Vailhé, LETTRES, vol.1, p.462

19 dec 1833 [Rome, ALZON_VICOMTE
Informations générales
  • V1-462
  • 0+150|CL
  • Vailhé, LETTRES, vol.1, p.462
  • Orig.ms. ACR, AB 26.
Informations détaillées
  • 1 ADOLESCENTS
    1 ALLEMANDS
    1 ANGLAIS
    1 AVERSION
    1 CLERGE FRANCAIS
    1 COLLEGES
    1 COUVENT
    1 DOMESTIQUES
    1 ENSEIGNEMENT DE L'ELOQUENCE SACREE
    1 ENSEIGNEMENT DE LA DANSE
    1 EPISCOPAT
    1 ETRANGER
    1 ETUDIANTS EN THEOLOGIE
    1 GALLICANISME
    1 IRLANDAIS
    1 ITALIENS
    1 JESUS-CHRIST
    1 MORALE
    1 PARENTE
    1 PATRIE
    1 PRESSE
    1 REFORME DE L'INTELLIGENCE
    1 REPOS
    1 RESIDENCES
    1 REVOLTE
    1 REVOLUTION
    1 SAINTS
    1 SEMINAIRES
    1 SEVERITE
    1 THEOLOGIENS
    1 ULTRAMONTANISME
    1 UNITE CATHOLIQUE
    1 VOYAGES
    2 ALZON, EDMOND D'
    2 ALZON, MADAME HENRI D'
    2 BAUTAIN, LOUIS
    2 BERNIS, ADOLPHE DE
    2 BERNIS DE
    2 BERNIS, HIPPOLYTE DE
    2 BOYER, PIERRE-DENIS
    2 COMBALOT, THEODORE
    2 CRISPINE, SERVANTE
    2 DREUX-BREZE, PIERRE-SIMON DE
    2 DUDON, PAUL
    2 ESCAN, ANTOINE
    2 FRANCOIS, LAVAGNAC
    2 GABRIEL, JEAN-LOUIS
    2 GREGOIRE XVI
    2 LAMENNAIS, FELICITE DE
    2 LESQUEN, CHARLES-LOUIS DE
    2 LESTANG, FAMILLE D'ALZON DE
    2 MICARA, LODOVICO
    2 MOLIERE
    2 MOLLEVILLE, HENRY DE
    2 MONTPELLIER THEODORE-JOSEPH DE
    2 QUELEN, HYACINTHE DE
    2 RAPHAEL SANZIO
    2 RODIER, MADAME JEAN-ANTOINE
    2 ROZAVEN, JEAN-LOUIS DE
    2 SALINIS, ANTOINE DE
    2 TOGNI, LUIGI
    2 VENTURA, GIOACCHINO
    3 BELGIQUE
    3 FLORENCE
    3 FRANCE
    3 JUILLY
    3 LESTANG
    3 MARSEILLE
    3 MILAN
    3 MODENE
    3 MONTPELLIER
    3 PARIS
    3 POLOGNE
    3 ROME
    3 ROME, COLLEGE DES NOBLES
    3 ROME, COLLEGE ROMAIN
    3 SAINT-PONS-DE-MAUCHIENS
  • A SON PERE.
  • ALZON_VICOMTE
  • le 19 décembre 1833].
  • 19 dec 1833
  • [Rome,
  • Monsieur
    Monsieur le vicomte Henry d'Alzon,
    au château de Lavagnac,
    par Montagnac
    département de l'Hérault.
    France.
La lettre

J’ai reçu ce soir, mon cher petit père, votre lettre du 6 décembre. Elle a mis à venir un peu moins de temps que la première; cependant, c’est encore quatre jours de plus que les lettres n’en mettent ordinairement. J’espère que la prochaine fois, je n’aurai plus à me plaindre des délais de la poste.

Je ne pense pas que M. de Bernis doive bientôt arriver. Probablement, il fera comme tous les voyageurs: il s’arrêtera soit à Florence, soit à Milan, en sorte que, s’il est ici dans un mois, il se sera hâté. M. de Molleville, qui est arrivé ici depuis quelques jours seulement, a beaucoup [regretté] de ne pouvoir s’arrêter à Florence plus de temps qu’il ne l’a fait. Du reste, je reverrai avec bien du plaisir Hippolyte et Adolphe.

Je vous assure que vous n’avez pas besoin de me dire de chercher ce que j’aurais de mieux à choisir pour mon logement. Je suis, je vous l’avoue, fort embarrassé. D’abord, il n’y a point à Rome de Séminaire, à proprement parler. S’il y en a, ce ne sont que pour les étrangers, par exemple le Séminaire des Allemands, celui des Irlandais, celui des Anglais; mais on n’y reçoit que des jeunes gens du pays qui donne son nom à la maison. Le Collège des nobles est un véritable collège. MM. de Brézé et de Montpellier y sont tout à fait à part. J’y serais reçu par faveur; mais alors je dois renoncer à tout rapport avec tout ce qui touche à M. de la [Mennais]. Je n’approuve pas plus qu’un autre sa lettre au Saint-Père; mais vous ne vous faites pas une idée de la manière dont certaines personnes font des nouvelles, et j’aurais trop de rapports avec ces personnes-là au Collège des nobles(1). Une personne, qui n’a aucune relation avec cette maison mais qui criait contre la conduite de M. de la Mennais autant que possible, me disait: « Il faut avouer qu’en bonne théologie il n’y a rien de condamnable. On ne doit voir là qu’une exaspération coupable peut-être, mais que certaines personnes, ont provoquée par des procédés révoltants. » Comme je vous disais tout à l’heure, on fait les nouvelles à plaisir. On m’avait dit que l’abbé C[ombalot] avait été interdit, et vous m’apprenez que l’archevêque de Paris lui a écrit une [lettre]. M. Boyer, que j’avais vu à Marseille, m’avait assuré que le P. Ventura était exilé à Modène pour avoir voulu défendre M. de la Mennais, et M. Gabriel a vu le P. Ventura hier. Celui-ci l’a assuré que jamais il n’avait été en disgrâce, qu’il était allé à Modène pour se reposer, qu’il devait avoir aujourd’hui une audience du Pape. Le P. V[entura] désapprouve la lettre de M. de la Mennais, mais, comme le cardinal Micara, il pense qu’on aurait dû se contenter de la première. J’ai écrit, il y a quelques jours, une lettre pleine des détails à ma tante Rodier. Vous pouvez la lui demander, car j’ai vraiment peu de temps à moi et j’ai bien des choses à vous dire.

Les Jésuites se sont déclarés contre l’abbé de la Mennais avec une virulence dont on ne se fait pas idée. Ils semblent avoir pris à tâche de critiquer tout développement: la théologie, aussi étroite que possible; d’idée de développement; aucune. J’ai été, à temps pour entendre le discours d’ouverture du Collège Romain, dirigé par eux. En voici l’analyse qui vous étonnera peut-être. (L’auditoire se composait de théologiens et des élèves des basses classes.) « A propos d’éloquence, je vais vous parler de peinture; et, à propos de peinture, de Raphaël, dont on a trouvé le corps il y a quelques mois. Première partie: examen des vices.et des vertus de Raphaël. Seconde partie: examen des ouvrages de Raphaël. Péroraison: rapports de la peinture et de l’éloquence », assez bien calquée sur la scène du Bourgeois gentilhomme, où le maître de danse prouve que tous les hommes d’Etat devraient savoir la danse, parce qu’alors ils ne feraient jamais de faux pas.

Comparez un pareil discours avec ceux que M. de Salinis prononce à Juilly, à la distribution des prix, et vous comprendrez sans peine de quel côté est l’avenir de la religion. Les Jésuites sont détestés ici cordialement. Cependant, je crois que les préventions sont souvent injustes. En particulier, les Jésuites comptent dans leur corps de très saints personnages; mais je crois le corps lancé dans une mauvaise direction. Tout ce qui vient de France est mauvais. Vous me connaissez assez Romain pour ne pas me croire défenseur exagéré des droits des évêques. Vous ne sauriez vous faire une idée de ce que j’ai entendu sur le compte de l’épiscopat français dans la bouche de personnes formées par le P. Rozaven. Etait-ce lui qui leur avait inspiré de pareils sentiments? Ce que je sais, c’est qu’on m’en parlait relativement à la manière dont les Jésuites étaient peu accueillis par les évêques français. S’il faut les en croire, les Jésuites ont la mission de maintenir l’unité de morale, dont la sévérité varierait sans eux selon le bon plaisir de chaque évêque. Je ne savais pas cependant que Jésus-Christ eût dit aux autres qu’aux évêques: « Allez et enseignez », et qu’il eût chargé les Jésuites de les faire marcher dans la même ligne(2). Du reste, tout ce qui n’est pas pour eux est contre eux. Bautain, la Revue européenne, laGazette de France, en un mot à peu près tous les journaux sont frappés d’anathème.

Jugez si je puis avoir quelque agrément à vivre dans une maison dirigée par eux! Ils ont dégallicanisé M. de Brézé, mais lui ont té le peu d’idées qu’il pouvait avoir. Je vois avec douleur que ce jeune homme, imbu de préventions contre tout le clergé de France, ne fera aucun bien quand il retournera dans sa patrie, alors qu’il eût pu en faire beaucoup. J’espère que, dans ce que je vous écris, vous verrez ce qui est entre nous. Je suis entré dans certains détails qu’il est inutile de répéter, mais dont il était bon que vous fussiez instruit à cause de moi.

Je suis dans ce moment passablement bien dans un couvent de Minimes. Je ne puis espérer d’être mieux, a moins d’aller au Collège des nobles, où je serais mieux sous certains rapports, mais où sous d’autres je serais beaucoup plus mal qu’au Séminaire de Montpellier.

21 décembre.

Comme j’avais pris les devants pour vous écrire, je ne voulus pas avant-hier remplir tout le papier, pensant bien que j’aurais encore aujourd’hui quelque chose de nouveau à vous conter. En effet, j’allai hier voir le P. Ventura. Il avait eu la veille l’audience du Pape, que je vous avais annoncée avant-hier. Il resta une heure et demie avec le Saint-Père, dont il paraissait content. Cependant, il ne me dit rien du sujet de leur conférence; mais il me parla d’un entretien qu’il avait eu avec le P. Torgni ou Torni(3), théologien du Pape, qui l’avait assuré que l’abbé de la Mennais, ne serait pas condamné, qu’il n’y avait rien dans ses doctrines qui fût condamnable. Je ne crois pas me tromper en disant que les Jésuites ont bien des reproches à se faire. C’e n’est pas impunément que M. de la Mennais a pu parler de leur insuffisance pour l’époque actuelle. Un second motif qui dispose ici mal les esprits contre les doctrines de l’Avenir, c’est que la révolution italienne, qui avait de si grands rapports avec les autres révolutions, se déclara au moment où ce journal soutenait celles de Pologne et de Belgique.

Ce que je vous dis d’un peu trop vif sur les Jésuites est entre nous. Je me garde bien de manifester trop haut ma façon de penser: elle serait mal interprétée et l’on irait au delà de ma pensée.

Je pense qu’avant que vous ayez reçu cette lettre, l’année 1834 aura commencé. Je souhaite que nous puissions en passer une partie réunis. J’ai eu quelque idée de rester l’année prochaine tout entière à Rome; j’en ai même écrit à ma mère, mais ce n’est encore qu’une idée. Je vous prie d’offrir mes voeux de bonne année à nos parents de Lestang. J’écrirai à Edmond incessamment. Offrez-les aussi à MM. les curés qui vous parleront de moi, en particulier à celui de Saint-Pons. Parlez de moi à Crispine. Je regrette de n’avoir pas François ici. Sa dépense n’eût été presque rien, et il m’eût été fort commode.

Adieu, mon cher petit père. Je vous embrasse bien tendrement.

Emmanuel.
Notes et post-scriptum
1. Le Pape Grégoire XVI n'avait pas trouvé satisfaisantes les explications données par La Mennais, dans sa lettre du 4 août 1833, et, par le Bref du 5 octobre 1833 à Mgr. de Lesquen, évêque de Rennes, il exigea une adhésion pure et simple aux doctrines de l'Encyclique *Mirari vos* et des autres documents pontificaux qui l'avaient suivie. L'abbé Féli qui, au reçu du Bref, s'était transporté à Paris, répondit de là, le 5 novembre 1833, au Saint-Père, établissant une distinction entre le domaine spirituel et le domaine temporel et déclarant nettement que: "Si, dans l'ordre religieux, le chrétien ne sait qu'écouter et obéir, il demeure, à l'égard de la puissance spirituelle, entièrement libre de ses opinions. de ses paroles et de ses actes dans l'ordre purement temporel." Tout en se déclarant soumis sans réserve aux actes émanés du Saint-Siège, il se gardait bien de préciser ce qu'ils contenaient de relatif à l'ordre spirituel ou à' l'ordre temporel. Sur cette affaire, voir Dudon, *op. cit.*, p. 269-283, qui a publié, P. 408 sq., le texte des diverses pièces. C'est de la lettre de La Mennais au Pape, du 5 novembre, qu'Emmanuel d'Alzon parle à son père. Mais, depuis lors, le philosophe breton avait adhéré sans condition aux doctrines de l'Encyclique et des autres documents pontificaux.1. Le Pape Grégoire XVI n'avait pas trouvé satisfaisantes les explications données par La Mennais, dans sa lettre du 4 août 1833, et, par le Bref du 5 octobre 1833 à Mgr. de Lesquen, évêque de Rennes, il exigea une adhésion pure et simple aux doctrines de l'Encyclique *Mirari vos* et des autres documents pontificaux qui l'avaient suivie. L'abbé Féli qui, au reçu du Bref, s'était transporté à Paris, répondit de là, le 5 novembre 1833, au Saint-Père, établissant une distinction entre le domaine spirituel et le domaine temporel et déclarant nettement que: "Si, dans l'ordre religieux, le chrétien ne sait qu'écouter et obéir, il demeure, à l'égard de la puissance spirituelle, entièrement libre de ses opinions. de ses paroles et de ses actes dans l'ordre purement temporel." Tout en se déclarant soumis sans réserve aux actes émanés du Saint-Siège, il se gardait bien de préciser ce qu'ils contenaient de relatif à l'ordre spirituel ou à' l'ordre temporel. Sur cette affaire, voir Dudon, *op. cit.*, p. 269-283, qui a publié, P. 408 sq., le texte des diverses pièces. C'est de la lettre de La Mennais au Pape, du 5 novembre, qu'Emmanuel d'Alzon parle à son père. Mais, depuis lors, le philosophe breton avait adhéré sans condition aux doctrines de l'Encyclique et des autres documents pontificaux.
2. Il faut noter, une fois pour toutes, qu'ici, comme en plusieurs endroits du reste, l'abbé d'Alzon se fait au sujet des Jésuites l'écho des bruits que lui répétaient les divers religieux avec lesquels il était en relations suivies: Minimes, Capucins, Dominicains, Théatins et Carmes; de plus, il voulait obtenir de ne pas loger chez eux.
3. Il doit s'agir du célèbre P. Togni, Supérieur général des Camilliens, alors consulteur du Saint-Office et de plusieurs- autres Congrégations.