Vailhé, LETTRES, vol.1, p.413

8 jun 1833 [Montpellier, LA_GOURNERIE Eugène
Informations générales
  • V1-413
  • 0+133|CXXXIII
  • Vailhé, LETTRES, vol.1, p.413
  • Orig.ms. ACR, AB 9.
Informations détaillées
  • 1 AMITIE
    1 ANEANTISSEMENT
    1 ANGES
    1 APATHIE SPIRITUELLE
    1 APOSTOLAT
    1 ASCESE
    1 CATHOLIQUE
    1 DETACHEMENT
    1 DIEU LE PERE
    1 DOCTRINES ROMAINES
    1 DOUTE
    1 DROITS DE DIEU
    1 EGOISME
    1 ENSEIGNEMENT PRIMAIRE
    1 ESPECE HUMAINE
    1 ESPRIT SACERDOTAL
    1 FAIBLESSES
    1 FAMILLE
    1 FATIGUE
    1 FOI
    1 INCARNATION MYSTIQUE
    1 MINISTERE SACERDOTAL
    1 MISERES DE LA TERRE
    1 ORDINATIONS
    1 ORDRES MINEURS
    1 PARENTS
    1 PATIENCE
    1 PEUPLES DU MONDE
    1 PRESSE
    1 PRETRE
    1 REFORME DE L'INTELLIGENCE
    1 RENONCEMENT
    1 REPOS SPIRITUEL
    1 SALUT DES AMES
    1 SOCIETE
    1 SOUS-DIACONAT
    1 TIEDEUR
    1 VERTU DE FORCE
    1 VIE DE PRIERE
  • A MONSIEUR EUGENE DE LA GOURNERIE (1).
  • LA_GOURNERIE Eugène
  • le 8 juin 1833.]
  • 8 jun 1833
  • [Montpellier,
  • Monsieur
    Monsieur Eugène de la Gournerie,
    rue Fénelon, hôtel de La Gournerie.
    Nantes
    Loire Inférieure.
La lettre

J’ai trop de plaisir à recevoir vos, aimables lettres, mon cher Eugène, pour ne pas me hâter de répondre à la dernière que je reçus de vous, voilà bientôt huit jours. Elle m’,arriva quelques heures après une cérémonie, à laquelle j’avais eu une part bien active: je veux parler de l’ordination de la Trinité, où j’ai reçu les quatre ordres mineurs. Encore un nouvel engagement, engagement fort léger, il est vrai, sous le rapport des obligations qu’il impose, mais qui me présente, sans aucun intermédiaire le terrible pas du sous-diaconat.

Priez pour moi, mon cher ami, je vous en conjure, parce que j’en ai le plus grand besoin. Bientôt je serai appelé à faire un pacte solennel avec Dieu. Je dis bientôt, car qu’est-ce qu’un ou deux ans pour se préparer à un fardeau qu’il faudra porter toujours?

Je vois tous les jours de nouvelles charges, de nouveaux travaux, de nouvelles fatigues, et je sens qu’un grand courage m’est nécessaire. Il faut même plus que du courage, aujourd’hui que tout ce qui nous entoure est si tiède, si froid, si glacé; il faut dans le coeur un feu immense pour soi et pour les autres; il faut des flammes pour réchauffer ces pauvres âmes, toutes transies depuis qu’elles se sont dérobées aux rayons du soleil de justice et de vérité; il faut une patience immense pour panser toutes les plaies, soigner toutes les maladies qui pullulent dans ce champ de toutes les misères qu’on appelle le monde; il faut la foi, il faut l’amour, il faut l’esprit de sacrifice; et où le trouverez-vous?

Partout des doutes, partout de l’égoïsme, partout le rétrécissement de toutes les idées généreuses. Le prêtre doit descendre comme un ange et souffler l’esprit de vie sur des ossements arides. Quelle tâche effrayante, mon cher Eugène, à qui, au lieu de force et de vigueur, ne sent au dedans de soi que faiblesse et accablement! Encore une fois, priez pour votre pauvre ami, qui aura tant à faire et qui ne trouve au dedans de lui rien sur quoi il puisse compter.

Et, cependant c’est une belle chose qu’une vie sacerdotale! Oh! oui, belle, bien belle et sublime. S’anéantir, se dépouiller de tout ce qui dans l’homme est souillé, corrompu; se revêtir de Jésus-Christ comme d’une armure de lumière et marcher au combat avec la certitude que la victoire restera à la cause que l’on défend, parce que c’est la cause de Dieu; se sentir appelé à rendre aux hommes le repos et le bien de l’intelligence qu’ils ont perdus, aux peuples le bien qui, leur manquant depuis [de] longues années, ne faisait plus d’eux que des agrégations mais non pas des sociétés; rappeler au genre humain qu’il n’est qu’une grande famille, dont Dieu est le Père: voilà certes une belle mission, et c’est celle qui est destinée à celui qui aura foi en son ministère, foi à l’imposition des mains et à l’esprit de Dieu qui lui est communiqué par cette imposition.

Je partage assez votre sentiment sur l’Avenir. A force de vouloir être catholiques, les rédacteurs de ce journal ont fini par ne plus l’être dans toute la rigueur du mot. J’ai reçu pendant trois mois la Tribune catholique, mais elle a fini par me paraître si faible que j’ai suspendu mon abonnement. Les doctrines me paraissaient bonnes, mais la manière dont elles étaient présentées m’a paru peu propice à la faire goûter. La Revue européenne me paraît s’appauvrir. Je ne vois pas grande harmonie entre ses rédacteurs: ainsi le projet de loi sur l’instruction primaire a été traité sous un point de vue fort opposé à ce qu’avaient dit le Correspondant et la revue elle-même. Rien ne nuit plus à l’effet d’un journal que ces fluctuations. Rien ne lui fait plus perdre un certain ascendant de conviction, nécessaire aujourd’hui plus que jamais pour porter la persuasion dans les esprits.

Je regrette, mon cher ami, de voir reculer encore le moment où j’aurai le plaisir de vous embrasser. Je désire que les intentions de vos parents aient le succès que vous méritez, puisque de là dépend votre bonheur. Adieu, mon bon Eugène. Ne m’oubliez pas, écrivez-moi. Je vous embrasse totis viribus.

Emmanuel.
Notes et post-scriptum
1. Reproduite en partie dans *Notes et Documents*, t. Ier, p., 285 sq. Le cachet de la poste porte: Montpellier, 8 juin 1833, alors que le manuscrit a, par erreur, la date du 8 juillet. En fait, l'abbé d'Alzon reçut les ordres mineurs à l'ordination de la Trinité, le samedi 1er juin.1. Reproduite en partie dans *Notes et Documents*, t. Ier, p., 285 sq. Le cachet de la poste porte: Montpellier, 8 juin 1833, alors que le manuscrit a, par erreur, la date du 8 juillet. En fait, l'abbé d'Alzon reçut les ordres mineurs à l'ordination de la Trinité, le samedi 1er juin.