Vailhé, LETTRES, vol.1, p.709

26 oct 1834 [Rome, ALZON_VICOMTE
Informations générales
  • V1-709
  • 0+216|CCXVI
  • Vailhé, LETTRES, vol.1, p.709
Informations détaillées
  • 1 ADVERSAIRES
    1 CHRISTIANISME
    1 CONVERSATIONS
    1 ENCYCLIQUE
    1 ENNEMIS DE LA RELIGION
    1 MARIAGE
    1 PARTI
    1 POLITIQUE
    1 PUBLICATIONS
    1 REFORME DE L'INTELLIGENCE
    1 REPAS
    1 SOUMISSION DE L'ESPRIT
    1 VERITE
    1 VOYAGES
    2 ALZON, MADAME HENRI D'
    2 BAUTAIN, LOUIS
    2 GABRIEL, JEAN-LOUIS
    2 GENOUDE, ANTOINE-EUGENE DE
    2 GREGOIRE XVI
    2 LAMENNAIS, FELICITE DE
    2 LE PAPPE DE TREVERN, JEAN-FRANCOIS
    2 MICARA, LODOVICO
    2 PIERRE, SAINT
    2 VENTURA, GIOACCHINO
    3 ITALIE
    3 LAVAGNAC
    3 MILAN
    3 PARIS
    3 ROME
    3 STRASBOURG
    3 TOULOUSE
    3 VENISE
  • A SON PERE.
  • ALZON_VICOMTE
  • le 26 octobre 1834.]
  • 26 oct 1834
  • [Rome,
La lettre

J’avais, mon cher petit père, terminé une lettre à maman, quand j’ai reçu la vôtre du 6 octobre; celle-là au moins n’a pas mis un mois en chemin. Je vous remercie de tout ce que vous m’y dites. Je puis vous assurer que je suis parfaitement tranquille dans ce moment et que je ne rugis plus. Je plains seulement de toute mon âme ce pauvre abbé de la M[ennais], et c’est, je vous assure, un bien grand crève-coeur pour moi que de le voir dans une position aussi pénible que celle où il se trouve.

J’ai vu ce matin encore le cardinal Micara(1). Celui-ci veut que M. Féli se soumette. Le P. V[entura], a contraire, persiste à penser que le silence est le meilleur parti. L’un et l’autre donnent d’excellentes raisons. Il ne s’agit pas pour M. de la M[ennais] de se soumettre. Je suis convaincu qu’il est disposé à tous les sacrifices, mais il s’agit de savoir s’il sacrifiera un ordre d’idées qu’il croit légitimes, que l’on ne peut pas condamner, mais sur lequel ses ennemis veulent qu’il garde le silence, tandis qu’ils laissent carte blanche à d’autres personnes, à M. Genoude par exemple. Il est vrai que M. Genoude défend un parti politique et que M. de la M[ennais] ne défend que la religion. Quoi qu’il en soit, je me trouve extrêmement heureux de n’avoir pas à manifester publiquement mon opinion, non qu’elle soit contraire en rien à l’encyclique, mais parce que ne donnant pas à l’encyclique toute l’extension que voudraient lui imposer certaines personnes, je serais accusé de manquer de soumission, quand rien n’est plus éloigné de ma pensée. J’attends beaucoup du temps, qui calmera les têtes et leur fera considérer les choses de sang-froid.

Je serais enchanté de voir M. l’abbé Gabriel à Rome, mais je ne pense pas l’attendre jusqu’à la Saint-Pierre, s’il a le projet de ne quitter Rome qu’à cette époque. Je voudrais passer le mois de juin à parcourir quelques parties de l’Italie que je ne connais pas encore, comme Venise, Milan; mais je voudrais être à Lavagnac pour les premiers jours du mois de juillet. Je suis enchanté de ce que vous me dites au sujet de ce dîner et de la manière dont M. Gabriel a parlé. Je ne puis croire que, malgré les ordures vraiment dégoûtantes que l’Ami de l’irréligion jette tous les jours sur certains hommes, on ne finisse [pas] par ouvrir les yeux. Les faits parleront, et alors il faudra revenir de ces préventions.

J’ai eu aujourd’hui une assez longue conversation avec le P. V[entura] sur les défauts du système de M. de la M[ennais]. Je crois qu’en y faisant les modifications que propose le P. V[entura], il est inattaquable; mais pour mon compte je me dégoûte des systèmes, et il me semble qu’on peut poser la question sans cela. Le système peut seulement servir à empêcher les ennemis de la religion de poser aucune proposition, mais la vérité se prouve sans cela.

Avez-vous connaissance d’une publication impayable de l’évêque de Strasbourg, dans laquelle il condamne M. Bautain, qui refuse à la raison seule le droit d’arriver à la vérité, tandis que le Pape condamne ceux qui accordent à la raison seule un pareil droit? On peut être sûr que le Pape ne dira rien à Mgr de Trévern.(2)

Si j’ai mes observations à faire sur la proposition de Toulouse, c’est que depuis quelque temps on a laissé passer quelques belles occasions et que l’on devrait faire attention à celle-ci. Un château près de Toulouse est chose agréable: il serait situé dans un beau pays, pas trop loin de Lavagnac, et si le Monsieur a de la fortune, rien n’empêcherait d’aller à Paris. Ce sont des occasions, où je voudrais être auprès de vous. Vous ne sauriez croire combien je souffre de connaître si tard tout ce qui a rapport à une affaire à laquelle je porte tant d’intérêt.

Adieu, cher petit père. Je n’ai pas le temps de me relire. Je vous embrasse bien tendrement.

Emmanuel.
Notes et post-scriptum
1. D'après son journal, p. 31, c'est le 22 octobre que l'abbé d'Alzon eut un long entretien avec le cardinal Micara, au cours d'une promenade, mais c'est le 26 octobre que le P. Ventura lui exposa les défauts du système philosophique de l'abbé Féli. Notre lettre est donc à dater de ce dernier jour. Emmanuel avait eu sans doute occasion de revoir le cardinal Micara ce jour-là, de même qu'il causa longuement avec lui deux jours après, le 28 octobre.1. D'après son journal, p. 31, c'est le 22 octobre que l'abbé d'Alzon eut un long entretien avec le cardinal Micara, au cours d'une promenade, mais c'est le 26 octobre que le P. Ventura lui exposa les défauts du système philosophique de l'abbé Féli. Notre lettre est donc à dater de ce dernier jour. Emmanuel avait eu sans doute occasion de revoir le cardinal Micara ce jour-là, de même qu'il causa longuement avec lui deux jours après, le 28 octobre.
2. Mgr de Trévern condamna, le 15 septembre 1834, M. l'abbé Bautain dans un *Avertissement* adressé à son clergé et communiqué à Rome, ainsi qu'à tout l'épiscopat français. Un Bref de Grégoire XVI, en date du 20 décembre, approuva la conduite de l'évêque, et, le 18 novembre 1835, Bautain signait six propositions qui exprimaient la doctrine catholique sur divers points où il s'en était lui-même écarté. On lui reprochait généralement des tendances fidéistes, c'est-à-dire d'attribuer à la foi seule le pouvoir de nous donner une vraie certitude des principes de la raison. Tout ce passage de l'abbé d'Alzon laisse à désirer au point de vue de l'exactitude. Peut-être ne connaissait-il que par oui-dire la brochure de Mgr de Trévern?