Vailhé, LETTRES, vol.1, p.154

7 nov 1830 [Lavagnac, ESGRIGNY Luglien de Jouenne
Informations générales
  • V1-154
  • 0+050|L
  • Vailhé, LETTRES, vol.1, p.154
Informations détaillées
  • 1 AGRICULTEURS
    1 ASSISTANCE A LA MESSE
    1 CATHOLIQUE
    1 CHANT
    1 FLEURS
    1 GUERRE CIVILE
    1 LOISIRS
    1 MONARCHIE
    1 MUSIQUE
    1 POUVOIR
    1 PROTESTANTISME ADVERSAIRE
    1 ROYALISTES
    2 ANGOULEME, DUC D'
    2 CHARLES BORROMEE, SAINT
    2 COSTE, ADJOINT
    2 LOUIS XIV
    3 LAPALUD
    3 MONTPELLIER, PLAN DE L'OLIVIER
    3 PIGNAN
  • A MONSIEUR LUGLIEN DE JOUENNE D'ESGRIGNY(1).
  • ESGRIGNY Luglien de Jouenne
  • le 7 novembre 1830.]
  • 7 nov 1830
  • [Lavagnac,
  • Monsieur
    Monsieur Luglien de Jouenne,
    rue Duphot, n.° 11.
    Paris.
La lettre

Mon cher ami,

Je ne puis tout de suite vous donner des preuves de ce que je vous ai dit. J’écris à l’instant à Montpellier, et si l’on croit prudent de vous les donner, vous les recevrez demain. Que la députation ait été envoyée aux autorités pour les menacer de troubles, en cas qu’elle voulût abattre les croix; que 400 personnes se soient chargées de veiller les croix pendant la nuit; que les protestants aient demandé que les croix ne fussent pas abattues, par crainte de représailles, ce sont des faits sur lesquels on peut en appeler à toute la ville(2). En attendant de nouvelles confirmations, voici le détail de la manière dont à Montpellier on a célébré la Saint-Charles. Je copie une lettre, dans laquelle sont tous ces détails.

Plusieurs membres de notre garde nationale se rendaient de nuit au Plan de l’olivier (c’est le quartier des cultivateurs connu par la vigueur du poignet, la religion et le royalisme de ses habitants), et là ils chantaient la Marseillaise et criaient toutes sortes de choses pour exciter les royalistes. Ceux-ci, ennuyés, se réunirent avec beaucoup d’autres de la ville et des femmes et furent, mercredi, vers 11 heures du soir, sur la place où est la statue de Louis XIV, et avec un hautbois firent un grand branle autour de la statue. Le hautbois jouait l’air d’une chanson patoise, dont le sens est: « Je t’ai bien dit, mes amours, que je t’aimerai toujours », et on assaisonnait cet air des cris de: « Vive le roi! » Les postes de la garde nationale s’y portèrent, mais ne furent pas écoutés. Ils n’osèrent pas user de force, et on fut chercher M. Coste, adjoint à la mairie, qui a été à la Palud avec le duc d’A[ngoulême] et qui reçut de lui la décoration d’honneur. M. Coste les harangua. Ils lui portèrent leurs plaintes sur les provocations que leur faisait la garde nationale. Il répondit qu’il le savait, mais que cela n’arriverait plus, pria de se retirer paisiblement. Ils répondirent qu’ils lui obéiraient, parce qu’il avait combattu dans leurs rangs, et ils furent se coucher.

Hier, on sut qu’ils voulaient célébrer la Saint-Charles, ainsi que ceux de tous les quartiers de la ville. M. le maire, les adjoints et M. le curé de Saint-Matthieu (qui ne fut pas le moins écouté) furent les trouver et les conjurer de ne pas faire de train. Ils répondirent qu’ils voulaient absolument faire la fête, que c’était leur opinion. Le maire obtint qu’ils iraient à la mairie demander la permission de faire fête et qu’on ne danserait pas. En conséquence, ils ont fait dire des Messes à Notre-Dame, ou ils ont été en bon nombre, les uns avec des bouquets d’immortelles et d’autres avec une fleur blanche. Toute la journée, ils parcoururent la ville avec leurs bouquets. Les femmes de la Halle avaient des poupées avec des rubans blancs. On avait mis des patrouilles de garde nationale de cinquante hommes, qui patrouillaient fort paisiblement, parce qu’on avait eu le bon sens de mettre sur pied une compagnie de royalistes. De plus, on a rendu un arrêté qui a mis à l’ordre la garde nationale.

A Pignan, petit village des environs de Montpellier, il y a eu du train. On s’est battu à coups de couteaux: il y a eu douze blessés.

Adieu. Je n’ai pas le temps de relire.

Emmanuel.
Notes et post-scriptum
1. La date donnée est celle du cachet de la poste, à Montagnac.
2. Voir la lettre du 13 octobre 1830.