- V1-609
- 0+192|CXCII
- Vailhé, LETTRES, vol.1, p.609
- 1 AMOUR DU PROCHAIN SOURCE DE L'APOSTOLAT
1 ANGLAIS
1 APOSTOLAT
1 AVARICE
1 CATHOLICISME
1 CONVERSATIONS
1 COUVENT
1 DIEU
1 ENCYCLIQUE
1 ESPAGNOLS
1 INSTITUTS RELIGIEUX
1 LANGUE
1 MAL MORAL
1 MENSONGE
1 MORT
1 PARENTS
1 PROVIDENCE
1 REVOLUTION
1 SACERDOCE
1 SALUT DES AMES
1 SANTE
1 SOCIETE
1 SOLITUDE
1 SPOLIATEURS
1 SUPERIEURS MAJEURS
1 THEOLOGIE
1 TRAVAIL DE L'ETUDE
1 VERTU DE FORCE
1 VIE DE PRIERE
1 VIOLENCE
1 VOL
1 VOYAGES
2 ALAUX, JEAN-FRANCOIS
2 BESSON, ANDRE-FRANCOIS
2 BROUILHET, ABBE
2 LAMENNAIS, FELICITE DE
2 MAC CARTHY, CHARLES
2 MICARA, LODOVICO
2 MOLLEVILLE, HENRY DE
2 PAULINIER, JUSTIN
2 ROUSSAC, JACQUES-PHILIPPE
2 VENTURA, GIOACCHINO
3 ESPAGNE
3 FRANCE
3 ITALIE
3 PEZENAS
3 ROME
3 ROME, COUVENT SANT'ANDREA DELLE FRATTE
3 SICILE - A MONSIEUR ELEUTHERE REBOUL (1).
- REBOUL Eleuthère
- le 14 juillet, 1834.
- 14 jul 1834
- Rome,
- Monsieur
Monsieur Eleuthère Reboul,
Pézenas, département de l'Hérault.
France, par Antibes.
Je veux vous montrer, mon cher Eleuthère, par mon empressement à vous répondre, le plaisir que me font vos lettres et mon désir d’en recevoir souvent de vous. J’avais craint que votre santé n’eût été éprouvée par votre retour et par les chaleurs qui ont dû vous rendre moins pénible la pensée de quitter l’Italie. Pour mon compte, j’ai fait un bon serment: de ne plus passer un été dans ce pays-ci. Non que je sois malade! Grâce à Dieu, je me trouve jusqu’a aujourd’hui en parfaite santé, mais il m’est impossible de travailler comme je le désirerais. Pour employer mon temps d’une manière moins fatigante qu’à la théologie, j’apprends l’anglais. J’ai pour maître M. Mac-Carthy, dont vous m’avez entendu parler. Ma vie, toute solitaire qu’elle est, se passe sans trop d’ennuis. Après être resté jusqu’à 5 heures chez moi, je vais, le soir, faire des visites, soit au républicain en calotte rouge(2), soit au P. V[entura]. J’ai renoncé à mon voyage en Sicile. Il m’aurait toujours fallu disputer, et avec des gens avec lesquels il n’est pas prudent de dire toute sa pensée, et vous savez combien la dissimulation romaine m’est odieuse.
Vous aurez sans doute connaissance de l’Encyclique, avant de recevoir ma lettre. Aussi, je ne vous en parle pas. On se tait et l’on prie Dieu de détourner de grands maux. Ce qu’il y a de plus éclairé parmi les hommes indépendants gémit profondément. J’ai été à même, grâce au P. V[entura], de connaître dans cette circonstance une portion de Rome beaucoup mieux que je n’avais pu le faire jusqu’à présent. Il y a encore bien de la force dans cette vieille ville, et je suis moins effrayé pour elle d’une révolution; je la désire presque.
Le Breton s’étant aperçu qu’une de ses lettres avait été interceptée garde depuis longtemps un profond silence. J’en suis assez contrarié. J’aimais beaucoup à recevoir ses épanchements et aussi ses rugissements. La pauvre bête est traquée d’une rude manière. Cependant, je ne pense pas qu’on parvienne à la forcer: elle est encore dans une position superbe. Tout le mal qui peut lui être fait ne viendra que d’elle-même.
Et cependant, pour vous dire toute ma pensée, je m’estime heureux de n’être pas encore obligé par mon âge de prendre une position vis-à-vis de mes supérieurs. La position du prêtre devient tous les jours plus difficile. Ceci est l’indice de quelque grand changement. L’état d’un sacerdoce qui ne peut faire entendre à la société des paroles de salut est trop violent pour pouvoir durer. Comment en sortirons-nous? C’est une question qu’on ne saurait se faire sans trembler. Question vitale pour le catholicisme qui meurt, s’il ne démontre pas aujourd’hui ce qu’il est et tout ce qu’il est. Pour moi, j’ai confiance que de nouveaux bourgeons rompront la dure écorce du chêne millénaire, lorsque Dieu aura soufflé un vent de tempête qui lui enlèvera ses feuilles mortes et les dispersera sur la face du globe.
Voyez ce qui se passe en Espagne. A Dieu ne plaise que je veuille approuver les pilleurs de couvents! A eux le crime et sa honte. Mais dans cette spoliation, cette annihilation des coups religieux, il y a, ce me semble, une grande pensée providentielle. Les Ordres religieux espagnols n’exerçaient plus, depuis longtemps, qu’une influence physique, celle que leur donnait la richesse. Or, ce n’est pas cette influence qu’une corporation religieuse est appelée à exercer. Dans un temps pareil au nôtre, ce qui s’opère en Espagne s’est opéré en France, s’opère d’une autre manière en Italie: il se fait table rase. Ce qui est vrai pour les Ordres religieux l’est aussi pour bien d’autres choses. En un mot, nous voyons, si je ne me trompe, l’humanité s’avancer vers un grand et même but.
Je ne sais, mon cher ami, si vos projets de sacerdoce sont toujours aussi ardents. Je crois que la mission du prêtre peut être aujourd’hui plus belle encore que par le passé, à cause des difficultés mêmes dont elle est entourée. Pour moi, je ne demande à Dieu qu’une chose, un amour des hommes aussi grand que leurs misères. Je crois que cela suffit.
Vous êtes bien heureux d’avoir des nouvelles de l’ami Molleville. Je n’ai pas été aussi favorisé que vous. Il est vrai que j’ai bien des reproches à me faire à son égard: je lui ai dit tant de vérités! Je vous prie, mon cher ami, d’offrir mes hommages respectueux à vos parents et de me rappeler au souvenir des abbés Besson(3), Brouilhet, Alaux, Roussac et Paulinier. Vous devriez engager ce dernier à venir ici(4).
Adieu, mon bon Eleuthère. Ecrivez-moi, quand vous n’aurez rien à faire, et pensez souvent à moi dans vos prières. Tout à vous.
Emmanuel.
Les Pères de Sant’Andrea me parlent souvent de vous, surtout le Padre sagrestano et le vieux Padre collega.
E.D'ALZON3. Tous ces ecclésiastiques étaient originaires de Pézenas.
4. Ami de l'abbé d'Alzon, il devint évêque de Grenoble; puis archevêque de Besançon.