Périer-Muzet, Lettres, Tome XV, p. 132.

1862 Nîmes GALERAN Abbé Henri

C’est de la grâce de Dieu, et d’elle seulement, que vient la force.

Informations générales
  • PM_XV_132
  • 1881 b
  • Périer-Muzet, Lettres, Tome XV, p. 132.
  • Orig. ms. perdu. Cité d'après H. Galeran Croquis du P. d' Alzon, p. 38. Code in- formatique B06392.
Informations détaillées
  • ** Aucun descripteur **
  • A L'ABBE HENRI-DIEUDONNE GALERAN
  • GALERAN Abbé Henri
  • [Nîmes, 1862 ou 1863]
  • 1862
  • Nîmes
La lettre

Que dites-vous, mon ami? Que vous vous sentez fort pour la lutte (1). Comment avez-vous pu écrire une pareille phrase? L’entraînement dela jeunesse (2) peut vous excuser jusqu’à un certain point; mais, je vous en conjure, ne faites pas le brave. Priez, humiliez-vous, soyez prudent, surtout quand vous parlez ou écrivez. Ah! mon ami, quelle parole insensée: Je me sens fort! Et que pouvons-nous sans la grâce de Dieu? C’est de là, et de là seulement que la force vient. C’est en comptant sur nos pauvres ressources que nous finissons par gâter les meilleures causes. Si vous voulez avoir la bénédiction de Dieu, dans vos présents ennuis, je vous le répète: humiliez- vous, mettez de côté tout sentiment d’amour-propre, retirez-vous dans la solitude, loin de tant de faux-amis; cherchez à faire en tout la volonté de Dieu, mais n’aspirez pas à remporter un triomphe. Faites-vous petit, fuyez les applaudissements et mettez-vous, sans réserve, entre les mains de Dieu et de ceux qu’il a établis pour juger votre cause. Ne vous détournez pas pour un seul instant de l’esprit catholique, qui est celui de la soumission, du sacrifice et de l’humilité. Dieu saura bien vous dédommager de votre oubli de vous-même s’il daigne se servir de vous pour quelque bonne fin. Vous savez combien vivement je m’intéresse à ce qui vous touche, par consé- quent, je vous dirai en terminant: Ne nous compremettons pas.

Adieu, tout vôtre en Nôtre-Seigneur.

E. D'ALZON.
Notes et post-scriptum
(1) Pris dans une 'tempête effroyable', ce sont ses propres termes, l'abbé Galeran écrit au P. d' Alzon: « Je me sens prêt à lutter, et je me sens fort pour cela ». Le retour de la poste lui zapporta la réponse du Père. La tempête effroyable, ce sont les difficultés qui mirent l'abbé séculier Galeran aux prises avec son évêque, Mgr Lecourtier de Montpellier, et lui valurent un interdit dans le diocèse (8 août 1862), contre lequel il recourut à Rome.' L'origine de cette mesure semble être une interdiction de l'évêque de prendre la liberté de se rendre à Rome sans son autorisation préalable expresse. L'affaire traîna en longueur et déboucha sur un envoi en mission de l'abbé Galeran en Angleterre: cf Lettres n° 1822, t. IV, édit. D. Déraedt, pp. 104-105 et n°2776, t. VI, édit. D. Déraedt, p. 48.
(2) Rappelons brièvement ici la biographie de l'abbé Galeran qui avait en 1862 31 ans. Henri-Dieudonné Galeran était né à Montpellier le 5 février 1831, de Antoine Ga-leran et de Marie Moulinière [Moulinier?], son épouse. Après avoir connu le collège de l'Assomption à Nîmes jusqu'à la fin de l'année scolaire 1850, où son père fut quelque temps employé, puis terminé sa formation ecclésiastique au grand séminaire de Montpel-lier, Henri a été ordonné prêtre à Montpellier le 29 juin 1857. Il fut d'abord nommé vicaire à Saint-Louis de Sète, le 1er septembre 1857. Vicaire à la cathédrale de Montpellier le 1er février 1858, il fut également désigné comme aumônier de la Providence, le 1er mai 1859. Desservant de la paroisse de Ceyras le 18 décembre 1861, il fut déclaré interdit par Mgr Lecourtier le 8 août 1862. Il connut ensuite une vie itinérante, commencée en Angleterre comme aumônier des Religieuses de l'Assomption de Londres à la fin du mois de mai 1866, après avoir bénéficié de l'aide et de la protection du P. d' Alzon à Nîmes. Il ne tarda d'ailleurs pas à se brouiller avec les Religieuses en 1867. D'après le P. d' Alzon (lettre n° 3118, t. VI), l'abbé quitta Londres en septembre 1867. Il reprit du service ministériel en Angleterre par la suite, notamment à Poole en 1869 (Devonshire) et à Londres en 1878 où le cardinal Manning l'aurait attiré en raison de ses talents oratoires. La Semaine religieuse de Nîmes publia d'ailleurs un certain nombre de correspondances que Galeran, mission-naire apostolique, lui transmit sur la situation religieuse en Angleterre.On sait que sur ses vieux jours, l'abbé devenu chanoine demanda au P. Picard à Paris, en août 1892, de vivre aux côtés de la communauté de Notre-Dame de France à Jérusalem comme familier et commensal. Il y resta une vingtaine d'années, en fidèle disciple du P. d' Alzon dont il rédi-gea les fameux Croquis. Mais, à la fin de l'année 1914, l'exode forcé des religieux d'origi-ne française de la Palestine, alors sous le joug turc, le conduisit à l'hôpital Saint-Louis de Damas, tenu par les Filles de la Charité. Il était dans un état physique et mental pitoyable, selon les dépêches du P. Vanhove reproduites dans la Lettre à la Dispersion (année 1915, pp. 22,43, 44,45, 102, 149,236, 237). Une lettre de Sœur Gauthier, supérieure del'hôpital Saint-Louis, du 7 janvier 1915 annonça son décès, survenu ce même 7 janvier, après 17 jours d'hôpital. Ce sont des Pères Franciscains qui assurèrent à Damas la cérémonie funè-bre. Malheureusement, dans cette grande débâcle, tous les papiers, toutes les notes, toute la correspondance du chanoine Galeran furent égarés ou détruits. Ainsi disparurent, croyons-nous, bien des témoignages écrits du P. d' Alzon qui avait tenu ce prêtre, ancien de l'Assomption, dans une estime et une affection inébranlables, en dépit de défauts bien réels, dûs à un caractère fantasque, ombrageux et très indépendant. Archives Diocésaines de Montpellier.
Il n'était pas possible d'introduire dans le corps de ce volume de Lettres toutes les citations du livre Croquis du P. d' Alzon pouvant être attribuées au Fondateur de l'As-somption, mais le lecteur curieux de possibles ipsissima verba les retrouvera dans la ban-que informatique d' Alzon série E (27 documents ou notes d'audition), sous le titre 'Pro-pos du P. d' Alzon rapportés par H. Galeran' ou encore dans la relecture des Croquis dont il existe une version anglaise Sketches (Milton, 1982) et dont se prépare une version his-panophone. Quelle que soit la langue, on peut dire des Croquis en général avec les Ita-liens: Se no è vero, è bene trovato.