Vailhé, LETTRES, vol.1, p.427

16 aug 1833 [Lavagnac], ESGRIGNY Luglien de Jouenne
Informations générales
  • V1-427
  • 0+138|CXXXVIII
  • Vailhé, LETTRES, vol.1, p.427
  • Orig.ms. ACR, AB 14.
Informations détaillées
  • 1 AMITIE
    1 DIRECTION SPIRITUELLE
    1 INDIFFERENCE
    1 MAUX PRESENTS
    1 PARENTS
    1 PROGRAMME SCOLAIRE
    1 REFORME DU COEUR
    1 RETRAITE SPIRITUELLE
    1 SEMINAIRES
    1 SENSIBILITE
    1 SOLITUDE
    1 TRAVAIL DE L'ETUDE
    1 VOYAGES
    2 LAMENNAIS, FELICITE DE
    3 JUILLY
    3 LYON
    3 PARIS
    3 SUISSE
  • A MONSIEUR LUGLIEN DE JOUENNE D'ESGRIGNY.
  • ESGRIGNY Luglien de Jouenne
  • le 16 août 1833.
  • 16 aug 1833
  • [Lavagnac],
La lettre

Je viens de recevoir votre lettre du 12 et j’y réponds à l’instant même. Votre proposition me fait le plus grand plaisir, et je vais tâcher de la mettre à exécution. Un seul motif pourrait me retenir, la pensée de laisser mes parents seuls à la campagne. Si je vois une possibilité quelconque d’arranger les choses, je vous promets que je suis votre homme. Demain ou après-demain, vous aurez une réponse définitive.

Oui, la tête humaine est pleine de feux follets, et peut-être ce projet s’évaporera-t-il comme les autres. Cependant, j’espère. Ma lettre vous arrivera le 21 ou le 22. Nous aurions le mois de septembre en entier et plus, car nous pourrions sans inconvénient prendre sur le mois d’octobre. Un voyage en Suisse me, plairait infiniment. Nous pourrions nous donner rendez-vous à Lyon ou ailleurs. Je vous répète, je n’ai qu’à voir si mon départ n’ennuierait pas trop mes parents; et si je vois surtout la possibilité de les retrouver plus tard à Paris, je vous assure que je suis votre compagnon.

Vous avez grandement raison de dire que mon coeur a besoin de vous. La lettre que vous trouverez jointe à celle-ci vous le prouvera bien; elle reposait depuis plusieurs jours et n’attendait que son adresse pour partir(1). Bon ami, qu’il me serait agréable de vous voir à mon aise, avant de retourner dans quelque retraite, j’ignore laquelle! Je prie Dieu qu’il me donne cette consolation. Je serais curieux de savoir ce qu’il y a de plus en vous depuis plus de trois ans. La séparation a été assez longue, n’est-ce pas? Il est bien permis de se donner un mois.

Ce que vous me dites des Séminaires me fait voir que vous devinez juste, car vous pouvez bien penser qu’au fond je suis depuis longtemps de votre avis. Mes idées à cet égard sont depuis longtemps arrêtées, et l’atmosphère du Séminaire, quelque ténébreuse qu’elle soit, ne m’a point empêché de faire mes observations sur tout ce qui s’y passe. Je vois avec plaisir que vous avez jugé parfaitement comme moi les divers endroits, où je pourrais aller continuer mes études. Il y a quelques considérations qui n’ont pu vous venir à la pensée, mais à part ce, je suis heureux de me rencontrer de votre sentiment.

En résumé, je pense que si les détails que j’ai fait demander sur Juilly sont satisfaisants, ce sera dans cette dernière maison que je me fixerai. A proprement parler, je ne sens pas trop le besoin d’être sans cesse sous les yeux d’un homme qui me dirige(2); non que je n’aie aucun besoin de conseils, mais parce que je crois connaître le genre de travail auquel je suis destiné, et parce que je me suis tracé un plan d’études analogue à la carrière que je me propose de suivre. Le grand mal du temps, ou, au moins, un des grands maux de l’époque, c’est le défaut de foi parmi les hommes. Ce serait donc à rendre la foi aux hommes que je voudrais me consacrer. Un pareil but exige certaines études, de la retraite et cependant le commerce des hommes. Juilly, à cause de sa proximité de Paris, m’offre, ce me semble, de grands avantages.

Adieu. J’espère vous écrire plus longuement dans deux jours, peut-être même demain. Je vous aime comme vous savez.

Emmanuel.
Notes et post-scriptum
1. Il s'agit ici de la lettre du 9 août qui, par suite de son voyage à Brive, n'arriva à Paris que le 24 du même mois.
2. Ce passage vise l'abbé de la Mennais.