Vailhé, LETTRES, vol.1, p.311

15 may 1832 [Montpellier], ESGRIGNY Luglien de Jouenne
Informations générales
  • V1-311
  • 0+101|CI
  • Vailhé, LETTRES, vol.1, p.311
Informations détaillées
  • 1 AMITIE
    1 ILLUSIONS
    1 IMAGINATION
    1 SENTIMENTS
    2 DU LAC, JEAN-MELCHIOR
  • A MONSIEUR LUGLIEN DE JOUENNE D'ESGRIGNY.
  • ESGRIGNY Luglien de Jouenne
  • le 15 mai 1832.
  • 15 may 1832
  • [Montpellier],
  • Monsieur
    Monsieur Luglien de Jouenne d'Esgrigny,
    rue Duphot, n° 11.
    Paris.
La lettre

Quelque chose, mon cher Luglien, me dit que vous avez besoin de consolation. Ce que c’est, je l’ignore. Je ne sais pas davantage ce qui peut vous affliger. Je ne cherche pas à le savoir, mais je ne veux pas qu’il soit dit que je vous ai manqué, dès que j’ai eu le soupçon que vous pouviez avoir besoin de moi. Je souhaite que ma lettre, au lieu de vous trouver triste, vous prenne joyeux. Vous ne serez pas fâché que je me sois fait illusion. Que si quelque peine serre votre coeur, vous reconnaîtrez cette voix secrète qui m’a déjà fait, plus d’une fois, écrire à du Lac, lorsque, sans que je le susse, il avait besoin de mes paroles.

Mais de quoi voulez-vous que je vous entretienne? Je cède à une folle imagination en prenant la plume. Je vous apprends que vous êtes dans le souci, ce que vous ignoriez peut-être. Que voulez-vous que je vous dise, mon ami? Que je vous aime, que la seule pensée de ce qui vous intéresse me bouleverse depuis les pieds jusqu’à la tête, que je vous souhaite le bonheur, si tant est qu’on le trouve au milieu des hommes; que si vous avez quelques peines, c’est pour vous un devoir de me les confier; que si vous êtes heureux, vous êtes tenu, à moins de vouloir être un mauvais ami, de me l’apprendre sur-le-champ.

Oh! la folle, la folle que cette imagination! qui va, vent, monte, descend, se gonfle, crève, ferait tourner la tête à tomber sur le nez, si on suivait son dévergondage. Allons! Que je la calme un peu! Mon ami, vous ne me l’ôterez pas de l’esprit, quelque chose vous fait mal. Dites-le-moi, je vous en conjure. Votre peine vient-elle de Dieu ou des hommes? N’importe, dites-le-moi. Voyez, je n’ai pas le temps de vous écrire plus long. Je vous aime.

Emmanuel.
Notes et post-scriptum