Vailhé, LETTRES, vol.1, p.523

14 mar 1834 Rome, MONTALEMBERT
Informations générales
  • V1-523
  • 0+165|CLXV
  • Vailhé, LETTRES, vol.1, p.523
Informations détaillées
  • 1 ANGOISSE
    1 ATHEISME
    1 CALICE
    1 DEFENSE DE L'EGLISE
    1 ENNEMIS DE L'EGLISE
    1 EPREUVES SPIRITUELLES
    1 FATIGUE
    1 HAINE
    1 PERSECUTIONS
    1 PEUR
    1 PROVIDENCE
    1 SENSIBILITE
    1 SOUFFRANCE
    1 TITRES DE JESUS-CHRIST
    1 VIE DE SACRIFICE
    3 ROME
  • A MONSIEUR LE COMTE DE MONTALEMBERT (1).
  • MONTALEMBERT
  • 14 mars 1834.
  • 14 mar 1834
  • Rome,
La lettre

Votre lettre, mon cher ami, m’a fait éprouver une bien vive peine, car je vous assure que je suis bien entré dans votre position. Je me suis mis à votre place et j’ai compris tout ce qu’a de douloureux votre passé et quelles angoisses vous réserve l’avenir.

Il est des hommes que la Providence marque pour la souffrance; c’est leur sort à eux. Ils ont un coeur fait exprès pour ressentir plus amèrement les épreuves qui leur sont imposées. Vous êtes un de ces hommes. Que votre calice renferme plus de fiel que celui des autres, c’est ce que je crois; mais je crois par cela même que votre position est magnifique si vous savez la comprendre.

Ne savez-vous pas que le Fils de l’homme a besoin de souffrir pour entrer dans sa gloire? Votre douleur, me dites-vous, est tout humaine, puisqu’elle se reporte à des espérances humaines trompées. Mais, dites-moi donc de quoi se compose le grand sacrifice des chrétiens, sinon d’une victime humaine? Il a fallu que le Fils de Dieu se fît homme pour souffrir, pour expier. Vous lui ressemblerez quand vous voudrez; il vous suffit d’un amour un peu généreux.

Depuis quatre mois que je suis à Rome, je suis de mon côté livré à bien des douleurs. La chute qui se prépare et que l’on ne veut pas voir, la foi en certaines idées vieilles et usées, l’affaiblissement des croyances, chez certaines personnes le culte des préjugés les plus bizarres, chez les jeunes gens le découragement général, l’ennui, la fatigue: tout cela se présente à moi et m’effraye. La peur, il est possible, me grossit les objets; mais enfin, ils se présentent à moi avec les couleurs les plus sombres, et alors je crois que jamais la religion n’a eu à supporter de plus rudes épreuves.

En effet, quelle est la persécution qui lui manque? Y a-t-il si longtemps que les échafauds sont abattus? Et qui peut dire qu’ils ne se relèveront pas avant peu? Mais cette persécution n’est certes pas à mes yeux la plus terrible. Une haine hypocrite de la part des ennemis de l’Eglise est bien plus à redouter. Voyez tout ce qu’ils font! A côté de tentatives infernales, qu’oppose-t-on pour la défense de l’Eglise? L’ignorance, la lâcheté, la crainte.

Oh! mon ami, renoncez à vos douleurs particulières, épousez les grandes douleurs de notre Mère, elles le sont assez pour remplir tout votre coeur!(2)

Notes et post-scriptum
1. Reproduite dans *Notes et Documents*, t. Ier, p. 563 sq. Nous la citons d'après le brouillon conservé par l'auteur; il n'est pas certain qu'elle ait été envoyée telle quelle, et nous savons par la réponse de Montalembert, du 15 décembre 1834, que la lettre de l'abbé d'Alzon était datée du 17 mars. Par ailleurs, la lettre est bien une réponse à celle de Montalembert, du 12 février 1834, dans laquelle ce dernier parlait de "sa douleur toute mondaine."1. Reproduite dans *Notes et Documents*, t. Ier, p. 563 sq. Nous la citons d'après le brouillon conservé par l'auteur; il n'est pas certain qu'elle ait été envoyée telle quelle, et nous savons par la réponse de Montalembert, du 15 décembre 1834, que la lettre de l'abbé d'Alzon était datée du 17 mars. Par ailleurs, la lettre est bien une réponse à celle de Montalembert, du 12 février 1834, dans laquelle ce dernier parlait de "sa douleur toute mondaine."
2. La fin manque.