Périer-Muzet, Lettres, Tome XV, p. 160

1865-feb-11 Nîmes CHAPONAY Comtesse

Prière pour trois pauvres âmes – Distinction entre protestants orthodoxes et protes-tants libéraux.

Informations générales
  • PM_XV_160
  • 2450 a
  • Périer-Muzet, Lettres, Tome XV, p. 160
  • Orig. ms. Fonds Chaponay Archives Départementales du Rhône, 44 J 154. Photoc. ACR BZD 8/10. Transcription ACR BG 224/10.
Informations détaillées
  • A MADAME LA COMTESSE DE CHAPONAY
  • CHAPONAY Comtesse
  • Nîmes, 11 février 1865
  • 1865-feb-11
  • Nîmes
La lettre

Ma bien chère fille, votre lettre est pleine d’intérêt pour moi et je prie bien du fond du cœur pour ces trois pauvres âmes dont vous me par-lez.

Il me semble qu’exposer simplement et sans dispute votre manière de voir quand l’occasion s’en présente peut avoir de très grands avantages. Au point où en est arrivée la Réforme, il faut qu’elle craque forcément. Les uns iront à la révolution, les autres à la vraie foi. Parler aux orthodoxes avec bonté est chose excellente; aux protestants libéraux me semble très inutile. Je pense que vous voyez la distinction: ceux qui avec M. Guizot croient à la divinité de J.C. ont chance de nous revenir. Il n’y en a guère pour les autres, à moins d’un courant de premier ordre.

Lisez la brochure de Dupanloup (1). Je ne crois pas que ses expli-cations soient suffisantes, mais il faut quelquefois donner du lest au lieu de nourriture. Tenez pour sûr que, sauf les procédés que je n’examine pas, le Pape est pour la [condamnation?] du monde mais il ne faut pas pointiller. Les catholiques libéraux ont été suffisamment avertis, et dans l’ensemble ils se conduisent trop bien pour ne pas leur pardonner certains mécontente-ments qui passeront et ne pas leur savoir gré de leur soumission. Je consi-dère la Revue des deux Mondes comme une des plus infernales produc-tions des temps modernes (2).

Si vous pouvez voir M. Guizot, je serais bien aise que vous m’en disiez votre avis. Je mets un abîme entre lui que j’honore et M. Cousin. Adieu, ma fille, je ne puis tenir ma plume. Mille fois vôtre en N.-S.

E. D'ALZON.
Notes et post-scriptum
(1) Mgr Dupanloup, figure éminente du catholicisme libéral, n'avait pu qu'être embarrassé par la publication de l'encyclique Quanta Cura et du Syllabus, condamnant les idées du monde moderne, d'où sa réaction mitigée du 25 janvier 1865 qui lui valut les quolibets de Prosper Mérimée: « M. Dupanloup explique fort bien que lorsque la bulle dit noir, il faut entendre blanc ».
(2) Le premier numéro de la Revue parut le 1er juillet 1829, créée par François Buioz et reprise après sa mort en 1877 par Brunetière. Orléaniste en 1830, républicaine en 1848, conformiste sous le Second Empire, elle s'affirmera catholique vers la fin des an-nées 1870 seulement. Ce n'est pas sans humour que nous pouvons relever, après ce juge-ment radical du P. d'Alzon, que la Revue des deux Mondes publiera en l'honneur de sa mémoire un article de Philippe Sénart, Le Père d'Alton, 1981, t. II, pp. 314-321.