Vailhé, LETTRES, vol.1, p.715

29 oct 1834 Rome, COMBEGUILLE Alexis
Informations générales
  • V1-715
  • 0+219|CCXIX
  • Vailhé, LETTRES, vol.1, p.715
Informations détaillées
  • 1 AUGUSTIN
    1 AUTORITE DIVINE
    1 CATHOLICISME
    1 CONNAISSANCE
    1 CONNAISSANCE DE DIEU
    1 DIEU
    1 DOUTE
    1 ENCYCLIQUE
    1 FOI
    1 INFAILLIBILITE PONTIFICALE
    1 INTELLIGENCE
    1 JESUS-CHRIST
    1 MYSTERE
    1 PENSEE
    1 PHILOSOPHIE CHRETIENNE
    1 PROTESTANTISME ADVERSAIRE
    1 RECONNAISSANCE
    1 REVELATION
    1 SOUMISSION DE L'ESPRIT
    1 SUFFISANCE
    1 THEOLOGIENS
    1 VERITE
    1 VOYAGES
    2 DU LAC, JEAN-MELCHIOR
    2 GERBET, PHILIPPE-OLYMPE
    2 GREGOIRE XVI
    2 LAMENNAIS, FELICITE DE
    2 MICARA, LODOVICO
    2 ODESCALCHI, CARLO
    2 OLIVIERI, MAURIZIO
    2 VENTURA, GIOACCHINO
    3 FRANCE
    3 ROME
  • A MONSIEUR ALEXIS COMBEGUILLE (1).
  • COMBEGUILLE Alexis
  • le 29 octobre 1834.
  • 29 oct 1834
  • Rome,
La lettre

Il y a déjà longtemps, mon cher ami, que j’aurais dû répondre à votre lettre du 22 septembre. Lorsqu’elle arriva à Rome, j’étais sur le point de partir pour la campagne, et vous savez que lorsqu’on va à la campagne, on est toute la journée sur ses jambes, surtout lorsque c’est pour peu de temps. Voilà mon excuse, mon cher ami. J’espère qu’elle me fera trouver grâce à vos yeux. Il y a quelques jours cependant que je retarde d’heure en heure de vous écrire, tantôt pour une raison, tantôt pour une autre. Aujourd’hui, cela n’ira pas plus loin. Je n’ai, à la vérité, rien de nouveau à vous apprendre. Tout ce qui peut nous intéresser vient de la France, et l’on y voit de si tristes nouvelles que l’on ne sait sur quoi se reposer. Votre lettre m’a fait un plaisir extrême; je suis totalement de votre avis.

Il y a une chose que je dois vous avouer, c’est que je ne comprends pas que l’abbé de la M[ennais] prétende tirer des renseignements qu’il a reçus de Rome des preuves contre la non-infaillibilité de la dernière encyclique. Pour moi, je sais bien que jamais je ne lui ai [rien] écrit qui pût le faire hésiter. Je lui ai parlé, il est vrai, une fois des doutes de quelques théologiens, mais je croyais lui avoir bien expliqué que ses amis se soumettaient. Pour plus de précautions, aussitôt que j’ai reçu votre lettre, je lui ai écrit pour lui faire bien comprendre ce que j’avais pu ne pas lui dire assez clairement, et, en même temps, j’ai joint des extraits de lettres que j’avais reçues de plusieurs points de la France, et dans lesquelles on témoignait généralement un grand désir de le voir se soumettre(2). Je vous remercie de m’avoir prévenu de l’usage qu’il faisait de mes lettres, du Lac m’avait également écrit à cet égard. Quant au silence qu’il garde, le P. V[entura] persiste à croire que c’est ce qu’il a de mieux à faire; le c[ardinal] M[icara] n’est pas de cet avis.

Je me trouve fort heureux de n’être pas obligé de faire part au public de ma conduite, et de ce que mon humble et entière soumission peut sans inconvénient rester ignorée. Toutefois, je ne puis vous cacher que, si j’étais à la place de M. de la M[ennais], je serais bien embarrassé, alors même que je me soumettrais sans réserve à l’encyclique.

Quant à ce que le Pape a voulu condamner, il est fort difficile de le savoir au juste. Je parle du système de philosophie. En effet, on sait bien que le système est réprouvé, mais jusqu’à quel point, c’est sur quoi l’on n’est pas d’accord. Ce n’est pas le sens commun en lui-même, mais, si l’on veut, l’explication qu’en donnait M. de la M[ennais]. Je dis que ce n’est pas le sens commun, sans quoi il faudrait refaire presque toutes les apologies de la religion. L’abbé de la M[ennais] a eu ensuite peut-être trop la prétention de plier tout à son système, de façon que l’on aurait été catholique, parce que le sens commun présentait le catholicisme comme la seule vraie religion. Poussé à cette conséquence, (et c’est à celle-là que le Pape fait allusion), le système est dangereux. Cependant, il est vrai que la raison peut être employée pour fortifier la foi. Saint Augustin, vers le commencement du XIe livre Du libre arbitre, fait dire à son interlocuteur: Quanquam haec inconcussa fide teneam, tamen quia cognitione nondum teneo, ita quaeramus quasi omnia incerta sint. Saint Augustin permet donc à la connaissance de l’homme de plonger dans la profondeur des mystères, et par connaissance il faut entendre conception, intelligence; car le même interlocuteur dit un peu plus bas: Id quod credimus nosse et intelligere, cupimus. A quoi saint Augustin répond que la foi doit précéder sans doute, mais que Jésus-Christ promet lui-même que l’intelligence suivra. Je vous engage à lire le morceau, qu’il serait trop long de copier.

Je vous prierai de remarquer ces paroles: Neque inventum dici potest quod incognitum tenetur, neque quisquam inveniendo Deo fit idoneus, nisi antea crediderit quod est postea cogniturus. Si personne ne peut comprendre et découvrir Dieu qu’après avoir cru, à quoi sert la philosophie? Que fait un système philosophique, avant de supposer la foi -ceci s’applique au cartésianisme, ceci s’applique aussi à la doctrine de M. de la M[ennais],- si on la donne pour autre chose que pour la confirmation de la vérité? Et c’est sous ce rapport que la doctrine émise par l’encyclique me paraît établir merveilleusement la marche qu’il faut désormais suivre, savoir: commencer par admettre les grands faits qui ne sont contestés par personne, avec le déiste le fait de l’existence de Dieu, avec le protestant le fait de la révélation; et, pour leur montrer qu’ils ne sont sûrs d’aucun de leurs jugements, s’il n’est confirmé par une autorité, que, par conséquent, la plus grande autorité étant Dieu, du moment qu’on a la preuve fournie par le sens commun qu’Il a parlé, il n’y a qu’à se taire et à se soumettre.

Cette manière d’entendre les choses me semble parfaitement orthodoxe. Car 1° je ne place pas la certitude dans l’homme ni dans sa raison, mais en Dieu et dans sa parole. Donc, je suis obligé de constater, par des moyens humains, ce que je puis en apprendre….(3)

Notes et post-scriptum
1. D'après un brouillon inachevé. Bien que ce projet de lettre ne porte pas d'adresse, il était destiné à Alexis Combeguille, ami commun de du Lac et de d'Alzon, et, oomme eux deux, disciple intellectuel de l'abbé Féli. Nous avons encore la lettre du 22 septembre écrite de Castres, à laquelle répond l'abbé d'Alzon. Entre autres choses Combeguille y disait: "Deux questions indépendantes l'une de l'autre sont, ce me semble, soulevées par l'Encyclique: 1° L'Encyclique est-elle un jugement dogmatique? 2° Qu'est-ce que le Pape entend condamner? La première est sans contredit résolue affirmativement par l'assentiment des évêques, de tout le clergé, de tous les disciples et amis de l'abbé (et particulièrement de l'abbé Gerbet, qui écrivait dernièrement à du Lac qu'il ne pouvait plus y avoir le moindre doute là-dessus). Telle n'est point cependant l'opinion de l'abbé, comme je l'ai vue clairement exprimée dans une lettre adressée au même: il se fonde sur le sentiment des théologiens que Rome a coutume de consulter avant de rendre ses décisions, sur celui d'Odescalchi, d'Olivieri. Mais quel que puisse être leur poids, je ne pense pas qu'il puisse prévaloir contre l'unanimité de l'épiscopat et du clergé. S'il en pouvait être autrement. Veuillez me dire à quelle marque pourrait se faire connaître une décision dogmatique et obligatoire. Si on ne regarde point comme telle une lettre du Souverain Pontife écrite *motu proprio, certa scientia et de apostolicae potestatis plenitudine*, adressée à tous les évêques et reçue par eux non seulement sans réclamation, mais avec des signes de l'adhésion la plus complète, quand donc l'erreur pourra-t-elle être confondue? Et le premier sectaire ne pourra-t-il pas faire usage des mêmes arguments, dont on se sert aujourd'hui? C'est un fait que l'*abbé* est en France seul de son avis, et c'est une effrayante position pour un homme qui a crié si longtemps et si haut: *Vae soli*! Je dois vous dire que, dans les lettres que j'ai vues de l'abbé, il fonde uniquement son opinion (que l'Encyclique n'est pas un jugement dogmatique) sur des documents venus de Rome et insérés dans une lettre écrite par qui vous savez bien. Je vous dis ceci, afin que vous sachiez clairement jusqu'où s'étend la responsabilité de l'auteur de cette lettre." C'est à cet avertissement que l'abbé d'Alzon, ainsi visé, répondait dans la première partie de ce projet de lettre qui ne fut pas envoyée d'ailleurs, comme nous l'apprend un autre projet de lettre, daté du 1er novembre. Voir des extraits dans *Notes et Documents*, t. Ier, p. 457 sq. et 482.
2. Voir la lettre à l'abbé de la Mennais, du 4 octobre, n° CCXIV.1. D'après un brouillon inachevé. Bien que ce projet de lettre ne porte pas d'adresse, il était destiné à Alexis Combeguille, ami commun de du Lac et de d'Alzon, et, oomme eux deux, disciple intellectuel de l'abbé Féli. Nous avons encore la lettre du 22 septembre écrite de Castres, à laquelle répond l'abbé d'Alzon. Entre autres choses Combeguille y disait: "Deux questions indépendantes l'une de l'autre sont, ce me semble, soulevées par l'Encyclique: 1° L'Encyclique est-elle un jugement dogmatique? 2° Qu'est-ce que le Pape entend condamner? La première est sans contredit résolue affirmativement par l'assentiment des évêques, de tout le clergé, de tous les disciples et amis de l'abbé (et particulièrement de l'abbé Gerbet, qui écrivait dernièrement à du Lac qu'il ne pouvait plus y avoir le moindre doute là-dessus). Telle n'est point cependant l'opinion de l'abbé, comme je l'ai vue clairement exprimée dans une lettre adressée au même: il se fonde sur le sentiment des théologiens que Rome a coutume de consulter avant de rendre ses décisions, sur celui d'Odescalchi, d'Olivieri. Mais quel que puisse être leur poids, je ne pense pas qu'il puisse prévaloir contre l'unanimité de l'épiscopat et du clergé. S'il en pouvait être autrement. Veuillez me dire à quelle marque pourrait se faire connaître une décision dogmatique et obligatoire. Si on ne regarde point comme telle une lettre du Souverain Pontife écrite *motu proprio, certa scientia et de apostolicae potestatis plenitudine*, adressée à tous les évêques et reçue par eux non seulement sans réclamation, mais avec des signes de l'adhésion la plus complète, quand donc l'erreur pourra-t-elle être confondue? Et le premier sectaire ne pourra-t-il pas faire usage des mêmes arguments, dont on se sert aujourd'hui? C'est un fait que l'*abbé* est en France seul de son avis, et c'est une effrayante position pour un homme qui a crié si longtemps et si haut: *Vae soli*! Je dois vous dire que, dans les lettres que j'ai vues de l'abbé, il fonde uniquement son opinion (que l'Encyclique n'est pas un jugement dogmatique) sur des documents venus de Rome et insérés dans une lettre écrite par qui vous savez bien. Je vous dis ceci, afin que vous sachiez clairement jusqu'où s'étend la responsabilité de l'auteur de cette lettre." C'est à cet avertissement que l'abbé d'Alzon, ainsi visé, répondait dans la première partie de ce projet de lettre qui ne fut pas envoyée d'ailleurs, comme nous l'apprend un autre projet de lettre, daté du 1er novembre. Voir des extraits dans *Notes et Documents*, t. Ier, p. 457 sq. et 482.
3. La fin manque.