Vailhé, LETTRES, vol.1, p.499

14 feb 1834 Rome, ALZON_VICOMTE
Informations générales
  • V1-499
  • 0+159|CLIX
  • Vailhé, LETTRES, vol.1, p.499
Informations détaillées
  • 1 ANIMAUX
    1 CAREME
    1 CLERGE
    1 COUVENT
    1 CURES D'EAUX
    1 DEPENSES
    1 FAMILLE
    1 ITALIENS
    1 LANGUE
    1 LIVRES
    1 MAISONS DE CAMPAGNE
    1 MALADES
    1 MALADIES
    1 MONASTERE
    1 PARENTE
    1 PHILOSOPHIE CHRETIENNE
    1 REPAS
    1 SANTE
    1 SOUCIS D'ARGENT
    1 THEOLOGIE
    1 TRANSPORTS
    1 TRAVAIL DE L'ETUDE
    1 VETEMENT
    1 VOYAGES
    2 ALZON, AUGUSTINE D'
    2 BERNIS, HIPPOLYTE DE
    2 BERNIS, MADAME DE
    2 CALMETTE, MADAME
    2 ESQUIROL, DOCTEUR
    2 GABRIEL, JEAN-LOUIS
    2 GACHE
    2 GARRONI, BENEDICTIN
    2 GREGOIRE XVI
    2 LAMENNAIS, FELICITE DE
    2 LUDOLF, DE
    2 MAC CARTHY, CHARLES
    2 MELLO, MADAME DE
    2 MOLLEVILLE, HENRY DE
    2 RODIER, MADAME JEAN-ANTOINE
    2 VENTURA, GIOACCHINO
    2 VERNIERES, JACQUES
    3 ANGLETERRE
    3 ANTIBES
    3 FRANCE
    3 LYON
    3 MONT CASSIN
    3 NAPLES
    3 PONT DE BEAUVOISIN
    3 ROME
    3 ROME, COLLEGE DES NOBLES
  • A SON PERE (1).
  • ALZON_VICOMTE
  • mercredi des cendres [14 février 1834].
  • 14 feb 1834
  • Rome,
  • Monsieur
    Monsieur le vicomte Henry d'Alzon,
    au château de Lavagnac, par Montagnac,
    département de l'Hérault.
    Par Antibes. France.
La lettre

Je suis arrivé hier de Naples, mon cher petit père. J’ai trouvé ici quatre lettres de vous. Je ne saurais vous dire le plaisir qu’elles m’ont fait, quoique j’eusse bien envie de vous gronder un peu sur l’alarme que vous prenez à l’occasion de ma santé. Je vous ai dit les choses comme elles étaient, et si vous n’aviez pas cru que je ne disais pas tout, vous n’eussiez pas été fort effrayé. Je pense que le bon état dans lequel je me trouve par suite de mon excursion se prolongera. Dans ce cas, vous n’aurez plus rien à craindre. Le parti que j’ai pris de dîner à midi et de ne presque rien manger le soir, parti auquel m’oblige le Carême et qui est le système le meilleur pour Rome, me permettra, je pense, de continuer. Cependant, avant d’être accoutumé, je vous promets de ne pas trop travailler. Il faut que quelqu’une de mes lettres se soit égarée, car j’ai la presque certitude de vous avoir écrit que je ne mangeais pas au couvent, où l’on fait toujours maigre, mais chez un Français qui loge quelques prêtres. Nous mangeons seuls avec M. de Molleville, qui a fait avec nous l’excursion de Naples. C’est un bon jeune homme, qui est bien sourd. Quant à M. Mac-Carthy, ce n’est point celui dont vous avez entendu parler: le mien a toute sa famille en Angleterre, quoiqu’il soit allié de loin aux Mac-Carthy de France.

Je veux répondre à tous les articles de vos différentes lettres, ce qui mettra un peu de confusion dans celle-ci. J’ai, je l’avoue, quelques préventions contre le Collège des nobles, préventions que n’ont point fait disparaître certains procédés de quelques personnes à mon égard. Je vous les conterai un jour. A présent, ce serait trop long. Pour me résigner à cette démarche, j’aurais besoin d’un courage que je ne me sens pas. Il faudrait, de plus, que les choses en fussent au point où vous les croyez, et malheureusement elles n’en sont pas là.

Vous me dites que je dois savoir les projets de l’abbé Gabriel. Bien habile qui les sait! Il ne les sait pas lui-même. Ceci est au pied de la lettre. Je lui en ai vu former et déformer plus de trente, sans exagérer. Vous me parlez d’une lettre qu’Augustine a dû m’écrire en italien. Je n’ai point reçu cette lettre. Voilà qui me vexe un peu. J’ai deviné par d’autres passages soit de vos lettres, soit de celles d’Augustine, que ce n’est pas la seule qui me manque. Je ne sais si je serais capable d’écrire en italien, mais je me fais très bien comprendre des personnes avec lesquelles je parle, surtout sur les sujets théologiques ou philosophiques, parce que je lis surtout des ouvrages sérieux et que c’est là que j’apprends. Je vous avouerai même que, des quatre que nous sommes en comptant M. de Molleville, c’est moi qui suis l’ambassadeur comme me faisant le mieux comprendre. Je prendrais même l’accent, si je le voulais, mais c’est chose dont je me soucie peu, et pour cause.

Faites savoir à Calmette que j’ai été très peiné de ses chutes et que je la supplie, pour l’amour de moi, d’être un peu plus docile aux conseils qu’on lui donne. Je vous prie aussi, quand vous en aurez l’occasion, de dire quelque chose de poli de ma part à M. Gache. Je suis allé porter mes lettres chez M. de Ludolf, parce que j’en avais besoin pour obtenir la permission d’aller au Mont-Cassin. J’avais en effet besoin de cette permission, et il me l’accorda. Je suis ravi du Mont-Cassin. Ce monastère n’est pas gothique, il est vrai, mais il est immense, placé sur une montagne très élevée. Nous y fûmes reçus à merveille par un certain P. Garroni, qui est bien le meilleur des hommes. Je crois vous avoir écrit de Naples combien j’étais content de mon voyage, mais je ne puis entrer dans les détails; ce sera pour quand nous nous reverrons.

J’ai aperçu Hippolyte et Mme de Bernis en voiture à Naples, mais j’avais tant à courir du matin au soir que je n’ai pas eu le temps de les chercher. Je profiterai du conseil que vous m’avez donné et j’écrirai à Hippolyte, poste restante. Un prélat romain a offert à M. Gabriel une chambre à sa maison de campagne pour l’été. Peut-être en profiterai-je. En été, tout le monde à Rome cherche les endroits frais, et si je puis trouver quelque commodité de ce genre, j’en profiterai. Ceci entre nous; il ne faut pas vendre la peau de l’ours vivant.

Le voyage de Naples m’a forcé à quelques dépenses, comme vous pensez bien. Aussi vous prierai-je de me faire passer de l’argent le plus tôt que vous pourrez, quoique je ne suis pas pressé, M. Gabriel ayant à sa disposition une somme assez considérable. Vous comprendrez cependant que je ne voudrais pas être son débiteur. Si mes lettres vous arrivent plus tôt, c’est que j’aurai désormais la précaution de vous les adresser par Antibes. Elles passaient quelquefois par le Pont de Beauvoisin et Lyon, ce qui allongeait le chemin pour rien. Quelquefois, il m’arrive d’écrire un jour à l’avance, quand je prévois que je n’aurai pas le temps le jour du courrier. Rassurez-vous sur le compte de ma pelisse. Je ne la mets que quand j’ai froid. J’ai été obligé de me faire faire un manteau qui m’était indispensable, mais ma pelisse m’est bien utile. Imaginez-vous que depuis plusieurs jours il gèle à Rome.

J’ai lu une lettre de l’abbé de la Mennais qui paraît bien abattu(2). Le Pape cependant traite fort bien le P. Ventura et lui a permis d’imprimer un livre, dont le Pape lui avait demandé la suspension pour un temps. Dans ce livre toutes les opinions de l’abbé de la M[ennais] sont émises. Je suis très content de la pièce de vers. J’ai écrit à l’auteur, de Naples même, une lettre moitié plaisante moitié sérieuse. Nous verrons ce qu’il me répondra. Ma tante Rodier vous a-t-elle parlé de l’arrangement que j’avais pris pour écrire à M. Vernière, sans lui faire payer le port des lettres? Vous comprendrez, je pense, que j’ai bien fait. J’en reviens à ma santé. Je suis gros et gras. J’ai eu des maux de tête qui m’ont ennuyé. Il est inutile d’écrire à M. Esquirol. Il m’a conseillé des bains et des rafraîchissants; je suivrai ses ordonnances.

Je suis trop fraîchement arrivé pour que je puisse vous donner beaucoup de nouvelles; et puis, il me semble que ma lettre est déjà bien longue. Cependant, je n’ai dit qu’un mot sur tout ce dont je voulais vous parler.

Adieu mon cher petit père. Ecrivez-moi souvent. Vous voyez que je fais ce que je puis pour vous donner l’exemple sur ce point. J’ai eu des détails sur le jeune homme de Mme de Mello. C’est par M. de Molleville, qui m’en a fait le plus grand éloge au moral. Je n’ai pas cru avoir besoin de le questionner sur le reste. On peut en croire M. de Molleville qui est un saint. Adieu, cher petit père. Je vous embrasse de tout mon coeur et vous conjure de ne plus vous mettre en peine de ma santé.

Emmanuel.
Notes et post-scriptum
1. Voir des extraits dans *Notes et Documents*, t. Ier, p. 404 sq.
2. Après avoir lu cette lettre adressée par La Mennais à quelque ami de Rome, l'abbé d'Alzon lui écrivit lui-même, le 15 février, et l'abbé Féli lui répondit le 5 mars; voir cette dernière lettre à l'Appendice.2. Après avoir lu cette lettre adressée par La Mennais à quelque ami de Rome, l'abbé d'Alzon lui écrivit lui-même, le 15 février, et l'abbé Féli lui répondit le 5 mars; voir cette dernière lettre à l'Appendice.