborgue et Valmale et portée d[an]s la déclaration faite le 8 avril 1861, de la succession de Madame la vicomtesse d’Alzon.

2° Sur une rente perpétuelle de 30 fr. établie par acte du 27 frimaire an 7, sur Malibran Boustrel Certaux.

3° Sur le prix de toutes les ventes de biens dotaux de Mme d’Alzon, consenties pendant le mariage par son mari qui en a touché le montant et qui en est débiteur. Art. 1470, 1472, 1560 etc. du code Napoléon.

4° Sur les valeurs mobilières que Mme Daudé d’Alzon avait recueillies de son père Louis de Faventine Montredon.

5° Les valeurs mobilières que Mme d’Alzon avait recueillies dans la succession de Mme Marie-Louise-Joséphine Daudé d’Alzon, sa mère adoptive, et toutes les autres sommes qui peuvent lui être échues, attendu que ce sont autant de reprises qui sont dues par Mr d’Alzon père.

6° Sur une soulte dissimulée dans le partage passé en date du 3 janvier 1861, enregistré le 6 du même mois. Ce partage ayant pour objet les biens de la succession de Mme d’Alzon échue par égales parts aux deux enfants survivants, les deux lots devraient être égaux en valeur, et cependant en rapprochant cet acte des déclarations faites aux bureaux de Montagnac le 8 avril 1861 et du Vigan le 5 avril 1861, on reconnaît, en établissent le rapport normal entre le revenu et la valeur vénale, qu’il existe entre les deux lots une différence de prix de moitié.

L’administration est prête à fixer amiablement le montant de cette soulte, si l’on veut éviter les frais d’une expertise.

Les héritiers d’Alzon étaient loin de s’attendre à une pareille réclamation après la déclaration loyale qu’ils avaient faite de la succession de leur mère, déclaration où ils avaient non seulement accusé tous les immeubles et toutes les valeurs mobilières dont ils avaient connaissance, mais encore dans laquelle ils avaient considérablement dépassé le revenu réel et moyen des biens composant la succession de Mme d’Alzon, et cela en vue de prévenir toute réclamation à ce sujet.

(Nota. Les droits se sont élevés à plus de 17.000 fr.).

Le premier article de la réclamation (57 fr. d’intérêts échus le jour du décès de Mme d’Alzon) porte sur une omission bien minime et bien involontaire; on en sera convaincu si l’on considère qu’on a déclaré la créance dont il s’agit pour un capital de 90.000 fr. tandis que dans le fait elle n’est que de 88.000 fr. Au reste, les héritiers se soumettent sans difficulté à payer les droits qui peuvent résulter de cet oubli.

Quant au second article (la rente de 30 fr. sur Malibran), les héritiers de Mme d’Alzon n’en ont jamais eu connaissance; ils pensent que le débiteur de cette rente a dû la racheter ou tomber dans l’insolvabilité, de sorte qu’ils croient n’y avoir aucun droit et renoncent à toute prétention sur ce débiteur.

Quant à la 3ème réclamation (le prix de toutes les ventes des biens dotaux consenties pendant le mariage par le mari qui en a touché le montant), il est bien vrai que pendant le cours du mariage de Mme d’Alzon divers immeubles dotaux ont été vendus, mais ce qui n’est pas moins certain, c’est que le prix en a été employé à éteindre des charges dotales ou en réparations majeures et en améliorations qui ont augmenté la valeur des autres biens dotaux, notamment du domaine de Lavaignac dont le revenu a doublé. Mr d’Alzon qui ne pouvait faire un meilleur emploi des deniers dotaux de sa femme n’est donc pas débiteur de ces valeurs et, le fût-il, comme il a consacré non seulement le prix des ventes, mais encore tous les revenus qui lui appartenaient à améliorer la propriété de Mme d’Alzon, il n’a rien conservé pour lui, et ne possédant absolument rien aujourd’hui, il y aurait impossibilité matérielle à lui faire restituer la somme en question, s’il en était véritablement débiteur.

Les héritiers de Mme d’Alzon ne peuvent donc en aucune manière se porter comme créanciers de leur père et ils se déclarent en conscience obligés de renoncer à tous droits et réclamations contre lui.

Quant à la 4ème et à la 5ème réclamation (valeurs mobilières recueillies par Mme d’Alzon dans les successions paternelle et maternelle), il peut bien se faire, il est même probable que des valeurs mobilières se sont trouvées dans ces successions, mais ce qui est certain, c’est qu’elles étaient grevées de dettes et de charges résultant de legs particuliers. Il est de notoriété publique dans la famille que ces charges étaient supérieures aux valeurs mobilières en question, et c’est ce qui explique comment, pour les éteindre, il a fallu vendre des immeubles.

Du reste, il n’y a pas eu d’inventaire constatant l’actif et le passif mobilier de ces successions, tout s’est fait de confiance et de bonne foi, et la famille n’a jamais considéré Mr d’Alzon comme le débiteur de sa femme. De ce chef donc, les héritiers d’Alzon ne peuvent encore que renoncer à toute réclamation contre leur père, parce qu’ils ne pourraient en faire aucune sans injustice.

Reste la 6ème réclamation (relative à la soulte prétendue dissimulée qui a fait l’objet d’un avertissement séparé).

Sur ce point encore, notre déclaration a été d’une parfaite sincérité. Les deux parts que nous nous sommes attribuées de bon accord sont en effet inégales, mais l’inégalité de ces parts a été couverte du côté de Mr l’abbé d’Alzon non par une soulte mais par un fait de notoriété publique et facile à établir par les témoignages les plus irrécusables, à savoir que sa mère lui avait pendant sa vie fait des versements considérables pour couvrir les frais d’un collège qu’il avait monté à Nîmes dans le but d’être utile à la jeunesse.

En effet, Mr l’abbé d’Alzon avait repris dès 1843 la maison et le pensionnat Vermot et y avait établi le collège de l’Assomption; ce collège qui a été sa propriété jusqu’en 1857, a coûté des sommes considérables. Mr l’abbé d’Alzon n’avait aucune autre fortune que celle de ses parents pour y pourvoir. Ce motif l’ayant déterminé en 1857 à se défaire du collège de l’Assomption, les personnes les plus notables du pays, dans le but de conserver à la ville un établissement aussi utile, formèrent une commission qui racheta le collège au moyen d’actions. Or, tous les membres de cette commission, dont Mr le maire de Nîmes, plusieurs conseillers de la Cour Impériale et juges du tribunal, faisaient ou font partie, peuvent témoigner de ce fait d’ailleurs universellement connu dans le pays que même après le rachat du collège par eux, Mr l’abbé d’Alzon est resté perdre sur les fonds avancés par sa mère une somme considérable, au moins 180.000 fr.

Cette situation explique parfaitement comment Mr l’abbé d’Alzon a dû en toute équité laisser prendre à Mme de Puységur, sa soeur, des immeubles d’une valeur supérieure à ceux qui ont été placés dans sa part à lui; aussi vous pouvez remarquer qu’il est dit dans le partage qu’au moyen de cet acte, les parties se sont tenu compte des valeurs mobilières. Nous ajouterons, d’ailleurs, que les immeubles attribués à Mr l’abbé d’Alzon lui convenaient mieux vu sa position particulière de prêtre et de vicaire général attaché au diocèse de Nîmes et que ne pouvant habiter le château de Lavaignac, il eût regardé comme une charge onéreuse de le voir dans sa part avec toutes les réparations et l’entretien qu’il comporte.

Si vous pensez, Monsieur le Directeur, que la somme de 180.000 fr. donnée par ma mère en avancement d’hoirie pour l’établissement que j’ai fait en 1843 eût dû supporter des droits, je n’ai qu’à m’incliner devant votre décision. Vous verrez du moins, que notre conduite a été parfaitement loyale et sincère.

Je vous demande de vouloir bien examiner ces diverses observations avec bienveillance et d’agréer…

Notes et post-scriptum