Périer-Muzet, Lettres, Tome XV, p. 69.

21 jun 1852 Nîmes DU_LAC Melchior

La noble lettre de Veuillot – Le mandement de l’évêque d’Orléans.

Informations générales
  • PM_XV_069
  • 0163 b
  • Périer-Muzet, Lettres, Tome XV, p. 69.
  • B.N. Manuscrits, Naf 24 235, ff 35. Fonds Veuillot t. XVI. Correspondance aux rédacteurs de l'Univers 1841-1882; Photoc. ACR, DT 93.|Index liminaire: Alzon (Père d') le mandement de l'évêque d'Orléans Nîmes 21 juin 1852.
Informations détaillées
  • 1 CRITIQUES
    1 FOI
    1 HUMILITE
    1 JOIE
    1 PHILOSOPHIE MODERNE
    1 POLEMIQUE
    1 RECONNAISSANCE
    1 SEVERITE
    2 DUPANLOUP, FELIX
    2 GAUME, JEAN-JOSEPH
    2 ROUX-LAVERGNE, PIERRE-CELESTIN
    2 SIBOUR, MARIE-DOMINIQUE
    2 VEUILLOT, LOUIS
    3 ORLEANS
  • A MONSIEUR MELCHIOR DU LAC
  • DU_LAC Melchior
  • Nîmes le 21 juin [1852]
  • 21 jun 1852
  • Nîmes
  • Maison de l'Assomption
La lettre

Cher ami(1),

Cette lettre a deux buts: le premier est de vous prier de serrer la main à Veuillot de ma part pour sa noble et magnifique lettre(2). Elle est parfaite, je ne lui écris pas pour qu’il n’ait pas la peine de me répondre. Oui il a écrit pour la joie de ses amis. C’est ferme, humble, sincère, plein de foi. C’est la réponse d’un chrétien offensé publiquement et qui se justifie sans vengeance. Tant pis pour ceux qui ne comprendront pas ce langage.

Le second but est pour vous prier de me faire ou de nous faire en deux mots l’historique du mandement d’Orléans(3). Est-ce une incartade? Ou un coup monté? Qui a poussé? L’archevêque y est-il pour quelque chose? Roux prétend que c’est un coup d’intimidation. Savez-vous que le livre de l’abbé Gaume(4) me jette tous les jours un peu plus de son côté. Ses lettres me semblent parfaites.

Adieu. Roux(5) va bien, il s’est jetté [sic] dans son programme de philosophie; il n’en bouge ni n’en sort.

Adieu encore une fois.

E.D'ALZON.
Notes et post-scriptum
Mille choses à de Jouenne et à Mme *Jeanne*.1. Cette lettre de 1852 nous permet de rétablir un nouveau contact entre le P. d'Alzon et son fidèle ami parisien, Melchior Du Lac, rédacteur au journal l'Univers.
On sait que Jean-Melchior Du Lac et d'Aure, comte de Mauvert (1806-1872), originaire de Villefranche (Aveyron) fut une grande figure du journalisme catholique du XIXème siècle. Connu par l'étudiant parisien, Emmanuel d'Alzon au cours de ses études dans la capitale dans l'entourage de M. Bailly. Du Lac a commencé sa carrière au Mémorial Catholique, revue mensuelle mennaisienne née en janvier 1824 sous la direction des abbés Gerbet et de Salinis, puis au journal Le Correspondant dont la première formule s'étend de mars 1829 à 1831 pour laisser la place à la revue mensuelle La Revue européenne. Du Lac fut ensuite contrarié dans ses projets: séminariste à Nîmes, il ne put poursuivre après le revers de son père, ancien préfet. Il rentra à l'Univers en 1834, journal dirigé alors par l'abbé Migne, s'en éloigna mais le retrouva pour ne plus le quitter, en qualité de secrétaire de rédaction avec M. Bailly puis Louis Veuillot. Il fit encore un essai de vie monastique à Solesmes sans cesser sa collaboration au journal (1846). Pour des raisons familiales, il reprit toute sa place auprès de Louis Veuillot, publia deux ouvrages remarqués, l'un en 1849, La liturgie romaine et les liturgies françaises, le second en 1850-1851, L'Eglise et l'Etat, 2 volumes.
Lorsqu'il mourut à Paris en août 1872, le P. d'Alzon tint à accompagner ses deux amis, Veuillot et d'Esgrigny, à ses obsèques célébrées le 9 août en l'église Saint Thomas d'Aquin. Cette mort encore prématurée inspira à Emmanuel d'Alzon deux lettres pleines de tristesse et de foi chrétienne à Mère Marie Correnson:
"Je vous écris le coeur bien triste: mon vieil ami Du Lac est mort, pendant que j'étais à Arras. On va l'enterrer dans un moment. Comme depuis vingt ans il logeait au Bon Lafontaine [quartier de Grenelle] et que l'on n'aime pas les tentures dans les hôtels, son corps fut porté sans bruit à Saint Thomas d'Aquin. Je pus l'accompagner avec Veuillot; aujourd'hui on fait la cérémonie. M. d'Esgrigny voudrait faire porter son corps en Picardie dans son tombeau de famille. Hélas! Partir de là ou de là pour le jugement dernier, qu'importe à cette poussière qui a été notre corps? Tout un monde commence à tomber pour moi. Nous étions quatre: Gouraud, d'Esgrigny, Du Lac et moi. Du Lac disparaît. En mourant, il a blessé le pauvre Gouraud, parce que ayant été guéri par un homéopathe, il y a quelque temps. Gouraud n'est venu à son lit de mort que comme ami. Les Veuillot ont été admirables, mais enfin la dégringolade commence... Je déjeune et pars pour Saint Thomas..." Lettre ACR 9 août 1872.
"... La mort de mon pauvre Du Lac me perce le coeur. Enfin, j'aime à croire qu'il est heureux ou qu'il le sera bientôt. Bon Dieu, qu'il a souffert depuis cinquante ans!..." Lettre ACR 10 août 1872.
2. Lettre ouverte de L. Veuillot dans *l'Univers* du 20 juin 1852 à l'intention de Mgr Dupanloup, devenu son accusateur public. Le rédacteur de l'Univers donne à ses amis "la joie de se justifier et proteste contre les accusations de déloyauté et de calomnie". On notera le quadruple qualificatif alzonien!
3. Orléans n'est autre que Mgr Dupanloup (1802-1878), évêque de ce diocèse depuis 1849. Au début de 1852 (19 avril), il était intervenu pour défendre contre Gaume les classiques païens et l'Université, malmenés par les ultramontains intransigeants et pour défendre son autorité épiscopale contre le laïc Louis Veuillot qui avait critiqué son attitude. Dupanloup publia un mandement passionné le 30 mai 1852 qui se terminait par l'interdiction à ses professeurs de lire l'Univers. Il chercha surtout à obtenir de Rome un désaveu officiel qui aurait tué le journal. Episode d'une antipathie congénitale et de positions idéologiques irréconciliables.
4. Il s'agit, bien sûr, du fameux livre: *Le Ver rongeur des sociétés modernes ou le paganisme dans l'éducation* (1851), qui suscita une polémique irritante au sein de l'épiscopat français.
5. Roux-Lavergne (1802-?), natif de Figeac, docteur ès lettres, député de Bretagne en 1848, rédacteur à l'Univers, veuf, prêtre, professeur de philosophie au collège de l'Assomption deux années (1852-1854). - Notes de J.-P. Périer-Muzet.