DERAEDT, Lettres, vol.7 , p. 156

19 sep 1868 Nîmes MAUREL François

Mlle Duffour, qui se sait condamnée, ne veut pour rien au monde retourner chez sa mère, à cause des mauvais traitements qu’elle a subis.

Informations générales
  • DR07_156
  • 3394
  • DERAEDT, Lettres, vol.7 , p. 156
  • Cop.ms. AC R.A.; D'A., T.D.35, n.17, pp.205-206.
Informations détaillées
  • 1 INJURES
    1 INJUSTICES
    1 MALADES
    1 MERE DE FAMILLE
    1 RELIGIEUSES DE L'ASSOMPTION
    1 SOEURS CONVERSES
    1 VIOLENCE
    2 COURCY, MARIE-GABRIELLE DE
    2 DARBOY, GEORGES
    2 DONNET, FRANCOIS
    2 DUFFOUR, MADAME
    2 DUFFOUR, THERESE-MARIE
    2 MILLERET, MARIE-EUGENIE
  • A MONSIEUR L'ABBE MAUREL
  • MAUREL François
  • Nîmes, 19 septembre 1868.
  • 19 sep 1868
  • Nîmes
La lettre

Monsieur le curé,

Je ne suis point le supérieur général des Dames de l’Assomption, mais je leur suis assez dévoué pour avoir pris très au sérieux la lettre que vous m’avez fait l’honneur de m’écrire (1).

Je ne puis comprendre les fureurs (c’est le mot) de Mme Duffour et je le justifie. Quand une femme bien élevée bat une Soeur converse, qui n’en peut mais, et vomit en plein boulevard tant d’injures qu’elle ameute les passants, peut-on attribuer sa conduite à une autre cause qu’à la fureur ? Ceci se passait à Bordeaux, au moment où vous m’écriviez, et je l’ai appris par la supérieure de Nîmes (2) qui s’y trouvait et en a été témoin.

Cela ne m’étonne pas. Mlle Thérèse, avant d’entrer au couvent, m’a assuré avoir été battue par sa mère et sa grand-mère. Ce sont des manières de faire que je ne juge pas, mais qui m’expliquent la terreur qu’éprouve la pauvre enfant de rentrer dans sa famille. Du reste que désire Mme Duffour ? Elle n’a permis à sa fille de ne retenir sur sa fortune qu’une rente viagère; elle l’a forcée à lui tout donner, lorsque celle-ci voulait disposer d’une partie de sa fortune en faveur de ses soeurs. Que Mlle Thérèse ait eu le coeur froissé, n’est-ce pas très naturel ? J’ajoute qu’une scène de sa mère, il y a quelque temps, a aggravé son mal. Mme Duffour veut-elle qu’on fasse constater la déclaration de sa fille et des médecins par acte notarié ?

Il y a longtemps que les médecins ont déclaré cette pauvre enfant perdue. Elle le sait, attend la mort, mais tient à s’y préparer loin de sa mère, parce qu’elle veut mourir en paix, loin des obsessions qui ont usé son tempérament délicat. Mme Duffour sait parfaitement que les médecins qui, par complaisance, ont donné une consultation sur l’utilité de l’air natal, ont déclaré que ce moyen, après tout, était sans efficacité, étant donné l’état de la malade.

La malade ne veut pour rien au monde retourner chez sa mère, à cause des traitements qu’elle a subis. Mme Duffour veut-elle que j’exige qu’une enquête devant témoins ait lieu ? Ce que les Dames de l’Assomption n’oseraient demander par délicatesse, je puis le demander si vous le désirez, à l’archevêque de Paris ou à l’archevêque de Bordeaux, si Mlle Thérèse ne l’a pas quitté. Mais vous ne serez pas étonné, Monsieur le curé, si parmi les motifs de ne pas retourner à Marmande pour y mourir, Mlle Thérèse met le désir de rendre le dernier soupir, assistée par un prêtre qui ait sa confiance et qu’elle ne puisse accuser de partialité pour sa mère, lorsqu’elle en a été si longtemps la victime.

Voilà, M. le curé, ce que je tiens à vous dire, avec une franchise d’autant plus grande qu’il n’y a chez moi qu’un profond dévouement qui me fasse parler, et que vous l’avez provoquée.

Je suis avec respect, Monsieur le curé, votre très obéissant serviteur.

E. D'ALZON.
Notes et post-scriptum
1. L'état de Sr Thérèse-Marie est désespéré. Sa mère, Mme Duffour, veut la reprendre chez elle à Marmande (Lot-et-Garonne) mais Sr Thérèse, elle, veut mourir parmi ses soeurs de l'Assomption et Mère Marie-Eugénie s'apprête à la conduire à Nice où les Religieuses de l'Assomption viennent de fonder une résidence. Cependant Mme Duffour a réussi à mettre de son côté le curé de Marmande qui a écrit au P. d'Alzon une lettre dont ne disposons plus. D'après la réponse du P. d'Alzon nous pouvons deviner qu'il le priait d'intervenir et de donner gain de cause à Mme Duffour; sans doute aussi se plaignait-il de Mère Marie-Eugénie et des Religieuses de l'Assomption. Avant de répondre à l'abbé Maurel, le P. d'Alzon a voulu prendre l'avis de Mère Marie-Eugénie et cette dernière lui a envoyé le 18 septembre quelques notes pour l'aider à formuler adéquatement sa réponse (Photoc. ACR, 2SI 72bis).
2. Mère Marie-Gabrielle.