Périer-Muzet, Lettres, Tome XV, p. 150

1864-aug-10 Le Vigan CHAPONAY Comtesse

Devenir une chrétienne apostoliquement aimable – Un apostolat de bienveillance – Se laisser faire – Accepter les ennuis et les sécheresses

Informations générales
  • PM_XV_150
  • 2282 a
  • Périer-Muzet, Lettres, Tome XV, p. 150
  • Orig. ms. Fonds Chaponay Archives Départementales du Rhône, 44 J 154. Photoc. ACR BZD 8/4. Transcription ACR BG 224/4.
Informations détaillées
  • A MADAME LA COMTESSE DE CHAPONAY
  • CHAPONAY Comtesse
  • LeVigan, 10 août 18 [64]
  • 1864-aug-10
  • Le Vigan
La lettre

Je reçois votre lettre au Vigan, ma bien chère fille, et je me hâte de vous répondre. J’étais un peu tenté de vous accuser d’oubli ou de négligen- ce. Il me semble qu’il y a un siècle que je n’ai eu de vos nouvelles.

Il me paraît que vous pouvez prendre les délaissements que vous éprouvez aux pieds de Nôtre-Seigneur comme punition du peu d’efforts que vous avez faits dans le temps pour être une chrétienne apostolique- ment aimable. Souvenez-vous que Dieu veut que chacun se serve dans la mesure, pour sa gloire, des moyens surnaturels accordés à chaque créature. Ainsi une femme, dans votre position, a un apostolat de bienveillance qui la fait ressembler à Nôtre-Seigneur au sacrement de l’autel. Comme lui, il faut qu’elle se laisse faire toutes les fois que cette sorte d’esclavage n’est pas incompatible avec d’autres devoirs. Je suis pour mon compte très convaincu qu’une série d’efforts sur votre caractère dans cette disposition que je vous indique, contribuerait puissamment à vous rendre plus douées vos relations avec Dieu.

Après cela il y a quelque chose de plus parfait, c’est l’acceptation de tous vos ennuis, sécheresses etc… pour expier les délaissements où Nô-tre-Seigneur est exposé. Lorsque vous êtes tentée de dire: ‘Mon Dieu, pourquoi m’avez-vous abandonnée?’ (1), il pourrait vous répondre: ‘Parce que je suis abandonné moi-même et que dans mon amour pour toi je te ré-serve pour le mystère de mes délaissements. C’est aux âmes les plus ai-mées que je réserve l’honneur de porter la part la plus lourde de ma croix, voilà pourquoi je te laisse dans la désolation’. Quand vous vous confes-sez, vous n’avez point besoin d’entrer dans les détails, à moins que vous ne sentiez que vous êtes comprise.

Adieu, ma chère fille, je vais dire la S[ain]te Messe et je prierai pour vous. Tout vôtre en N.-S.

E. D'ALZON.
Notes et post-scriptum
(1) C'est le cri du Christ sur la croix d'après Mt 27,46.