Vailhé, LETTRES, vol.1, p.424

10 aug 1833 Lavagnac, LA_GOURNERIE Eugène
Informations générales
  • V1-424
  • 0+137|CXXXVII
  • Vailhé, LETTRES, vol.1, p.424
  • Orig.ms. ACR, AB 13.
Informations détaillées
  • 1 ACTES DU SAINT-SIEGE
    1 ECOLES
    1 ITALIENS
    1 JOIE
    1 LIVRES
    1 LOISIRS
    1 ORDINATIONS
    1 ORDRES SACRES
    1 PARENTS
    1 PRESSE
    1 REVOLUTIONNAIRES ADVERSAIRES
    1 ROYALISTES
    1 SEMINAIRES
    1 SOUVENIRS
    1 TRAVAIL DE L'ETUDE
    1 VACANCES
    1 VOYAGES
    2 ALZON, AUGUSTINE D'
    2 ASTROS, PAUL D'
    2 CARNE, LOUIS-JOSEPH
    2 CHAFFOY, CLAUDE-FRANCOIS DE
    2 CHAMPAGNY, FRANZ DE
    2 COMBALOT, THEODORE
    2 DU LAC, JEAN-MELCHIOR
    2 FORTIS, ALOYS
    2 GERBET, PHILIPPE-OLYMPE
    2 GREGOIRE XVI
    2 LAMENNAIS, FELICITE DE
    2 NAPOLEON Ier
    2 ROZAVEN, JEAN-LOUIS DE
    2 SALINIS, ANTOINE DE
    3 ARMORIQUE
    3 BRETAGNE
    3 JUILLY
    3 MONTPELLIER
    3 NANTES
    3 ROME
    3 RUSSIE
    3 SOLESMES
  • A MONSIEUR EUGENE DE LA GOURNERIE.
  • LA_GOURNERIE Eugène
  • 10 août 1833.
  • 10 aug 1833
  • Lavagnac,
  • Monsieur
    Monsieur Eugène de la Gournerie,
    rue Fénelon, hôtel de La Gournerie.
    Nantes
La lettre

Mon cher Eugène,

Il y a déjà un grand mois que je suis en vacances, et le temps qui va si vite ne me permettra pas, non plus, cette année de vous embrasser, à moins que je n’aille vous trouver dans votre Bretagne et vous emmener avec moi visiter le prieuré de Solesmes.

Cette idée n’est peut-être pas aussi inexécutable que vous pourriez le penser. Je vous dirai entre nous, mais absolument entre nous, que je ne pense guère retourner au Séminaire de Montpellier. Je ne me proposais d’y rester qu’un an, et j’y suis demeuré près d’un an et demi. J’y ai pris une partie de ce que j’y suis allé chercher, mais je suis à peu près convaincu de la nécessité de n’y plus retourner. Où irai-je? C’est ce que je cherche en ce moment. Peut-être à Solesmes, pour quelques années seulement, bien entendu.

Daubrée me presse beaucoup d’aller continuer mes études auprès de lui. Peut-être profiterai-je de l’invitation de M. de Salinis, qui m’a offert une retraite à Juilly. J’ai encore quelques établissements en vue, mais ce qui est le plus certain, c’est que je ne recommencerai pas une nouvelle année dans le Séminaire de Montpellier. Comme je veux tout faire avec poids et mesure, je prends des informations partout où je puis en trouver. On m’a parlé d’aller à Rome, où probablement, avant un an, je recevrais les ordres; mais je ne suis pas pressé de les recevoir encore. Mon évêque voudra m’employer, dès que je serai ordonné, et je sens la nécessité de me préparer longtemps encore par l’étude.

Il serait donc fort possible que je n’attendisse pas votre visite et que j’allasse le premier vous faire la mienne. Quelle joie ce me serait de vous revoir après trois longues années! Nous aurions bien des choses à nous dire. Je vous assure que je ferai tout ce qui dépendra de moi pour me rapprocher de votre Armorique, et, ou les choses changeront, ou je n’aurai pas de grands obstacles à lever pour faire une excursion jusqu’à Nantes.

J’ai reçu hier une lettre de du Lac: il m’y donne quelques détails intéressants sur la position du P. Rozaven(1), sur tout ce qu’il fait pour pousser le Pape à condamner l’abbé de la Mennais; et sur l’inutilité de ses efforts. Le bref de Grégoire XVI à l’archevêque de Toulouse ne saurait être considéré comme une condamnation. Les craintes que le Pape témoigne sont toutes naturelles. Le P. Rozaven a été jusqu’à lui faire croire que l’abbé de la Mennais fournissait les articles révolutionnaires imprimés dans les journaux italiens. Ce fait est parfaitement sûr. C’est le Pape lui-même qui l’a dit à un prêtre, arrive depuis peu de Rome et par qui j’avais connu l’existence du Bref, avant qu’il fût publié.

Je ne sais ce que fera maintenant M. de la Mennais. Il est certain qu’il ne saurait garder le silence. On dit qu’il a plusieurs ouvrages composés, sous ses yeux, qu’il ne fait point imprimer, afin d’ôter tout prétexte à ses adversaires, mais que si on le pousse trop il montrera les dents.

L’article du marquis de Cadore(2) sur l’ouvrage de Carné a, en effet, choqué les royalistes, et il y avait de quoi les froisser. J’ai été content de l’explication que vous m’avez donnée. Il serait fâcheux que la Revue européenne s’aliénât les royalistes, auxquels elle peut faire du bien.

Mes parents vous remercient de votre bon souvenir. Je vous assure que M. Combalot, qui n’est point directeur de ma soeur, a vendu la peau de l’ours avant de la tenir(3).

Adieu, mon cher Eugène. Je vous embrasse sur les deux joues.

Emmanuel.
Notes et post-scriptum
1. Rozaven, né à Quimper le 9 mars 1772, mort le 2 avril 1851. D'abord membre de la société du Sacré-Coeur et attaché au pensionnat de Kensington, en Angleterre, il entra chez les Jésuites le 28 mars 1804 et se livra en Russie aux travaux du ministère. Expulsé de ce pays en 1820, il se rendit à Rome pour l'élection du P. Fortis et fut nommé assistant de France, poste qu'il garda jusqu'à sa mort. Il attaqua la philosophie mennaisienne dans son ouvrage, *Examen d'un livre intitulé: Des doctrines philosophiques sur la certitude dans leurs rapports avec les fondements de la théologie par l'abbé Gerbet*, lequel parut à Avignon à la fin de 1831.
2. Il s'agit de Champagny, futur auteur des *Césars*, dont la famille portait, depuis Napoléon, le titre de Cadore.
3. D'après la lettre de La Gournerie, du 25 juillet, l'abbé Combalot se vantait tout haut de faire entrer Augustine d'Alzon chez les Bénédictines.