Vailhé, LETTRES, vol.1, p.601

7 jul 1834 Rome, ALZON_AUGUSTINE
Informations générales
  • V1-601
  • 0+190|CXC
  • Vailhé, LETTRES, vol.1, p.601
Informations détaillées
  • 1 ALLEMANDS
    1 ANGLAIS
    1 CONSTITUTION
    1 CURE
    1 EGLISE
    1 ENCYCLIQUE
    1 FOI
    1 FRANCHISE
    1 FRUITS
    1 ITALIENS
    1 JUGEMENT DERNIER
    1 LANGUE
    1 LIBERTE
    1 LIVRES
    1 LOISIRS
    1 PAPE
    1 PENSEE
    1 PHILOSOPHIE CHRETIENNE
    1 PRESSE
    1 PRUDENCE
    1 REPAS
    1 REPOS
    1 REPRESSION DES ABUS
    1 RESSOURCES FINANCIERES
    1 RETRAITE SPIRITUELLE
    1 REVOLUTION
    1 RIRE
    1 SAINT-ESPRIT
    1 THEOLOGIE
    1 THEOLOGIENS
    1 TRADITION
    1 TRAVAIL DE L'ETUDE
    1 TRIOMPHE
    2 ALZON, HENRI D'
    2 BERNETTI, TOMMASO
    2 BONNETTY, AUGUSTIN
    2 CAIPHE
    2 CORNELIUS, PETER VON
    2 FERDINAND II DES DEUX-SICILES
    2 GABRIEL, JEAN-LOUIS
    2 GREGOIRE XVI
    2 LAMENNAIS, FELICITE DE
    2 MAC CARTHY, CHARLES
    2 MAZZETTI, JOSEPH-MARIE
    2 OLIVIERI, MAURIZIO
    2 VASARI, GIORGIO
    2 VENTURA, GIOACCHINO
    2 VERNIERES, JACQUES
    2 ZURLA, PLACIDO
    3 ALLEMAGNE
    3 ANGLETERRE
    3 AUTRICHE
    3 FRANCE
    3 HERAULT, RIVIERE
    3 LAVAGNAC
    3 MARSEILLE
    3 NAPLES
    3 ROME
    3 RUSSIE
    3 SAINT-PONS-DE-MAUCHIENS
  • A SA SOEUR AUGUSTINE (1).
  • ALZON_AUGUSTINE
  • le 7 juillet 1834.
  • 7 jul 1834
  • Rome,
  • Par Antibes.
    Mademoiselle
    Mademoiselle Augustine d'Alzon,
    au château de Lavagnac, par Montagnac.
    France département de l'Hérault.
La lettre

Je t’assure, ma chère amie, que tu ne saurais mieux faire que de suivre ton bon plaisir, quand tu voudras m’écrire. Je ne suis pas encore assez dénaturalisé, pour ne pas recevoir tes lettres avec plaisir et pour ne pas apprécier toutes les formes de style qu’il peut te plaire de prendre. On a parfaitement raison de te dire qu’il y a chez moi beaucoup de moti nuovi. Tu en aurais eu une preuve convaincante, si tu m’avais vu déguster un verre de sirop de framboises, avant de me mettre à t’écrire. On dit qu’il faut se rafraîchir, et, pour obtempérer aux conseils qu’on me donne, tantôt j’infuse quelques gouttes de citron dans un verre d’eau, tantôt je fais une douce libation de mon susdit sirop.

Il fait chaud à plaisir. Ce qui m’ennuie, c’est que la nuit je ne dors pas. Alors je me lève, je me promène et, quand j’ai sommeil, je me recouche. Une fois, il m’est arrivé de ne pouvoir dormir que quatre ou cinq heures; le lendemain, j’en dormais dix à douze. Mais ce qui m’ennuie passablement, c’est que je ne puis pas trop travailler à des choses sérieuses. Pour employer mon temps, je me suis mis à étudier l’anglais, que m’enseigne M. Mac-Carthy. Comme c’est une étude assez mécanique, elle ne fatigue pas, et comme, de plus, l’anglais a de grands rapports avec l’allemand, l’étude de l’une de ces langues me facilite l’étude de l’autre.

Je t’ai déjà appris la nouvelle de l’Encyclique. On la juge différemment. Un grand nombre de théologiens la considèrent comme la pure opinion de Mauro Capellari, et non la décision du Pape. Ceci me paraît un peu fort(2). Le P. Ventura est plus franc et pense qu’il ne faut pas la considérer autrement que comme une décision formelle. Quant à ce qui y est dit du système philosophique, personne ne s’en occupe. Cependant, quelqu’un qui est fort versé dans ces matières, à ce qu’il croit du moins, me parlant de cette censure avec un air de triomphe, je lui demandai quel rapport les traditions apostoliques avaient avec le sens intime et l’évidence. Il resta tout ébahi, et, au bout d’un moment, il me dit: « C’est ce qui a toujours été cru par l’Eglise que le Pape veut établir. » Et voilà, lui répondis-je, précisément ce que demande M. de la M[ennais].

Le P. Olivieri pense que le Pape n’ayant pas désigné le système, on peut croire que le blâme ne se rapporte pas à la philosophie de M. de la M[ennais], quelle qu’ait pu être l’intention du Saint-Père. Tout me fait penser que si l’abbé de la M[ennais] garde un prudent silence, les choses s’arrangeront à merveille pour lui. La presque totalité des théologiens distingués désapprouve l’Encyclique, non pas en elle-même, mais à cause des circonstances. J’en ai entendu, que je ne soupçonnais pas [imbus] de pareilles opinions, s’exprimer en termes bien forts.

Le P. Olivieri, avec toute sa prudence, me disait en parlant du blâme jeté sur le système philosophique: « C’est Caiphe qui prophétise, sans savoir ce qu’il dit lui-même. » Le P. Mazzetti disait: « Io rido quando veddo tutte queste cose, perche piu ne fanno de grosse, piutosto condaranno giu. » Tu comprends ce que cela veut dire. C’est une pensée qui domine toutes les fortes têtes qu’une révolution plus ou moins prochaine est ici inévitable. Certaines gens attendent de cette révolution la réforme de bien des abus. Le P. Mazzetti est un des plus saints religieux de Rome et il est membre de quatre Congrégations, ce qui est une preuve d’une grande science. Je te prie de ne point divulguer ces détails. Je te les donne, parce qu’ils t’intéresseront, mais il est inutile de les répandre(3).

Le livre de M. de la M[ennais] ne sera point défendu. Le Pape ne l’a pas voulu, à cause du grand nombre d’exemplaires qui en sont répandus; ils sont, du reste, encore extrêmement rares à Rome, mais il s’en fait des traductions italiennes.

Voici encore quelques détails que je recommande à ta prudence. Il y a quelque temps que le roi de Naples pense à donner une Constitution; il est, dit-on, en train d’en accoucher. S’il la donne le Pape avant un an sera forcé d’en donner une. Il y a trois ans déjà qu’il avait été question de donner cette Charte; le cardinal Zurla l’avait préparée et apportée au Pape qui allait la signer, quand Bernetti entra et fit une si vive opposition que la Charte fut laissée de côté. Ce qui fut renvoyé il y a trois [ans] serait inévitable aujourd’hui, dans la supposition que le roi de Naples donnerait une Constitution. Le Pape alors donnerait nécessairement la liberté de la presse. Au lieu de s’appuyer sur l’Autriche et la Russie, il s’appuierait sur la France et l’Angleterre, ce qui n’empêcherait pas une révolution.

M. Vernière m’a écrit qu’il allait faire une retraite à Marseille et que, de là, il irait où l’esprit de Dieu le pousserait. Je pense cependant que cet esprit le poussera vers Lavagnac, quoique cependant il ne le sache pas trop encore. Je ne puis lui écrire au milieu de ce doute. Si tu en apprends quelque chose, je te prie de me le faire savoir. Il y a quelque temps que je n’ai reçu de lettre de l’abbé Gabriel, et je n’ai point reçu aujourd’hui celle que tu m’annonçais. Sais-tu s’il a pris quelques livres de mon cabinet? Je [te] prie de me les noter, parce que je lui avais prêté une fois douze numéros du journal de Bonnetty et qu’il n’en a rendu que quatre ou cinq, en jurant ses grands dieux qu’il n’en avait jamais vu d’autres.

Je te prie d’exposer à mon très honoré père que mes finances déclinent et que je le supplie humblement d’aviser aux moyens de les renouveler, pour les premiers jours du mois d’août ou environ. Tu ne me parles pas de lui dans ta lettre. Que fait-il? Comme va-t-il? Je te prie de lui dire que, quoique tu remplisses très bien sa place, je ne le dispense pas de m’écrire. Quand tu verras M. le curé de Saint-Pons, tu lui demanderas de ma part s’il étudie l’allemand et tu l’engageras à l’étudier, afin que j’aie le plaisir de le parler avec lui ein wenig,,qui veut dire un peu, ou sehr viel, qui veut dire beaucoup. Tu peux lui offrir ma grammaire et mon dictionnaire, mais en lui faisant observer que mon dictionnaire est fort incommode et que, pour un commençant, un dictionnaire de poche est ce qu’il y a de mieux. Je te prie de me donner des nouvelles de ma filleule (4). Vas-tu te baigner à l’Hérault?

T’ai-je écrit que j’avais vu Cornélius, le premier peintre de l’Allemagne, qu’il m’avait invité à dîner la première fois qu’il m’avait vu, qu’il m’a fait voir son beau tableau du jugement dernier, au moins ce qu’il en a fait? Sans être bien habile, je crois commencer à comprendre un peu la peinture. Je t’engage à te procurer l’Histoire de la peinture de Vasari. Je regrette que tu ne sois pas ici. Tu verrais de bien belles choses.

Adieu, chère amie. J’aurai donc, s’il plaît à Dieu, le plaisir de t’embrasser avant un an. Adieu. Adieu.

Em.
Notes et post-scriptum
1. Voir *Notes et Documents*, t. Ier, p. 373 et 433.2. Dans la lettre du 5 juillet à La Mennais, la même nouvelle est donnée comme venant d'un ami de Mac-Carthy.
3. Comme l'abbé d'Alzon les avait communiqués à La Mennais dans sa lettre du 5 juillet, il était inévitable qu'ils se répandissent.
4. Mot illisible. [T.D.19, p.10, a réussi à le voir et à le lire. - Ajouté en avril 1996].