Vailhé, LETTRES, vol.1, p.303

26 apr 1832 [Montpellier, ALZON_VICOMTE
Informations générales
  • V1-303
  • 0+099|XCIX
  • Vailhé, LETTRES, vol.1, p.303
Informations détaillées
  • 1 AGRICULTEURS
    1 CAREME
    1 LIBERAUX
    1 MALADIES
    1 POLITIQUE
    1 RECOLTE
    1 RESIDENCES
    1 ROYALISTES
    1 SAMEDI SAINT
    1 SANTE
    1 SEMINAIRES
    1 SEMINARISTES
    1 SENTIMENTS
    1 TRAVAIL
    2 ALZON, AUGUSTINE D'
    2 ALZON, MADAME HENRI D'
    2 AUGE, ABBE
    2 BOURNIQUET
    2 COUX, CHARLES DE
    2 DUDON, PAUL
    2 GREGOIRE XVI
    2 LACORDAIRE, HENRI
    2 LAMENNAIS, FELICITE DE
    2 MONTALEMBERT, CHARLES DE
    2 MONTELS, MARCEL
    2 PACCA, BARTOLOMEO
    2 PUYSEGUR, MADAME ANATOLE DE
    2 RODIER, CLEMENT
    2 RODIER, MADAME JEAN-ANTOINE
    2 VENTURA, GIOACCHINO
    2 VERNIERES, JACQUES
    3 ECOSSE
    3 ESPAGNE
    3 MONTDARDIER
  • A SON PERE (1).
  • ALZON_VICOMTE
  • le 26 avril 1832].
  • 26 apr 1832
  • [Montpellier,
  • Monsieur
    Monsieur le Vicomte Henry d'Alzon,
    à Lavagnac, par Montagnac.
    Hérault.
La lettre

Mon cher petit père,

Je vous remercie beaucoup de m’avoir si promptement envoyé la lettre de M. de M[ontalembe]rt. Quoiqu’elle ne dise rien de bien positif sur leur état, elle m’a fait beaucoup de plaisir à cause des sentiments qu’il y témoigne pour moi. Celle de ma tante Rodier en contenait une troisième pour moi de M. de la M[ennais]. Il ne m’y parlait pas non plus beaucoup de leur position, mais dans celle de ma tante, qui était immense, il donnait quelques détails et il assurait que la Commission chargée d’examiner son Mémoire était favorable et qu’ils avaient l’assentiment de tout ce qu’il y avait d’hommes pieux(2).

Vous avez, il paraît, reçu la visite d’un M. Bourniquet. Il vint me trouver à plusieurs reprises, sans que je pusse lui parler. Enfin, hier, il m’apprit que vous ne l’aviez pas trop bien reçu, que pourtant il voudrait passer en Espagne ou en Ecosse. Je lui répondis qu’en entrant au Séminaire j’avais pris la résolution de ne me point mêler de politique. Alors il me parla de ses principes et du désir qu’il avait de verser son sang pour la religion et la légitimité. Je fus assez froid à cette démonstration, mais comme il me suppliait de prendre auprès de l’abbé Montels des renseignements sur son compte, pour lui éviter la peine de revenir, je lui demandai son adresse. Il se trouva loger chez une grande libérale, ce dont il fut un peu honteux. Je le congédiai le plus poliment et le plus froidement qu’il me fut possible, et comme le portier avait bien remarqué sa figure, je lui recommandai de lui dire que j’étais occupé, dans le cas où il voudrait revenir.

J’ai eu une autre visite, le père nourricier de Marie. Il paraît que la récolte a été mauvaise à Mondardier, qu’il ne peut être payé par les paysans qui envoient leurs enfants à son école. Il croyait trouver encore ici ma mère et il venait lui demander de lui procurer une place, n’importe laquelle, où il pût gagner sa vie et celle de ses enfants. Son fils a été obligé de quitter le Séminaire, où il était en cinquième. On lui a fait espérer une place de commis de magasin, mais ce ne serait que dans quelque temps. Ils paraissent assez gênés. Je promis de vous écrire. Je verrai aussi M. Vernière, à qui je n’ai pas eu l’occasion d’en parler.

Je ne crois pas que Clément ait pris la résolution à laquelle ma mère l’avait engagé (3). Il vint me voir deux fois, le Samedi-Saint et hier. Il me laissait à peine le temps de parler et, quoique je fisse ce que je pouvais pour l’attirer à la question, cinq ou six fois il rompit les chiens avec une telle précipitation que je ne crus pas qu’il convînt de le presser davantage. M. Augé vint ici mardi dernier. Je lui en voulus un peu de n’avoir pas pris votre commission. Il paraît que le Carême ne l’a pas trop fatigué. Je ne le trouvai pas plus jaune qu’à l’ordinaire.

J’espère écrire dans deux ou trois jours à ma mère. Clément m’a dit que vous lui faisiez entendre que, la semaine prochaine, vous viendriez peut-être. Vous me reverrez avec mes joues toujours bien fraîches, à moins que quelque accident imprévu ne soit venu les pâlir. Vous me verrez toujours content et joyeux. Il y a ici de bons jeunes gens, et quoique tous n’aient pas inventé la poudre, il y a moyen de se divertir avec eux. Dites, je vous prie, à ma mère que je suis au moins jusqu’au coude dans la manche du supérieur. Elle l’avait bien jugé, et je tâche de mettre en pratique vis-à-vis de lui les conseils qu’elle m’avait donnés. La nouvelle que vous m’avez donnée de la ferveur du ramonétage m’a fait un vif plaisir.

Adieu, mon cher petit père. Donnez-moi des nouvelles du rhume de Marie. Je suis bien aise de lui avoir écrit; cela l’aura un peu distraite. Adieu. J’embrasse maman et Augustine. Je vous embrasse aussi bien tendrement.

Emmanuel.
Notes et post-scriptum
2. Les deux lettres adressées de Rome par l'abbé de la Mennais à Emmanuel et à sa tante Rodier sont datées du 10 avril et encore conservées. Le Mémoire, dont il est ici question, fut rédigé par Lacordaire, signé par les trois pèlerins le 2 février 1832 et remis au cardinal Pacca, doyen du Sacré-Collège, qui le fit parvenir au pape Grégoire XVI. Il exposait d'une façon précise les théories de l'*Avenir*, mieux encore que ne l'avait fait ce journal en février 1831 dans un article, dont une copie fut en même temps remise au Souverain Pontife. (Voir Dudon, *Op. cit.*, p. 145-152.) Le Pape fit, le 25 février, prévenir l'abbé de la Mennais, par le cardinal Pacca, qu'il était mécontent de l'*Avenir* que l'examen des doctrines incriminées serait long et qu'il pouvait se retirer. L'abbé eut tort de s'obstiner à rester à Rome après son audience du 13 mars, alors que Lacordaire et Montalembert - quittèrent la Ville Eternelle, le premier définitivement, le second pour visiter le Sud de l'Italie.
L'abbé de la Mennais était dans l'illusion la plus complète; il songeait à reprendre le journal à l'automne prochain, ainsi que tout son programme d'action politique et religieuse, mais sur un plan encore plus étendu qu'auparavant. Ses deux amis, Montalembert et Lacordaire, étaient d'accord avec lui, et les intimes de Rome, le P. Ventura entre autres, ne pensaient pas différemment. (Voir les lettres de l'abbé de la Mennais à de Coux, du 5 et du 27 avril 1832, dans les *Etudes*, t. CXXVII (1911), p. 78 et 80.) De la Mennais y disait ceci: "Nous sommes parfaitement sûrs qu'on ne nous condamnera point, parce que nous n'avons rien fait ni rien dit de condamnable. Il n'y a qu'une voix là-dessus, pour tout ce qui compte à Rome, bien que tous ne partagent pas nos vues politiques et que peu les comprennent."1. La date donnée est celle du cachet de la poste, à Montpellier.
2. Les deux lettres adressées de Rome par l'abbé de la Mennais à Emmanuel et à sa tante Rodier sont datées du 10 avril et encore conservées. Le Mémoire, dont il est ici question, fut rédigé par Lacordaire, signé par les trois pèlerins le 2 février 1832 et remis au cardinal Pacca, doyen du Sacré-Collège, qui le fit parvenir au pape Grégoire XVI. Il exposait d'une façon précise les théories de l'*Avenir*, mieux encore que ne l'avait fait ce journal en février 1831 dans un article, dont une copie fut en même temps remise au Souverain Pontife. (Voir Dudon, *Op. cit.*, p. 145-152.) Le Pape fit, le 25 février, prévenir l'abbé de la Mennais, par le cardinal Pacca, qu'il était mécontent de l'*Avenir* que l'examen des doctrines incriminées serait long et qu'il pouvait se retirer. L'abbé eut tort de s'obstiner à rester à Rome après son audience du 13 mars, alors que Lacordaire et Montalembert - quittèrent la Ville Eternelle, le premier définitivement, le second pour visiter le Sud de l'Italie.
L'abbé de la Mennais était dans l'illusion la plus complète; il songeait à reprendre le journal à l'automne prochain, ainsi que tout son programme d'action politique et religieuse, mais sur un plan encore plus étendu qu'auparavant. Ses deux amis, Montalembert et Lacordaire, étaient d'accord avec lui, et les intimes de Rome, le P. Ventura entre autres, ne pensaient pas différemment. (Voir les lettres de l'abbé de la Mennais à de Coux, du 5 et du 27 avril 1832, dans les *Etudes*, t. CXXVII (1911), p. 78 et 80.) De la Mennais y disait ceci: "Nous sommes parfaitement sûrs qu'on ne nous condamnera point, parce que nous n'avons rien fait ni rien dit de condamnable. Il n'y a qu'une voix là-dessus, pour tout ce qui compte à Rome, bien que tous ne partagent pas nos vues politiques et que peu les comprennent."
3. Clément Rodier, son cousin germain.