Vailhé, LETTRES, vol.1, p.627

aug 1834 [Rome, FABRE_ABBE
Informations générales
  • V1-627
  • 0+197|CXCVII
  • Vailhé, LETTRES, vol.1, p.627
Informations détaillées
  • 1 ADOLESCENTS
    1 AMITIE
    1 APATHIE SPIRITUELLE
    1 AUTORITE PAPALE
    1 BOURGEOISIE
    1 CARDINAL
    1 CHAPELET
    1 COLERE
    1 CONGREGATION DE LA PROPAGANDE
    1 CONSULTATION
    1 CORRUPTION
    1 DIMANCHE
    1 EDIFICE DU CULTE
    1 ENCYCLIQUE
    1 ETATS PONTIFICAUX
    1 ILLUSIONS
    1 INSTITUTS RELIGIEUX
    1 LITANIES DE LA SAINTE VIERGE
    1 LIVRES
    1 MESSE CHANTEE
    1 MORT
    1 MUSIQUE
    1 NOBLESSE
    1 OFFERTOIRE
    1 ORGUEIL
    1 PAPE SOUVERAIN
    1 PARESSE
    1 PEUPLE
    1 POLITIQUE
    1 PREFACE
    1 PRIERES PUBLIQUES
    1 PROVIDENCE
    1 RECEPTION DES SACREMENTS PAR LE LAIC
    1 RELIGIEUX
    1 REVOLTE
    1 REVOLUTION
    1 ROUTINE
    1 SAINTETE
    1 SERVICE DE L'EGLISE
    1 SIMPLICITE
    1 SOUMISSION DE L'ESPRIT
    1 THEOLOGIE
    1 THEOLOGIENS
    1 TRAVAIL DE L'ETUDE
    1 VACANCES
    1 VERTU DE FORCE
    2 GABRIEL, JEAN-LOUIS
    2 GREGOIRE XVI
    2 LAMENNAIS, FELICITE DE
    2 MAI, ANGELO
    2 MICARA, LODOVICO
    2 OLIVIERI, MAURIZIO
    2 PAULINIER, JUSTIN
    3 FRANCE
    3 ITALIE
    3 MONTPELLIER
    3 ROME
  • A MONSIEUR L'ABBE FABRE (1).
  • FABRE_ABBE
  • août 1834.]
  • aug 1834
  • [Rome,
La lettre

Mon cher Monsieur Fabre,

Vous êtes bien bon, au milieu de tant d’amis présents que vous ont fait retrouver les vacances, de vous rappeler un ami absent, à qui vos lettres font toujours tant de plaisir et tant de bien. Je vous remercie des détails que vous me donnez sur la manière dont l’Encyclique a été reçue dans nos contrées. C’est la meilleure réfutation de ce que l’on a pu dire contre les amis de M. de la M[ennais]. Quand les esprits seront calmés de part et d’autre, il sera bon de relire l’Encyclique, pour voir ce qu’elle condamne et ce qu’elle ne condamne pas. En attendant que ce moment de calme soit revenu, le mieux est de mettre son esprit dans une disposition de soumission absolue. Hors de cela, je ne puis rien comprendre. Vous vous attendez à ce que je vous parle beaucoup de l’Encyclique. Eh bien! vous vous trompez, car je ne puis pas en dire un mot. On a le malheur [ici] de ne pas marcher aussi vite qu’en France, et les gens, avant de se soumettre, veulent savoir sur quel sujet. Il est fâcheux que l’Encyclique, tout en blâmant et en censurant, n’ait pas formellement dit ce qu’elle censurait et blâmait. Quand on sera d’accord sur cette question, je vous le ferai savoir.

Vous êtes curieux, sans doute, de connaître ce que fera M. de la M[ennais]. Il gardera le silence, et personne, je vous le promets, ne le pressera de le rompre. J’ai été si mal informé sur la question de la condamnation que je n’ose plus me fier à un seul renseignement. Mais voici ce que l’on dit: trois cardinaux ont seuls travaillé à la rédaction de l’Encyclique; les théologiens sont furieux de ce qu’on ne les ait pas consultés; on se repent d’avoir agi si vite; on ne fera plus rien; on laissera aller les choses.

Il y a quelque chose de vrai dans ce que vous me dites qu’on craint du trouble dans les Etats du Pape. Seulement, le motif est tout différent. Voici l’état de Rome. Dans les sommités des cardinaux, deux ou trois des premières maisons, cinq ou six qui absolument auraient pu inventer la poudre; les autres, braves gens; et puis, voilà! La plupart sont de hauts fonctionnaires qu’on a mis là, parce qu’on ne pouvait pas les mettre ailleurs. Ainsi, nous allons voir cardinal Monsignore Mai, secrétaire de la Propagande, parce qu’il ne fait rien qu’embrouiller les affaires de sa place et qu’il ne peut la quitter que pour monter au Sacré-Collège. On dit dans ce cas-là: promoveatur ut amoveatur. Il n’a été que deux ans à ce poste. Son prédécesseur a dû attendre le chapeau six ans, parce qu’il avait plus de moyens. Vous comprenez comment les pauvres d’esprit ont ici des chances d’avancement(2).

La partie scientifique se compose de religieux qui ont pâli sur les livres. Quelquefois, ils sont récompensés par la pourpre romaine: le cardinal Micara est de ce nombre. L’opinion publique désigne depuis longtemps le P. Olivieri qui, aux yeux de presque tous, est le premier théologien de Rome; mais ses rapports avec M. de la M[ennais], dont il ne se cache pas, lui font tort. C’est un des hommes les plus saints, les plus savants et certainement le plus simple que j’aie jamais vu.

Je connais peu de monde. Quand on veut travailler, il ne faut pas faire trop de visites. Si la Providence me permet plus tard de revenir ici, je chercherai à connaître plus de gens. L’abbé Gabriel vous a parlé des Jésuites d’ici. Je crains qu’il n’ait exagéré les choses. L’Ordre des Jésuites est un corps qui a fait trop de bien pour qu’on puisse le blâmer. C’est aujourd’hui un corps essentiellement orgueilleux, j’en conviens, mais il y a chez lui de quoi le devenir. Il n’a plus, il est vrai, la même puissance, la même énergie, il s’épuise; mais c’est pour moi une raison pour n’en parler qu’avec modération ou plutôt pour n’en pas parler du tout. Ce serait augmenter son importance que de lui en supposer plus qu’il n’en a réellement. Il n’est que trop vrai: les corps religieux à Rome sont frappés de mort, et il est heureux que les membres les plus distingués de ces corps ne se fassent pas illusion. Les Jésuites seuls ne veulent rien voir, au moins pour ce qui les concerne.

La haute noblesse est dans une opposition mesquine. Les jeunes gens tombent dans une oisiveté qui ne ressemble en rien à ce que nous avons en France. C’est une mollesse, une apathie, une incurie de tout ce qui fait peine. On la maintient dans cet état; on aime mieux une mer stagnante qu’une source rapide. Ainsi soit-il! La bourgeoisie se corrompt tous les jours. Là, le Pape n’est plus considéré que comme un souverain temporel. On ne croit plus à la papauté. Or, comme souverain, le Pape n’est pas aimé, tant s’en faut. Le peuple a une religion grossière, qui consiste à réciter son chapelet dans les rues, dans les églises, et puis les litanies de la Sainte Vierge, et puis le chapelet, et puis les litanies de la Sainte Vierge pour changer.

Ces prières sont excellentes, mais j’ai bien peur qu’il y ait de la routine.

Il est possible qu’il y ait des églises particulières pour les hommes; mais dans celles où je vais, je n’ai vu guère plus de personnes approchant des sacrements qu’en France. Cependant, je ne me prononce pas sur cet article. Je dis ce que j’ai vu, mais je puis avoir mal vu. Sur ce point, je connais très mal(3) la chose.

Une plaie de l’Italie, c’est la musique. J’ai vu, à une messe chantée en musique, une église remplie de monde au Credo. Venaient l’Offertoire et la Préface, moment où les musiciens se retirent, la foule se retirait avec eux. C’était pourtant un dimanche.

Je crains bien que le Pape n’ait perdu une partie de l’affection de ses sujets, à cause du système politique qu’il adopte. Il y a trois ans, lorsque la révolution menaça d’éclater, il y eut un enthousiasme inconcevable dans le peuple. Aujourd’hui, c’est bien changé. Le Pape a ordonné dernièrement des prières publiques, où l’on espérait que le peuple manifesterait un peu de dévouement. Rien de tout cela…(4).

Notes et post-scriptum
1. Professeur au Grand Séminaire de Montpellier, mort vicaire général honoraire de Besançon dont un de ses élèves Mgr Paulinier, occupait la chaire archiépiscopale. Nous citons d'après le brouillon cette lettre qui d'ailleurs ne fut pas envoyée à son destinataire. Voir des extraits dans *Notes et Documents*, t. Ier, p. 437.1. Professeur au Grand Séminaire de Montpellier, mort vicaire général honoraire de Besançon dont un de ses élèves Mgr Paulinier, occupait la chaire archiépiscopale. Nous citons d'après le brouillon cette lettre qui d'ailleurs ne fut pas envoyée à son destinataire. Voir des extraits dans *Notes et Documents*, t. Ier, p. 437.
2. On ne saurait ranger parmi les pauvres d'esprit, entendus dans ce sens-là, le cardinal Mai, qui fut une des gloires de l'Eglise au XIX siècle par son érudition. En effet, il n'a pas édité moins de quarante volumes d'ouvrages latins et grecs, presque tous inconnus avant lui.
3. Le manuscrit porte *très bien*.
4. La suite manque.