Vailhé, LETTRES, vol.1, p.488

17 jan 1834 Rome, ALZON_VICOMTE
Informations générales
  • V1-488
  • 0+156|CLVI
  • Vailhé, LETTRES, vol.1, p.488
Informations détaillées
  • 1 ANIMAUX
    1 BESTIAUX
    1 DOCTRINE CATHOLIQUE
    1 FATIGUE
    1 LIVRES
    1 LOISIRS
    1 MALADIES
    1 POLITIQUE
    1 REMEDES
    1 REPOS
    1 SANTE
    1 THEOLOGIE
    1 TRAVAIL DE L'ETUDE
    1 VACANCES
    1 VOYAGES
    2 ALZON, MADAME HENRI D'
    2 DE POTTER, LOUIS
    2 DREUX-BREZE, PIERRE-SIMON DE
    2 ESQUIROL, DOCTEUR
    2 GABRIEL, JEAN-LOUIS
    2 GREGOIRE XVI
    2 LAMENNAIS, FELICITE DE
    2 LESQUEN, CHARLES-LOUIS DE
    2 LIRON D'AIROLLES, DANIEL-XAVIER
    2 MICARA, LODOVICO
    2 MONTPELLIER THEODORE-JOSEPH DE
    2 OLIVIERI, MAURIZIO
    2 REBOUL, ELEUTHERE
    2 ROZAVEN, JEAN-LOUIS DE
    2 VERNIERES, JACQUES
    3 BELGIQUE
    3 FLORENCE
    3 ITALIE
    3 MILAN
    3 MONTPELLIER
    3 NAPLES
    3 PARIS
    3 ROME
    3 SICILE
  • A SON PERE (1).
  • ALZON_VICOMTE
  • le 17 janvier 1834.
  • 17 jan 1834
  • Rome,
  • Monsieur
    Monsieur le Vicomte Henry d'Alzon,
    au château de Lavagnac, par Montagnac.
    département de l'Hérault.
    France, par Antibes.
La lettre

Je vous écris, mon cher petit père un peu économiquement. J’ai beaucoup de demi-feuilles de papier; je les ploie en deux pour pouvoir les employer. Voilà pourquoi, je donne à cette lettre un autre petit format, quoique je me propose bien de vous écrire assez longuement. Depuis ma dernière lettre j’ai su que les bruits que l’on faisait courir à Rome étaient heureusement entièrement faux et que Paris était parfaitement tranquille. C’est un point de repos pour moi, comme vous pouvez bien penser. J’ai reçu des lettres de ma mère, qui ne me parlait point du tout de ce qui se passait en fait de politique à Paris. D’un autre côté, je n’ai pas appris que le moindre indice fît craindre quoi que ce soit. Ainsi, je vois avec plaisir que le retard du courrier occasionné par le mauvais temps avait seul causé cette fausse nouvelle.

Puisque vous voulez des nouvelles de ma santé, en voici. J’ai quelque peine à me faire au climat de Rome. Je ne suis pas malade, mais je ne puis guère travailler sans être fatigué. J’ai pris le parti de prendre beaucoup de distractions, ce qui me réussit assez bien. M. Esquirol, médecin français, avec qui j’ai fait connaissance parce que nous nous sommes rencontrés plusieurs fois, m’a engagé à faire un voyage. M. Gabriel devait aller passer dix à douze jours à Naples, à cause d’Eleuthère Reboul qui se trouve dans le même cas que moi. Je pense profiter de cette occasion, d’autant plus que je ne perdrai que fort peu de temps, les cours de théologie étant en vacances pendant une quinzaine de jours à l’époque du carnaval. J’ai vu ce soir le P. Rozaven, qui m’a dit que, dans sa jeunesse, il était venu à Rome et qu’il avait été malade tout le temps qu’il y était resté, mais que plus tard, y étant retourné, il s’y était porté à merveille. D’un autre côté, je vois M. de Brézé et M. de Montpellier, qui se sont très bien portés et qui ne se sont pas du tout aperçus de la différence du climat de Paris ou de Belgique avec celui de Rome. Je vous promets de prendre toutes les précautions possibles, pour n’être pas incommodé. Je ne travaillerai pas trop dans les commencements et je laisserai mes livres plus d’une fois pour faire un tour de promenade, car tout le monde s’accorde à dire que l’exercice est le meilleur remède pour la santé. D’un autre côté, je suis forcé de convenir que je me trouve si bien de mon voyage sous mille rapports, que ce serait avec une vive peine que je l’abrégerais. Peut-être me résoudrai-je à revenir l’année prochaine, sauf à y retourner plus tard. et alors je renoncerai à ma première idée d’y passer deux ans de suite et pas davantage. Je vous prie dans tous les cas de vous entendre avec M. Vernière sur les moyens d’avoir mes dimissoires, quoique je ne sache pas si j’en aurai besoin avant peu. Je m’aperçois qu’il est toujours bon de les avoir en poche et suis sûr que mon oncle d’Ayrolles me les obtiendra fort aisément.

Je ne sais si je vous ai parlé de tout ce que j’ai entendu dire sur le compte de l’abbé de la Mennais. Il est certaines choses qu’on ne peut écrire, mais soyez assuré que l’on peut être parfaitement tranquille sur le compte de ses opinions. C’est une affaire purement, uniquement politique. Le cardinal Micara, qui a causé avec beaucoup de bonté avec moi, m’a dit à ce sujet des choses incroyables et qui mettent la conscience parfaitement en sûreté, malgré les soupçons que d’autres personnes peuvent chercher à donner sur ce point. Je vous prie de me dire si, à Montpellier, l’effet du bref du Pape(2) a été détruit par la soumission de l’abbé de la Mennais. Il y a des personnes qui ont cru devoir faire de grandes protestations. Ces protestations, à mon avis, ont montré leur bonne foi peut-être, mais non pas leur esprit. Il ne s’agissait pas d’un abandon de doctrines, mais d’une soumission à un exposé de principes qui ne contrariaient pas les doctrines en question. Le P. Olivieri me disait encore hier: « Que l’effet voulu par l’abbé de la Mennais eût été produit, malgré les contradictions qu’il avait éprouvées, c’était un fait incontestable. » Quand nous serons réunis, je vous donnerai une foule de détails qui vous intéresseront, mais que je ne puis vous écrire.

Quoique l’abbé Gabriel fût au commencement dégoûté de Rome, il trouve aujourd’hui tant d’avantages dans le séjour de cette ville qu’il regrette de s’être chargé d’Eleuthère Reboul. Il y serait resté deux ans comme moi. Il n’est pas dit qu’il n’y retourne pas. Vous savez comme il est avec ses projets changeants. Il partira de Rome avec l’intention d’y revenir, et puis n’y reviendra pas. Je lui ai donné le conseil d’y rester cette année aussi longtemps qu’il pourra, parce qu’il serait bien possible qu’il n’y revînt pas une autre fois; c’est ce qui pourrait fort bien lui arriver.

Pour moi, si je puis rester ici mes deux ans, j’ai arrangé un voyage en Sicile avec M. de Brézé. Pendant ce voyage, nous pourrons voir une partie de l’Italie, et ce serait fort agréable, parce que plus tard je pourrais revenir par Florence et Milan. Je vous fais part de tous mes projets, mon cher père, dans la supposition que ma santé me permette de les exécuter, car vous pouvez croire que mon intention est de me soigner. Vous voyez cependant que mes maux ne sont pas bien graves, puisqu’on me défend les remèdes et que l’on ne me commande que la distraction. Aussi puis-je vous promettre de mettre les ordonnances en pratique. On apprend tant de choses en courant que ce serait péché que de ne pas en profiter. C’est le parti que j’ai pris: beaucoup courir, ne pas faire grand-chose sur les livres et voir beaucoup les personnes dont la conversation vaut des livres.

Avez-vous profité de mon conseil et fait planter des pins parasols sur le causse? Ils ne peuvent manquer d’y produire le même effet qu’ici, et je suis persuadé que vous serez avant peu enchanté de l’idée que je vous donne là. Je ne comprends pas les Romains de ne pas mieux profiter des plaines immenses qu’ils ont autour d’eux. A peine y découvre-t-on de demi-lieue en demi-lieue quelques troupeaux de vaches ou de buffles. Voilà tout.

Adieu, cher petit père. Je vous écrirai de Naples. Je vous embrasse bien tendrement.

Emmanuel.
Notes et post-scriptum
1. Voir des extraits dans *Notes et Documents*, t. Ier, p. 402.
2. Il s'agit du bref de Grégoire XVI à Mgr de Lesquen, du 5 octobre 1833, non de celui du 28 décembre 1833 adressé à La Mennais lui-même et que le jeune d'Alzon ne connaissait pas encore. Le Pape, s'y plaignit en particulier de la réponse de La Mennais à Potter, qui avait paru dans le *Journal de La Haye*, du 22 février 1833.2. Il s'agit du bref de Grégoire XVI à Mgr de Lesquen, du 5 octobre 1833, non de celui du 28 décembre 1833 adressé à La Mennais lui-même et que le jeune d'Alzon ne connaissait pas encore. Le Pape, s'y plaignit en particulier de la réponse de La Mennais à Potter, qui avait paru dans le *Journal de La Haye*, du 22 février 1833.