Vailhé, LETTRES, vol.1, p.582

14 jun 1834 Rome, ALZON_MADAME
Informations générales
  • V1-582
  • 0+183|CLXXXIII
  • Vailhé, LETTRES, vol.1, p.582
Informations détaillées
  • 1 AMITIE
    1 CELEBRATION DE LA MESSE PAR LE PRETRE
    1 CHAIRE
    1 CONVERSATIONS
    1 CRITIQUES
    1 CULPABILITE
    1 DIPLOMATIE
    1 FAMILLE
    1 GOUVERNEMENT
    1 INDEX
    1 ITALIENS
    1 LIVRES
    1 MAITRISE DE SOI
    1 MALADIES
    1 MARIAGE
    1 MONARCHIE
    1 PARENTE
    1 PENSEE
    1 PEUPLE
    1 POLITIQUE
    1 PREDICATION
    1 REGNE
    1 REPOS
    1 RETRAITE SPIRITUELLE
    1 SANTE
    1 SECRETAIRERIE D'ETAT
    1 SERMONS
    1 SOLITUDE
    1 THOMAS D'AQUIN
    1 TRAVAIL DE L'ETUDE
    1 VACANCES
    1 VOYAGES
    2 ALZON, AUGUSTINE D'
    2 DREUX-BREZE, PIERRE-SIMON DE
    2 GABRIEL, JEAN-LOUIS
    2 GREGOIRE XVI
    2 LA GOURNERIE, EUGENE DE
    2 LAMENNAIS, FELICITE DE
    2 LATOUR-MAUBOURG, JUST-PONS DE
    2 MARTIN, JEAN-ETIENNE
    2 RODIER, CLEMENT
    2 RODIER, MADAME JEAN-ANTOINE
    2 ROQUEFEUIL, FAMILLE DE
    2 ROUET, ADOLPHE-AUGUSTE
    2 SARRET DE COUSSERGUES, ADELBERT
    2 SARRET DE COUSSERGUES, MADAME ADALBERT
    2 VENTURA, GIOACCHINO
    2 VERNIERES, JACQUES
    3 AUTRICHE
    3 COMPIEGNE
    3 FRANCE
    3 ITALIE
    3 LAVAGNAC
    3 MONTPELLIER
    3 NIMES
    3 PARIS
    3 ROME
  • A SA MERE (1).
  • ALZON_MADAME
  • le 14 juin 1834.
  • 14 jun 1834
  • Rome,
  • Madame
    Madame la vicomtesse d'Alzon,
    au château de Lavagnac, par Montagnac,
    département de l'Hérault.
    France, par Antibes.
La lettre

Je réponds, ma chère petite mère, aux deux dernières lettres que vous m avez écrites de Paris. Je pense que, dans ce moment, vous êtes arrivée à Lavagnac et que vous y avez trouvé ce repos dont vous paraissiez si pressée de jouir. Je désire que vous l’ayez complet, mais vous ne pouvez l’espérer, si l’affaire d’Augustine se renoue, comme vous paraissez le croire. Je suis, pour moi, convaincu qu’il faut cependant ne pas perdre le temps, puisque la jeune personne est majeure. Quand donc pourrai-je vous retrouver? Je ne pense pas que ce soit avant un an, quoique, si je puis, l’année prochaine je m’arrangerai pour quitter Rome avant les grandes chaleurs. Je ne puis pas dire qu’elles soient excessives, puisque La Gournerie; qui est ici depuis quelques jours, est toute la journée à courir sans se plaindre du chaud. Mais il fait quelquefois un siroco qui énerve. Alors on n’a rien de mieux à faire qu’à dormir. Je me porte très bien et j’espère que l’été ne m’éprouvera pas.

Avez-vous vu l’abbé Gabriel? Ce brave homme, malgré ses grands projets de retraite, est toujours, si j’en juge d’après ce que m’écrit mon père, par voies et par chemins. Je n’ai jamais vu un homme plus contrarié dans ses goûts, n’aimant que la solitude et ne pouvant jamais rester seul. Il me divertissait beaucoup, quand il était ici, à cause de cela. Je pense que si vous l’engagiez à aller vous dire la messe, il accepterait la proposition fort volontiers. Avec cela, il lui faudrait quelqu’un pour causer, et s’il ne trouvait personne, ou vous ou Augustine seriez menacée de faire un cours de saint Thomas avec lui. Mais je crois qu’il aimera mieux le faire avec son ami M. Martin(2) qui pourra lui rétorquer ses arguments; ce qui, je crois, vous serait difficile, si par exemple il vous demandait si le bien est dans le genre, l’espèce et l’ordre. L’abbé Gabriel sera fort heureux de trouver quelqu’un qui le force à travailler. Son plus grand malheur est d’avoir le travail facile. Cela l’empêche de rien finir. Son projet, lorsqu’il me quitta, était de retourner à Rome. Aujourd’hui, ce projet est de prêcher à Nîmes. Qu’il fasse comme il voudra. Je crois qu’il a tort de se remettre si tôt à prêcher, et pour sa poitrine et pour la préparation dont il a besoin. Voudra-t-il comprendre cela? J’en doute.

L’ouvrage de l’abbé de la M[ennais] n’est parvenu ici qu’à peu de personnes, et je vous avoue que j’aurais été bien aise que vous eussiez pris un moyen plus expéditif de me le faire parvenir. Il y a deux jours enfin que j’ai pu l’avoir pour quelques heures. L’abbé de Brézé l’a reçu, mais s’est bien gardé de me le prêter. J’ai eu bien de la peine à le juger d’après une lecture très rapide, mais je ne pense pas que, quoi qu’on dise, on puisse le condamner ici. [Il] a eu l’adresse de mettre certaines restrictions, qui expliquent ses diatribes les plus violentes. Peut-être crie-t-il trop contre les rois; mais son plus grand tort, à mes yeux, est de ne crier que contre eux seuls. Ils ne sont pas les seuls coupables et les peuples le sont autant qu’eux. Aujourd’hui même, si les peuples voulaient bien le règne de Dieu, les gouvernements sont-ils assez forts pour le leur refuser? Du reste, le succès immense de cet ouvrage empêchera peut-être qu’on prononce. Les Jésuites voudraient qu’on le mît à l’index. L’ambassadeur de France, au contraire, fait tout ce qu’il peut pour qu’on n’en parle pas. Il paraît qu’on ne fera rien. La situation politique du Pape est dans ce moment des plus critiques, et je [ne] crois [pas] qu’il s’occupe à de pareilles choses(3), à moins que l’Autriche ne le commande impérieusement. Il est, du reste, fort étonnant qu’il condamne un pareil ouvrage, quand il a pour secrétaire et sous-secrétaire d’Etat deux hommes, dont les principes sont, dit-on, encore plus outrés que ceux de M. Féli. Voilà par exemple ce que je ne conçois pas.

J’ai reçu aujourd’hui une lettre d’Adalbert de Sarril(?). Il paraît que la famille Roquefeuil se trouve dans ce moment à Compiègne. Ne pensez-vous pas qu’il serait bon de voir si le frère de Mme de Sarril(?) serait encore en disponibilité? C’est un des partis qui m’a toujours le plus convenu. Je pense qu’Augustine, après tout le tracas qu’elle a eu à Paris, jouira un peu mieux de la tranquillité de Lavagnac. Je le désire vivement pour elle. Elle y arrive un mois plus tard que l’année dernière, ce qui contribuera sans doute à lui faire mieux supporter la solitude.

Avez-vous vu ma tante Rodier, en passant à Montpellier? Il y a un temps infini que je n’ai reçu de ses nouvelles. Je crains qu’elle ne soit malade. Clément ne m’écrit pas non plus. Je crois que c’est mauvais signe pour ce pauvre garçon: il m’avait fait dans sa dernière lettre des promesses, qu’il n’a peut-être pas exécutées. Il est vraiment à plaindre.

Aurez-vous M. Vernière pendant ces vacances? Il me semble qu’il n’y a aucune raison pour qu’il ne vienne pas. J’en vois même pour qu’il vienne. L’abbé Gabriel se propose, à ce qu’il paraît, de rédiger ses mémoires sur l’Italie. Il a promis de les communiquer, quand ils seront faits. Il vend, je le crains bien, la peau de l’ours encore vivant. Il a une demi-douzaine d’ouvrages sur le chantier. Je ne le crois pas assez maître de lui-même pour en terminer un seul. La prédication est ce qui lui convient le mieux, parce que, quand on est en chaire et qu’on a commencé un sermon, il faut bien qu’on le finisse. Vous pouvez lui dire que ses amis de Rome sont fâchés contre lui. Le P. Ventura m’a parlé d’une manière assez sèche de son silence à son égard et envers une famille italienne, qu’il lui avait fait connaître et dont il avait été parfaitement reçu. Il est assez extraordinaire, en effet, que depuis deux mois et demi il n’ait pas pris la peine d’écrire deux mots à un homme qui a été si bon pour lui et à qui il avait fait de si belles protestations.

Adieu, ma chère petite mère. Je vous embrasse avec la plus grande tendresse.

Emmanuel.
Notes et post-scriptum
1. Voir *Notes et Documents*, t. Ier, p. 423.2. L'abbé Martin, d'Agde, auteur d'une *Vie de saint Jean Chrysostome* assez appréciée. L'abbé Rouët lui a consacré en 1869, à Montpellier un fort volume. Né à Agde en 1800, il mourut à Montpellier curé de Saint-Denys, le 7 mai 1868.
3. Le texte porte: "et je crois qu'il s'occupe à de pareilles choses."