- PM_XV_245
- 4659 a
- Périer-Muzet, Lettres, Tome XV, p. 245
- Orig. ms. Fonds Chaponay Archives Départementales du Rhône, 44 J 154. Photoc. ACR BZD 8/44. Transcription ACR BG 224/44.
- A MADAME LA COMTESSE DE CHAPONAY
- CHAPONAY Comtesse
- Le Vigan, 21 juillet [18] 72.
- 1872-jul-21
- Le Vigan
Madame,
Je ne puis vous dissimuler que je reçois sur Mlle de Q[uinsonas] (1) des détails si extraordinaires, à propos de sa passion pour M. de V. que j’ai été un instant très embarrasé. Pourtant après réflexion, il m’a paru que vos affirmations si nettes ne devaient pas céder devant des bruits de salon. Je tiens cependant, dans une question aussi délicate, à vous dire que tout en laissant à mon neveu sa liberté, votre opinion m’a décidé à lui laisser voir la mienne qui a été formée par la vôtre.
Vous voyez. Madame, avec quelle profonde confiance je procède et vous voyez aussi ce que vous avez à dire, si vous avez des craintes analogues au sujet d’une affection qui peut pénétrer dans le cœur d’une jeune personne sans qu’elle soit coupable.
L’important est qu’elle efface ses souvenirs, pour ne songer qu’à ses devoirs. Je crois qu’elle a toutes les chances de bonheur, pourvu qu’elle ne songe plus qu’à celui qui lui est offert.
On la dit rêveuse et nerveuse et l’on craint que dans ses crises elle ne laisse échapper des regrets. Est-ce vrai? Est-ce faux? Vous le savez mieux que moi. Dans tous les cas, de pareilles faiblesses l’exposeraient plus tard à de rudes souffrances. Elle sera heureuse si elle rend ce qu’on lui offrira, sinon ses rêveries pourraient se transformer en longues tortures morales. Mon neveu est franc et loyal mais ne peut supporter d’être dupé.
Je tiens. Madame, en vous disant tout cela, à ajouter que je vais partir pour Paris le 30. Je suis obligé de rester quelques jours à Nîmes. Je regrette de n’avoir pu arriver assez tôt pour avoir une explication avec Mlle de Q[uinsonasl qui, n’étant plus une enfant, aurait compris ce que je voulais lui dire, mais je compte sur votre bonté, pour lui faire comprendre combien il importe à son bonheur de ne jamais faire allusion au passé, sinon pour bien établir qu’il est effacé (s’il l’est en effet), mais du moins pour n’y faire aucune allusion. Je n’ai indiqué Mlle de Q[uinsonasl à mon neveu que pour ce que vous m’avez affirmé qu’il était l’objet d’une préférence, sans quoi avec tous les on dit je me serais abstenu.
Veuillez voir, Madame, dans ces lignes la preuve d’une confiance absolue et l’espoir qu’au besoin vous voudrez bien m’aider à écarter tous les nuages possibles. Veuillez agréer. Madame, l’hommage de mon plus respectueux attachement en N.-S.
E. D'ALZON.