Vailhé, LETTRES, vol.1, p.184

23 jan 1831 [Lavagnac, LA_GOURNERIE Eugène
Informations générales
  • V1-184
  • 0+059|LIX
  • Vailhé, LETTRES, vol.1, p.184
Informations détaillées
  • 1 BATEAU
    1 CREANCES A PAYER
    1 IMAGINATION
    1 INTEMPERIES
    1 LANGUE
    1 LIBERAUX
    1 LIVRES
    1 MARIAGE
    1 MORALITE
    1 PRESSE
    1 RESIDENCES
    1 SOLITUDE
    2 ALZON, HENRI D'
    2 BAILLY, EMMANUEL SENIOR
    2 DU LAC, JEAN-MELCHIOR
    2 DUFORT, LIBRAIRE
    2 DUFRESNE, ABEL
    2 GOETHE, JOHANN-WOLFGANG
    2 GOURAUD, HENRI
    2 LOCKE, JOHN
    2 MAISTRE, JOSEPH DE
    2 MULLER, JEAN DE
    2 NIEBUHR, BERTHOLD-GEORG
    2 PETRARQUE
    2 SCHLEGEL, FRIEDRICH VON
    2 SCHLEGEL, WILHELM VON
    3 HERAULT, RIVIERE
    3 LAVAGNAC
    3 MONTPELLIER
    3 PARIS
    3 SUISSE
  • A MONSIEUR EUGENE DE LA GOURNERIE (1).
  • LA_GOURNERIE Eugène
  • le 23 janvier 1831.]
  • 23 jan 1831
  • [Lavagnac,
  • Monsieur
    Monsieur Eugène de La Gournerie,
    rue du Vieux-Colombier n° 29.
    Paris.
La lettre

Nous venons de passer, mon cher Eugène, quelques jours dans le genre de ceux que M. de Maistre indique comme les seuls où l’on se puisse résoudre à lire Locke. Il pleut ou il a plu à verse. L’Hérault a débordé dans la plaine, en sorte que nous avons la perspective d’un lac qui vient presque baigner les murs du jardin. Si votre barque avait pris ce moment pour visiter notre fleuve, elle aurait pu vous porter presque dans la maison; non pas tout à fait pourtant, car, pour aider votre imagination, il est bon que vous sachiez que Lavagnac est sur une hauteur et que, quoique mon père l’ait fait rebâtir ce partie, on lui [a] conservé ou rendu ses quatre tourelles dont l’effet n’est pas du tout mal. J’ai toujours eu l’idée de faire prendre une ou deux vues de Lavagnac et de vous les envoyer, à vous ou à quelque autre de nos amis, ne fût-ce que pour leur donner le plaisir de savoir où je puis être. C’est encore une douce pensée que celle de pouvoir dire: « Ce bon garçon fait ceci, écrit cette lettre, rumine un article. » Pour moi, j’aime beaucoup à vous voir à votre table, sur la tête le bonnet rouge, les pieds sur les chenêts, ou le corps penché sur un vieux in-folio. Si vous avez changé quelque chose à votre situation physique et géographique, je vous prie de me l’apprendre pour y ramener ma pensée.

Je dois vous dire que votre article sur Pétrarque est bien, non pour vous faire un compliment, mais pour vous remercier du plaisir qu’il m’a fait. Il me semble qu’il pourrait avoir encore une teinte un peu plus originale; mais il a trop généralement plu à toutes les personnes qui l’ont lu, pour qu’il ne doive pas vous encourager dans ce genre, ou vous faites réellement bien. Ici, tout le monde en a été enchanté, et ce n’a pas été sans une grande jouissance que j’écoutais tous les éloges qu’on vous donnait sans vous connaître. Les scrupuleux ont bien élevé la question de savoir si le sujet était bien moral, mais ces quelques-uns ont été repoussés avec perte.

Le Correspondant fait bien d’insérer des articles de ce genre. Cela relève un peu sa pesanteur, car franchement il est parfois lourd et pesant. Après tout, il me paraît plaire assez. Sa modération lui nuit et lui sert en même temps. Il fait bien de rester où il en est. Sa position me semble franche, et c’est quelque chose.

Voudriez-vous encore vous charger de quelques commissions auprès de mon libraire? Je me suis mis à étudier l’allemand et je voudrais quelques ouvrages à lire. Soyez assez bon pour aller chez Dufort, quai Voltaire, n° 19, lui demander le Faust de Goethe; les OEuvres de Frédéric Schlegel, qu’il a publiées en commun avec son frère, excepté les traductions; les OEuvres de Niebuhr et les OEuvres de Jean de Muller. Je désirerais ces ouvrages en allemand, et, le plus possible, format in-8°, édition compacte, s’il s’en trouve. Si Dufort sait que, pour quelqu’un de ces trois derniers ouvrages, on doive avant peu donner quelque édition plus complète, j’attendrais volontiers. S’il vous dit que les livres que je demande ne se trouvent pas et qu’il les faudrait faire venir, qu’il les fasse venir, mais le plus tôt possible. Il m’a procuré, il y a un an, un Schiller en un seul volume, dont je n’ai que la première partie; je désirerais qu’il m’envoyât la seconde. Enfin, veuillez lui rappeler que plusieurs fois je lui ai demandé son compte et que je ne l’ai jamais reçu. Qu’il vous le remette, quand il m’aura procuré ce que je lui demande, et, quand vous aurez eu la bonté de me le faire parvenir, je le ferai acquitter tout de suite.

Dans un dernier envoi de livres il a inséré les Pensées de Dufresne. Ce livre ne m’appartient pas. Comme il est relié, c’est peut-être par méprise qu’on l’a mis avec d’autres qui m’appartiennent et que j’avais fait relier. Je l’ai mis à part, pour le lui renvoyer à la première occasion. Il faut, mon cher Eugène, que je compte bien sur vous, pour vous embarrasser ainsi. Mais à la campagne il faut bien s’occuper, et ce sera à vous que je devrai le charme de mes ennuis.

Avez-vous des nouvelles de du Lac? Il me demande des vôtres, preuve que vous ne lui écrivez pas. Je crois que vous devriez le consoler un peu de son isolement. Il est seul, absolument seul, et c’est dans cette solitude que l’on apprécie le plus les souvenirs des amis.

Adieu, mon cher Eugène. Rassurez-vous un peu sur les figures effrayantes des faubouriens. Des lettres adressées à des libéraux de Montpellier leur apprennent que le mois de janvier ne se passera pas sans du bruit. Paris n’est pas au bout de ses immortelles journées. Adieu.

Emmanuel.

Je n’ose plus écrire à M. Bailly, tant il y a longtemps que je ne l’ai fait. C’est un peu de sa faute. C’est par hasard que j’ai appris qu’il se mariait; c’est par hasard que j’ai su qu’il avait quitté Paris, et il y avait deux mois qu’il était de retour que je le croyais encore en Suisse. Si vous voyez Gouraud, dites-lui que demain ou après-demain au plus tard il aura de mes nouvelles.

E.D'ALZON
Notes et post-scriptum
1.La date donnée est celle du cachet de la poste à Montagnac.