Vailhé, LETTRES, vol.1, p.566

20 may 1834 Rome, ALZON_VICOMTE
Informations générales
  • V1-566
  • 0+178|CLXXVIII
  • Vailhé, LETTRES, vol.1, p.566
Informations détaillées
  • 1 ALLEMANDS
    1 AMITIE
    1 ARMEE
    1 AUTORITE PAPALE
    1 BESTIAUX
    1 CARDINAL
    1 CHRISTIANISME
    1 CLERGE
    1 CONGREGATIONS ROMAINES
    1 CONSTITUTION
    1 CRAINTE
    1 EGLISE
    1 EGLISE NATIONALE
    1 EMPLOIS
    1 ESPAGNOLS
    1 ETAT
    1 ETATS PONTIFICAUX
    1 EVEQUE
    1 GOUVERNEMENT
    1 HERESIE
    1 INDEPENDANCE CATHOLIQUE
    1 ITALIENS
    1 LIBERTE
    1 LIVRES
    1 MALADIES
    1 MALADIES MENTALES
    1 MARIAGE
    1 MAUX PRESENTS
    1 MONARCHIE
    1 NATIONALITE
    1 PAPE
    1 POUVOIR
    1 REPAS
    1 REPUBLICAINS
    1 REVOLUTION
    1 SAINT-SIEGE
    1 SANTE
    1 SOUMISSION DE L'ESPRIT
    1 SUPERIEUR GENERAL
    2 ALZON, AUGUSTINE D'
    2 ALZON, MADAME HENRI D'
    2 FERDINAND II DES DEUX-SICILES
    2 GREGOIRE XVI
    2 JABALOT, DOMINICAIN
    2 JUVENAL, HENRI DE
    2 LAMENNAIS, FELICITE DE
    2 METTERNICH, KLEMENS DE
    2 MICARA, LODOVICO
    2 MORTIER, ANTONIN
    2 OLIVIERI, MAURIZIO
    2 PUYSEGUR, MADAME ANATOLE DE
    3 ANGLETERRE
    3 AUTRICHE
    3 ESPAGNE
    3 FRANCE
    3 ITALIE
    3 LOMBARDIE
    3 MONTAGNAC
    3 NAPLES
    3 PARIS
    3 PORTUGAL
    3 PRUSSE
    3 ROME
    3 RUSSIE
    3 TOSCANE
    3 VENISE
  • A SON PERE (1).
  • ALZON_VICOMTE
  • le 20 mai 1834.
  • 20 may 1834
  • Rome,
  • Monsieur
    Monsieur le vicomte Henry d'Alzon,
    au château de Lavagnac, par Montagnac.
    Hérault.
    France, par Antibes.
La lettre

Il y a un temps infini que je n’ai reçu de vos nouvelles, mon cher petit père. Heureusement, j’en sais par ma mère et mes soeurs qui sont assez exactes à m’écrire. J’ai su par elles que vous aviez eu une émeute à Montagnac, mais pas autre chose. J’aurais été cependant bien aise de savoir si cette révolution en petit pouvait avoir des suites. J’attends depuis plusieurs jours que le courrier m’apporte de vos lettres et je n’en vois point venir. J’espère que jeudi prochain j’aurai quelque chose de vous, car vous aurez eu le temps de répondre à ma dernière lettre. J’espère que ce n’est pas votre santé qui vous empêche de m’écrire: il me semble que ce n’est pas ordinairement au printemps que vous êtes souffrant ni de vos migraines ni de vos maux de dents.

La sécheresse a été à Rome aussi forte qu’en France. Heureusement qu’il a fait, il y a quelques jours, une pluie qui a rafraîchi le temps; autrement on craignait beaucoup pour les bestiaux qui sont très nombreux dans la campagne romaine.

Il paraît que l’affaire Pr. s’est renouée. Il me semble que c’est en dernière analyse ce que l’on peut souhaiter de mieux, car il me semble que ce qui serait un inconvénient pour Augustine est bien peu de chose. Elle m’écrit assez exactement. Je l’engage à s’en rapporter au choix de maman, parce qu’avec sa tête si brûlante elle ne saurait être en état de bien juger elle-même. Il me semble que c’était le meilleur conseil à lui donner. Lorsque vous saurez quelque chose de nouveau, je vous prie cependant de me l’écrire, parce qu’il arrive quelquefois que maman s’en rapporte à Augustine, Augustine s’en rapporte à maman, et je me trouve ainsi entre deux selles. Vous m’avez appris bien des choses que l’on croyait m’avoir écrites de Paris.

Je n’ai pour mon compte aucune nouvelle à vous apprendre, sinon que le P. Olivieri vient d’être nommé général des Dominicains. J’en suis bien aise, parce qu’il sera plus rapproché de chez moi et que je pourrai le voir plus souvent. C’est un excellent homme, qui me traite très bien. Il est général pour six ans et pourra donner une direction aux études de ses jeunes gens(2). Les Dominicains sont un des corps qui ont le plus d’influence à Rome.

On prétend que l’Autriche a fait offrir au Saint-Siège d’envoyer des troupes dans les Etats romains, en se chargeant de les entretenir, pourvu que le Pape licencie les siennes. Ce fait montre quels sont les projets que le prince de Metternich a depuis longtemps sur Rome. Il ne serait pas impossible qu’il réussit momentanément, et peut-être ne serait-ce pas un malheur pour l’Eglise. Il est une foule d’abus qu’une commotion violente peut seule faire disparaître.

Vous avez sans doute connaissance du dernier ouvrage de l’abbé de la Mennais. La Quotidienne paraît l’avoir jugé assez favorablement. Il paraît aussi que ses amis sont effrayés de cette publication. Je n’en connais encore que quelques extraits, mais il me semble qu’il y brise bien les vitres. Est-ce un mal? C’est ce que je ne puis dire, car il faut que ces questions se décident. Or, elles ne peuvent se décider que par quelque coup violent. Si l’abbé de la Mennais est condamné, il se soumettra; s’il ne l’est pas, il publiera son ouvrage sur les maux de l’Eglise et ses remèdes. On verra alors sur quoi repose la royauté actuelle. Le tort de l’abbé de la M[ennais] me paraît être d’avoir attaqué le pouvoir en général; s’il n’avait attaqué que les rois de nos jours, on l’eût toléré. Car voyez où en sont les choses: L’Angleterre et la Prusse sont hérétiques, la Russie est hérétique (sic); l’Autriche travaille d’une manière atroce à l’établissement d’une Eglise nationale, elle soutient les évêques allemands dans leur opposition à Rome; le roi de Naples est une espèce de fou, qui ressemble pour la tournure à Henry de Juvénal: au premier jour, il donnera une constitution sans savoir trop pourquoi; l’Espagne et le Portugal ne peuvent plus échapper à une révolution; en dernière analyse, l’Etat le plus prospère pour la religion est la France, et vous savez où en sont les choses. Je dis que la France est le pays où la religion est le plus prospère, parce qu’il ne dépends plus du pouvoir d’y faire une Eglise nationale. Je crois que ses efforts pour arriver à un pareil résultat ne feraient que séparer la partie faible du clergé, fortifier l’autre partie et la rattacher au Saint-Siège.

Je voyais hier le cardinal Micara, qui me disait qu’il faudrait prouver que c’est dans l’Eglise que se trouve la vraie liberté et la vraie indépendance. Tout le monde peut parvenir aux emplois, tout le monde peut y être cardinal et tout cardinal peut être pape. Les Etats romains sont les seuls qui aient conservé en Italie leur nationalité. La Lombardie, Venise, la Toscane sont tombées entre les mains de l’Autriche. Le royaume de Naples a été longtemps espagnol; il sera peut-être bientôt républicain ou autrichien. En dernière analyse, qu’est le pouvoir du Pape seul? Est-il une Puissance qui soit plus entourée de toutes les précautions? Le gouvernement romain n’est composé que de Congrégations. Qu’il y ait eu des abus, et de grands abus, c’est ce que l’on ne nie pas; mais le principe au fond cst celui qui garantit le plus la liberté et l’indépendance d’un chacun.

Il commence à faire assez fortement chaud. J’ai pris le parti de n’aller dîner qu’à 5 heures. Je me fais apporter quelque chose pour déjeuner le matin. Cependant, voilà un mois de chaleurs passé, et, si je m’en tire aussi bien, je serai heureux. Seulement, il fait de temps à autre un siroco perfide; il porte à la tête, sans qu’on puisse s’en garantir. Je suis entouré d’orangers en fleurs. C’est un avantage, parce que les rues de Rome étant mal tenues, les exhalaisons en sont peu agréables. Il est inconcevable combien les Italiens sont malpropres.

Adieu, mon cher petit père. J’attends une de vos lettres avec la plus grande impatience par le prochain courrier. Je vous embrasse de tout mon coeur.

Emmanuel.
Notes et post-scriptum
1. Voir des extraits dans *Notes et Documents*, t. Ier, p. 418 sq.
2. D'après le P. Mortier, *Histoire des maîtres généraux de l'ordre des Frères Prêcheurs*, t. VII p. 475, le P. Olivieri, à la mort du P. Jabalot, ne fut pas élu par les religieux, mais institué par un Bref de Grégoire XVI, au mois de mai 1834. Il dut donner sa démission en janvier 1835, en partie à cause de La Mennais, resta commissaire du Saint-Office et mourut en septembre 1845.2. D'après le P. Mortier, *Histoire des maîtres généraux de l'ordre des Frères Prêcheurs*, t. VII p. 475, le P. Olivieri, à la mort du P. Jabalot, ne fut pas élu par les religieux, mais institué par un Bref de Grégoire XVI, au mois de mai 1834. Il dut donner sa démission en janvier 1835, en partie à cause de La Mennais, resta commissaire du Saint-Office et mourut en septembre 1845.