Vailhé, LETTRES, vol.1, p.605

14 jul 1834 Rome, ALZON_AUGUSTINE
Informations générales
  • V1-605
  • 0+191|CXCI
  • Vailhé, LETTRES, vol.1, p.605
Informations détaillées
  • 1 ANGLAIS
    1 ANIMAUX
    1 BASILIQUE
    1 BESTIAUX
    1 COLERE
    1 CONVERSATIONS
    1 CORPS
    1 DIEU
    1 DISTINCTION
    1 FLEURS
    1 GUERISON
    1 ITALIENS
    1 JOIE
    1 LANGUE
    1 LIVRES
    1 MALADIES
    1 MARIAGE
    1 MARTYRS
    1 MIRACLE
    1 REPOS
    1 RETRAITE SPIRITUELLE
    1 ROYALISTES
    1 SAINT-ESPRIT
    1 SANTE
    1 SENSIBILITE
    1 TRAVAIL DE L'ETUDE
    1 VACANCES
    2 ALZON, HENRI D'
    2 ALZON, MADAME HENRI D'
    2 BONNETTY, AUGUSTIN
    2 COMBALOT, THEODORE
    2 GABRIEL, JEAN-LOUIS
    2 GREGOIRE XVI
    2 LA GOURNERIE, EUGENE DE
    2 LAMENNAIS, FELICITE DE
    2 MAC CARTHY, CHARLES
    2 MADELEINE-SOPHIE BARAT, SAINTE
    2 PAUL, SAINT
    2 PHILOMENE, SAINTE
    2 PUYSEGUR, MADAME ANATOLE DE
    2 ROUSSY, EUGENE DE
    2 ROUSSY, MADAME EUGENE DE
    2 SOGLIA, GIOVANNI
    2 STAEL, MADAME DE
    2 VENTURA, GIOACCHINO
    2 VERNIERES, JACQUES
    3 ANGLETERRE
    3 FRANCE
    3 LAVAGNAC
    3 NAPLES
    3 ROME
    3 ROME, BASILIQUE SAINT-PAUL-HORS-LES-MURS
    3 ROME, MONTECAVALLO
    3 ROME, QUIRINAL
    3 TIBRE
  • A SA SOEUR AUGUSTINE
  • ALZON_AUGUSTINE
  • le 14 juillet [1834].
  • 14 jul 1834
  • Rome,
  • Mademoiselle
    Mademoiselle Augustine d'Alzon,
    au château de Lavagnac, par Montagnac.
    Hérault.
    France, par Antibes.
La lettre

Je reçois ta lettre du 3 juillet. J’y réponds en commençant par la commission dont tu me charges de la part de Mme Eugène(1). Je n’en sais probablement guère plus que Mme Barat. Sainte Philomène est une jeune martyre de quinze ou seize ans, qui fut fouettée, eut, je crois, le corps déchiré avec des crampons et en fin la tête tranchée. Son corps fut ensuite jeté dans le Tibre. Ce corps, recueilli par les chrétiens, fut porté aux catacombes, où on le découvrit, il y a une vingtaine d’années, avec les instruments de son supplice gravés sur sa pierre tumulaire. Depuis, ses restes furent remis à un évêque, et de nombreux miracles s’opèrent sans cesse par son intercession. Je ne sais, par exemple, si tous sont de foi. Ainsi, on lui avait fait un visage, des jambes et des mains en cire pour couvrir ses ossements. On raconte que, renfermée dans une caisse de verre, elle releva sa robe, afin qu’on admirât sa jambe. On dit encore qu’elle était couchée et qu’elle se mit sur son séant.

Si ces miracles ne sont pas fort convaincants, ce que je n’examine pas, de nombreuses guérisons de maladies sont des faits irrécusables. Pourquoi Dieu veut-il ainsi honorer les restes d’une jeune fille inconnue depuis sa mort, c’est-à-dire pendant plus de quinze cents ans? C’est ce que j’ignore. C’est probablement pour la même raison qu’il ne veut pas qu’on sache précisément où est la plus grande partie du corps de saint Paul, qu’on sait bien être dans la basilique de ce nom, sans qu’on puisse dire positivement en quel endroit. Il faut dire de plus, pour sainte Philomène, que l’en a fait un ouvrage pour prouver qu’elle était légitimiste. Comme je n’ai pas lu l’ouvrage, je ne puis pas te dire par quelle raison on le prouve.

Je te prie, en donnant ces détails à Mme de Roussy, de lui offrir mes respects et de dire mille choses de ma part à Eugène.

Il fait assez raisonnablement chaud. On dit que quand on résiste aux premières attaques des chaleurs, elles font du bien, en ce sens qu’elles débarrassent des humeurs. Je commence, en effet, à me trouver passablement débarrassé. J’ai pris le parti de ne pas faire grand’chose, parti très sage et qui aura ton approbation.

On annonce un nouvel ouvrage de M. de la Mennais. Ceci m’effraie. Il y a fort longtemps que je n’ai reçu de ses nouvelles. Il a eu peur qu’une de ses lettres eût été interceptée, ce qui cependant n’était pas; mais n’importe, il n’écrit plus.

Je suis ravi de la gaieté de M. Gabriel. Cet excellent homme doit être ravi de se retrouver en France. Il me parle dans sa lettre de son projet de revenir à Rome. Que penses-tu de la force de ce projet? Je conçois très bien qu’il soit plus content que fâché de la colère du P. Ventura. Je suis sûr qu’il doit être fort heureux de pouvoir dire: « Le P. Ventura est très fâché contre moi, à cause de mon silence. »

Tu as grand tort de croire que je ne tiens pas du tout à la politesse. Je vois beaucoup mon jeune Anglais, Mac-Carthy, qui a très bon ton et qui aime qu’on ait de bonnes manières. J’espère que cela te disposera bien en sa faveur. Nous nous voyons très souvent, parce qu’il me donne des leçons d’anglais. C’est dommage qu’il ait une aussi mauvaise santé. Il a six mois de moins que moi et parle huit à dix langues, sans parler de celles qu’il a le projet d’étudier. Ce qu’il y a de piteux, c’est qu’il part probablement au printemps prochain pour l’Angleterre, et alors Dieu sait quand nous nous reverrons.

Tout ce que dit M. Gabriel de mon enthousiasme ne me surprend pas, et ce que tu me dis du sien me paraît fort juste. Il est de fait que le cher homme a admiré souvent des choses, sur lesquelles il est revenu ensuite, et sur les quelles il s’extasiait sur la foi de Corinne ou de je ne sais plus qui. Il est sûr encore qu’il s’est épris plus d’une fois de choses fort peu remarquables. Pour mon compte, je n’ai voulu juger qu’en connaissance de cause, quoique peut-être je ne pousse pas un cri d’admiration ou que je n’écrive pas une page, chaque fois que quelque chose me frappe. Il aurait, je crois, trouvé La Gournerie bien autrement froid que moi.

J’espère avoir le plaisir de t’embrasser avant un an. Certainement, je ne passerai pas l’été à Rome. Je ne suis bon à rien; non pas que je sois malade, mais c’est que pendant cette saison je serai bien plus capable de travailler à Lavagnac, supposé que vous y soyez alors.

Peux-tu me donner des nouvelles de M. Vernière? Je voudrais lui écrire. Il devait après sa retraite suivre l’inspiration céleste, pour savoir où il irait passer les vacances. Tâche de découvrir où l’esprit de Dieu l’aura conduit. La Gournerie n’est plus ici: il est à Naples pour quelque temps; il me reviendra passer encore trois semaines, et puis il refilera sur la France, où il a, si je ne me trompe, des projets matrimoniaux.

Je ne comprends pas trop ce que tu me dis de ta veine mystérieuse. Je ne sais pour mon compte aucun mystère. Quant au silence de mon père, tu dois, ce me semble, le connaître depuis longtemps. M. Mac-Carthy me parlait un jour des conversations anglaises qui consistent à se regarder sans rien dire ou à ne dire que des riens. Si j’étais à ta place,je ferais des conversations anglaises avec Marie. Que fait cette chère petite? Que fait maman? Des fleurs artificielles, je pense, et Marie fait de la colle.

La Revue européenne est bien fade depuis quelque temps. Bonnetty m’a écrit, mais l’abbé Combalot s’est enveloppé d’un brouillard de silence. Comme je ne sais pas son adresse, je te prie de ne pas manquer, si tu lui écris, de lui demander de ses nouvelles de ma part. Le Pape est en ce moment à pêcher à Monte Cavallo(2) avec son ami Monsignore Soglia(3), qui, lorsque le pape se promène à âne, tire la queue de l’animal pour le faire avancer.

Je suis au bout de mes nouvelles. Que te dirai-je encore? Qu’il est minuit, le seul moment du jour où l’on respire. Cependant, je vais me coucher. Ainsi je clôture ma lettre en t’embrassant [et] en te priant de m’écrire souvent, en italien si tu veux. Adieu.

Emmanuel.
Notes et post-scriptum
1. Mme. Eugène de Roussy, née de Sales.
2. Nom populaire du Quirinal.
3. Soglia, archevêque d'Ephèse et aumônier secret du Pape.