Périer-Muzet, Lettres, Tome XV, p. 166

1865-aug-26 Le Vigan CHAPONAY Comtesse

II est au Vigan pour se reposer, surveiller le noviciat et s’occuper de la fondation des Oblates – Projet de pèlerinage à l’Espérou – Développer la dévotion au Saint-Sacrement – Souffrir en union avec tous les sujets de tristesse de l’Eglise, par une sorte de sacrifice ex- piatoire.

Informations générales
  • PM_XV_166
  • 2624 a
  • Périer-Muzet, Lettres, Tome XV, p. 166
  • Orig. ms. Fonds Chaponay Archives Départementales du Rhône, 44 J 154. Photoc. ACR BZD 8/14. Transcription ACR BG 224/14.
Informations détaillées
  • A MADAME LA COMTESSE DE CHAPONAY
  • CHAPONAY Comtesse
  • Le Vigan, 26 août 1865
  • 1865-aug-26
  • Le Vigan
La lettre

Ma chère fille, je vous écris du Vigan où je suis en partie pour me reposer et en partie pour surveiller mon noviciat, m’occuper d’une fonda- tion de religieuses pour la Bulgarie et organiser une dévotion à la Ste Vier- ge sur un des points les plus élevés des Cévennes (1).

Je vous recommande toutes ces œuvres qui ont leur importance, chacune dans son genre. Nous cherchons à développer autant que nous le pouvons la dévotion au St-Sacrement et j’espère peu à peu réveiller avec la grâce de Dieu une piété qui repose ici sur une foi un peu ignorante mais bien vive.

Je ne puis m’empêcher d’admirer la manière dont Dieu conduit lui- même de pauvres âmes qui sont abandonnées et dépourvues de tout appui humain. Quant à vous, ma chère fille, ne vous découragez pas: quand il s’agit de l’oeuvre de Dieu, ce n’est pas ce qui paraît le plus, qui est le plus solide et surtout le plus profond. L’important est de laisser tout sentiment humain au milieu du peu de bien que l’on peut faire. Je vous recommande de lire le psaume 68 (2). Vous y verrez l’absence de consolations où Notre Seigneur a voulu se placer afin de nous apprendre à nous en passer nous- mêmes. Quand on aime Jésus-Christ au très Saint-Sacrement, on est forcé- ment saisi d’épouvanté à la pensée de ses délaissements divins et si affreux quand on les compare à tout ce à quoi il aurait des droits si grands.

Devenez de plus en plus une chrétienne intérieure et édifiante à la fois. Dieu vous donne des misères qui vous conduisent à lui d’une manière très purifiante, mais qui vous fournissent les moyens de lui témoigner un amour plus grand. Je ne saurais trop vous engager à souffrir en union avec tous les sujets de tristesse de l’Eglise. Dieu aime que certains cœurs lui of-frent une sorte de sacrifice expiatoire pour les douleurs de l’épouse de son fils. C’est là le cri des saints qui finit toujours par être exaucé. Je prie bien pour vous et je conjure Nôtre-Seigneur d’être sans cesse et votre lumière et votre force. Je prie aussi de bien bon cœur pour toutes vos intentions. Croyez, ma chère fille, en mon bien profond attachement.

E. D'ALZON.
Notes et post-scriptum
(1) II s'agit sans doute du projet de pèlerinage que le P. d'Alzon forma en mai 1865 pour obtenir la cessation de la maladie des vers à soie et relever les ruines de Notre-Dame de-Bonheur à l'Espérou dont il est question dans sa Circulaire aux catholiques du diocèse de Nîmes cf tome V, pp. 312-313. Sur cette réapppropriation de l'espace catholi-que, notamment dans les Cévennes au XIXème siècle, cf l'étude de Robert Sauzet, *Les Cévennes Catholiques. Histoire d'une fidélité XVIe-XXe siècle*, Perrin, 2002, chap. 11.
(2) PS 69(68), forme de lamentation du psalmiste qui a été lue dans la perspec-tive néo-testamentaire de la Passion du Christ.