- PM_XV_161
- 2491 a
- Périer-Muzet, Lettres, Tome XV, p. 161
- Orig. ms. Fonds Chaponay Archives Départementales du Rhône, 44 J 154. Photoc. ACR BZD 8/11. Transcription ACR BG 224/11.
- A MADAME LA COMTESSE DE CHAPONAY
- CHAPONAY Comtesse
- Le Vigan, 18 avril 1865
- 1865-apr-18
- Le Vigan
Et moi aussi, ma bien chère fille, j’ai été bien en retard avec vous. Il faut me pardonner. Le carême m’absorbait un peu et je ne pouvais me dé-cider à ne vous envoyer quelques lignes. ,
Vous voilà à la campagne puisque Mme de La Chadenede (1) ma remis votre nouvelle adresse. Vous étiez au désert à Lyon (2), vous y serez peut-être encore plus à la campagne. C’est une bien bonne chose que la so-litude de l’âme, même lorsqu’elle est pleine d’aridités. Je me représente les grands serviteurs de Dieu qui tous se sont fortifiés pour les grandes choses dans le désert (3). , .
Plus j’étudie votre âme, plus je la crois faite pour croître dans une très grande dilatation et une très grande confiance; aussi supposé que ce que je vais vous dire ne vous aille pas, supposons encore que je ne vous ai rien dit.
Il me paraît impossible que Dieu ne vous appelle pas a une très grande perfection. Pour y arriver, il faut beaucoup souffrir par la douleur, la sécheresse, les délaissements, les ténèbres. L’âme dans ces sortes d’états semble comme réduite aux abois. Elle ne sait de quel côté se tourner, a qui avoir recours. C’est alors que la pratique de l’obéissance est bonne en ce sens que en sachant quoi faire pour être agréable à Dieu, elle peut lui dire: ‘Seigneur, vous voyez que je cherche à faire ce que l’on me dit de votre
L’obéissance alors peut prendre diverses formes, tantôt c’est une direction générale à laquelle on s’astreint pour pouvoir se rendre le témoi- gnage que l’on veut par-dessus tout la volonté de Dieu manifestée par celui qui le représente, tantôt c’est une dépendance plus minutieuse par laquelle on cherche à briser la volonté propre. Ces deux formes sont également bonnes et n’ont d’avantage l’une sur l’autre que selon les divers états des personnes qui veulent s’en servir comme moyen de sanctification. Les me- mes personnes peuvent selon leurs différentes situations avoir recours a. l’une ou à l’autre de ces deux méthodes. Il faut se rappeler que notre modè- le Jésus-Christ a été obéissant jusqu’à la mort et à la mort de la croix (4) pour s’efforcer de l’imiter selon qu’on le croit plus utile.
Je suis ici très préoccupé de mon noviciat comme aussi de 1 idée de former une maison d’adoration du St Sacrement pour de bonnes filles des montagnes qui vivraient de travail, de pénitence et d’oraison et dont les plus ferventes seraient envoyées comme maîtresses d’école en Bulgarie (5).
Priez bien Dieu pour que cette pensée soit bénie, si elle vient d’en- haut. . / . –
Je viens de renoncer à mon voyage de Savoie et par conséquent a mon voyage à Lyon. Je le regrette parce que je n’ai plus l’espoir de vous voir de quelque temps, et pourtant je désirerais tant vous faire le plus de bien possible.
Je prie avec tout mon cœur pour toutes vos intentions, communiez quand même vous laisseriez s’écouler un long temps sans vous confesser.
Veuillez croire, ma chère fille, à mon plus profond et respectueux attachement en N.-S.
E. D'ALZON.(2) La famille de Chaponay disposait d'une adresse urbaine, lyonnaise au n° 4 rue Saint-Joseph, où il est arrivé au P. d'Alzon de descendre, mais également d'une rési- dence de campagne, Laflachère, commune du Bois d'Oingt (Rhône).
(3) Le désert est dans la tradition biblique non seulement une désignation géo- graphique ou topographique mais un thème spirituel très développé dans la littérature pro- phétique et sapientielle, synonyme de reprise et de vie d'union intense avec Dieu.
(4) Reprise de Ph 2, 8.
(5) Attestation de l'amorce de la future fondation des Oblates.