Vailhé, LETTRES, vol.1, p.719

30 oct 1834 Rome, ALZON_AUGUSTINE
Informations générales
  • V1-719
  • 0+220|CCXX
  • Vailhé, LETTRES, vol.1, p.719
Informations détaillées
  • 1 ACCIDENTS
    1 ALLEMANDS
    1 ANGLAIS
    1 BANQUES
    1 CORPS
    1 CRAINTE
    1 DIEU
    1 DILIGENCE
    1 DOUCEUR
    1 DROIT CANON
    1 ENSEIGNEMENT DE LA LITTERATURE
    1 LANGUE
    1 LIVRES
    1 MALADIES
    1 MARIAGE
    1 NOBLESSE
    1 PARENTE
    1 RECONNAISSANCE
    1 RIRE
    1 SANTE
    1 TOUSSAINT
    1 TRANSPORTS
    1 VANITE
    2 ALZON, HENRI D'
    2 AURIOL, D'
    2 BONNETTY, AUGUSTIN
    2 LA GOURNERIE, EUGENE DE
    2 LAMENNAIS, FELICITE DE
    2 MAC CARTHY, CHARLES
    2 MICARA, LODOVICO
    2 MONTALEMBERT, CHARLES DE
    2 POLY, ABBE
    2 RODIER, CLEMENT
    2 WISEMAN, DAMES
    3 ANGLETERRE
    3 CHESTER
    3 LAVAGNAC
    3 LYON
    3 MALTE
    3 MONTE PORZIO
    3 PARIS
    3 ROME
  • A SA SOEUR AUGUSTINE (1).
  • ALZON_AUGUSTINE
  • le 30 octobre 1834.
  • 30 oct 1834
  • Rome,
  • Mademoiselle
    Mademoiselle Augustine d'Alzon,
    au château de Lavagnac, par Montagnac,
    département de l'Hérault.
    France.
La lettre

Ta lettre du 15 octobre, que je reçois à l’instant, me met dans l’embarras, ma chère amie. Dois-je t’écrire à Lavagnac? Dois-je t’écrire à Paris? Tu comprends toutes les questions que l’on peut se faire et auxquelles il est impossible de répondre, si je ne sais pas précisément si tu es à Paris ou à Lavagnac. Je pense que tu n’as pas dû tarder à recevoir de mes nouvelles, après m’avoir écrit; car, si je ne me trompe, je t’ai écrit du 1er au 6. J’ai mis encore un intervalle entre mes lettres, pendant que j’étais à Monte-Porzio. Maintenant, rien ne m’empêchera d’être exact, pourvu que tu le sois aussi de ton côté.

Je vis toujours avec le bon M. d’Auriol, qui vient enfin d’avoir une place à la banque. Ce bon jeune vieux garçon me divertit assez avec toute sa généalogie, qui se perd dans la nuit des temps et qui aboutit à lui donner une place dans les bureaux d’une banque. Hier, en lui touchant la main, je lui fis observer qu’il l’avait très bien faite. « Ah! me dit-il avec son sourire quasi malin c’est ce que j’ai de mieux dans la figure. » Il paraît que Clément lui a si bien compté toutes tes perfections, qu’il meurt d’envie de te marier avec tous ses cousins. Ce serait un grand honneur pour toi, car quand on compte des comtes de Lyon et des grands-maîtres de Malte par alliance parmi ses ancêtres, on a de quoi être satisfait.

Quoique tu me grondes de mon silence, j’aurais bien quelque raison de te gronder aussi. Après-demain, il y aura quinze jours que j’ai reçu la lettre de mon père. Je pense qu’il se décidera à aller à Paris. Je te charge, puisque j’y pense maintenant, de tous mes remerciements pour Bonnetty: il a eu l’attention de m’envoyer plusieurs ouvrages, ce dont je lui suis très reconnaissant. Si vous étiez parties pour Paris, comme l’année dernière, avant la Toussaint, vous y auriez pu voir M. de La Gournerie qui vous eût donné de mes nouvelles. Au fait, je puis bien t’en donner moi-même et te dire que je me porte bien. Franchement, je me porte très bien.

Je crois t’avoir donné la description de Monte-Porzio et t’avoir parlé des dames Wiseman; elles en revinrent quelques jours après moi, mais elles étaient conduites par un homme qui ne connaissait pas le chemin. La nuit les prit avant d’arriver à Rome, et quoique là route soit superbe, le cocher eut l’esprit d’aller faire heurter la voiture contre un parapet. La bonne vieille Mme Wiseman alla heurter, dans la secousse, contre une lanterne et eut les dents toutes brisées: celles d’en haut tombèrent, elle eut la présence d’esprit de retenir les autres dans son mouchoir, ce qui fit qu’elles se reconsolidèrent peu après. Je te dis ceci, afin que, si jamais malheur pareil t’arrive, tu prennes les mêmes précautions. Pour comble de malheur, le timon de la voiture était brisé et il leur fallut faire plus d’une lieue à pied, avant d’arriver à Rome.

Voilà mes nouvelles. Des autres je n’en sais point. Je ne sais ce que devient M. de la M[ennais]. Montalembert m’avait fait dire qu’il m’écrirait avant de s’embarquer; je n’ai rien reçu.

Je vais suivre un cours de droit canon; le cardinal Micara m’y a fortement engagé. Comme un cours dure trois ans, je prévois que l’année prochaine, après vous avoir fait une visite de quatre mois, je reviendrai me colloquer ici pour quelque temps encore. Si pendant ce temps-là tu juges à propos de trouver quelqu’un qui te convienne, je pourrais bien te marier. Entends-tu cela, ma chère amie? Je voudrais que tu visses approcher l’hiver aussi joyeusement que moi, et, pour te dire vrai, je voudrais aussi que tu me donnasses un peu de ton effroi. Car certes j’ai aussi, de mon côté, bien sujet d’être effrayé. Cependant, il n’y a pas moyen de l’être, ce qui me rend confus après tout. Je pense que Dieu conduit chacun par des voies différentes, qu’il traite avec douceur les gens faibles comme moi, et qu’il réserve ses effrois et ses terreurs pour les gens d’une trempe forte comme la tienne.

Je lis en ce moment le connétable de Chester, en anglais bien entendu. Je t’engage à le lire aussi. Je suis sûr que, si tu ne le connais pas, il te plaira beaucoup. Je suis sûr qu’il te fera faire un peu d’huile pour les souris. J’étudie l’anglais, et, à côté de l’allemand, je trouve que ce n’est rien du tout, au moins pour le lire. Dans le moment, je ne veux pas autre chose. Je suis placé entre le bon Mac-Carthy, qui a une dévotion fanatique pour sa nation, et le cardinal Micara qui a passé sa vie avec des Anglais et ne peut pas les sentir. Je trouve qu’ils ont beaucoup de bon, pourvu qu’on leur passe la petite vanité de se croire le premier peuple du monde.

Je veux te traduire un sonnet de Mac-Carthy, pour te donner une idée de son talent. Il faut te dire que le sonnet est un genre à la mode en Angleterre.

Stella matutina, ora pro nobis

Oui, dans l’amoureuse profondeur de ces yeux purs et dans ce sourire béni il y a une lumière, dont les rayons répandent chaque matin un céleste éclat, comme les feux consolateurs d’un ciel étoilé. Ils peuvent fortifier les malheureux, soutenir les infirmes, rallumer les feux à demi éteints de l’amour, élever le coeur au-dessus de cette terre si décolorée et si triste par un secours divin qu’ils communiquent. Mais, hélas! les vapeurs des passions et les nuages d’une fantaisie désordonnée se montrent trop tôt, obscurcissent le ciel et nous enlèvent la vision d’une céleste atmosphère et au milieu du terne brouillard d’un monde sans pensée, le soleil de midi a déjà séché les pleurs du matin.

M. Poly m’a dérangé au milieu de ma traduction; c’est horriblement traduit. Je n’ai pas le temps de t’en dire davantage. Adieu.

Emmanuel.
Notes et post-scriptum
1.Voir des extraits dans *Notes et Documents*, t.Ier, p. 584.