DERAEDT, Lettres, vol.8 , p. 305

Mon cher ami,

Je reçois votre lettre. Je ne m’oppose pas à ce que vous achetiez le terrain dont vous me parlez. Je crois, d’après vos renseignements, l’affaire très bonne; mais je ne puis permettre que vous donniez, vous, votre signature. A Rome, cela ferait un mauvais effet. Croyez-moi, ne nous mêlons pas aux affaires matérielles; donnons de l’argent, mais ne soyons pas copropriétaires. Je ne puis absolument y consentir. Vous n’avez pas le sou, et qui, en dernière analyse, serait obligé de payer si une révolution arrive ? Non, je ne puis vous permettre de vous engager. Pour les dames et pour les Soeurs, c’est autre chose, et je donne mon très plein et entier assentiment(1).

Mille fois vôtre, cher ami.

E.D'ALZON.

1. Ce que le P. Pernet souhaite acquérir, explique-t-il au P. d'Alzon dans une lettre du 31 mars, c'est un lot comportant une partie bâtie sur la rue Violet, "au centre de Grenelle, à vingt minutes de chez nous en omnibus et à 1/4 d'heure à pied des Dames de l'Assomption. La population de ce quartier et tout autour est une population ouvrière et pauvre. [...] le bâtiment principal est suffisant à lui seul pour contenir cent religieuses, avec tout ce qu'il faut pour une communauté bien réglée". Après bien des débats, le prix de cette maison et de son enclos, en tout 40 ares, a été fixé à 150 000 francs. Aussi le P. Picard pousse-t-il à l'achat, "pensant qu'on ne retrouvera pas pareille occasion, qui est vraiment une faveur ménagée par saint Joseph". - Le 17 mars en effet, le P. Pernet avait rédigé une supplique à saint Joseph, que Mère Marie de Jésus et les treize Soeurs qui formaient alors la communauté avaient contresignée (Gaétan BERNOVILLE, *Le Père Pernet*, p.98, Grasset, 1944). - "Vous comprenez, mon Père, continuait le P. Pernet, que nous ne faisons rien sans vous. C'est pourquoi je vous écris tout ceci, afin de vous mettre au courant et que vous nous autorisiez à donner nos signatures si le vendeur l'exigeait dans le contrat de vente. Ce contrat se fera par société, c'est-à-dire qu'on réunira la propriété sur plusieurs têtes, la Supérieure de l'oeuvre, des dames patronesses [...] et enfin sur quelqu'un de nous, afin que l'Assomption ne soit pas étrangère à cette oeuvre qui ne peut guère vivre que par elle."