Vailhé, LETTRES, vol.1, p.725

1 nov 1834 Rome, COMBEGUILLE Alexis
Informations générales
  • V1-725
  • 0+222|CCXXII
  • Vailhé, LETTRES, vol.1, p.725
Informations détaillées
  • 1 AUGUSTIN
    1 AUTORITE DE L'EGLISE
    1 BAPTEME
    1 CHRISTIANISME
    1 DOGME
    1 DOUTE
    1 ENCYCLIQUE
    1 ERREUR
    1 ESPECE HUMAINE
    1 EVEQUE
    1 FOI
    1 IMPRESSION
    1 JESUS-CHRIST
    1 LANGUE
    1 MATIERES SCOLAIRES
    1 MYSTERE
    1 PAPE
    1 PENSEE
    1 PHILOSOPHIE CHRETIENNE
    1 REGNE
    1 REVELATION
    1 SALUT DES AMES
    1 SOCIETE
    1 SOUMISSION DE L'ESPRIT
    1 THEOLOGIENS
    1 THOMAS D'AQUIN
    1 VERITE
    2 ALZON, HENRI D'
    2 ALZON, MADAME HENRI D'
    2 BAUTAIN, LOUIS
    2 BONALD, LOUIS DE
    2 DU LAC, JEAN-MELCHIOR
    2 GREGOIRE XVI
    2 HERMES, GEORGES
    2 KANT, EMMANUEL
    2 LACORDAIRE, HENRI
    2 LAMENNAIS, FELICITE DE
    2 PAUL, SAINT
    2 ROOTHAAN, JEAN-PHILIPPE
    3 ALLEMAGNE
    3 ROME
  • A MONSIEUR ALEXIS COMBEGUILLE (1).
  • COMBEGUILLE Alexis
  • le 1er novembre 1834.
  • 1 nov 1834
  • Rome,
La lettre

Il y a déjà quelque temps que je m’en veux, mon cher ami, de ne vous avoir pas encore répondu. Quelques courses aux environs de Rome, qu’il faut de rigueur faire pendant le mois d’octobre, m’ont empêché de vous remercier de votre aimable et excellente lettre du 22 septembre.

Je vous remercie en particulier de ce que vous me dites sur la responsabilité que prennent certaines personnes dans leur correspondance avec l’abbé. Je vous avoue que je ne m’attendais pas du tout à ce qu’il prît mes expressions dans le sens qu’il leur a donné. Il est bien vrai que, généralement, on a été ici mécontent de l’encyclique; mais que l’on n’ait pas voulu la reconnaître comme dogmatique, c’est une autre affaire. Au contraire, quelques théologiens, que je ne connais pas, ayant élevé quelques doutes sur la validité de cet acte, attendu qu’il n’avait pas été fait, selon eux, d’après toutes les règles suivies ordinairement en pareil cas, leur opinion est tombée, les principaux amis de l’abbé de la M[ennais] ayant déclaré qu’ils se soumettaient entièrement. Je vous conjure de garder ces détails pour vous seul. Je vois avec peine que je ne m’explique pas toujours de manière à me faire bien comprendre. et, de bouche en bouche, mes paroles pourraient recevoir une interprétation totalement éloignée de ma pensée.

La question de la soumission absolue une fois résolue, reste la question de savoir en quoi consiste la condamnation. Je crois que le temps seul peut décider la question. Des hommes très graves persistent à penser que le système de M. de la M[ennais] n’est pas celui que le Pape a voulu désigner. Vous voyez, en effet, qu’en Allemagne certains évêques appliquent ce blâme à Hermès(2), qui a voulu faire une démonstration du christianisme d’après la méthode de Kant. pour moi, je me soumets sans réserve à ce que dit le Souverain Pontife et, quoique je ne sois pas assuré que le système de M. de la M[ennais] soit celui qu’a frappé [l’encyclique], je l’ai assez modifié ,pour n’avoir rien à craindre sous ce rapport.

Vous me dites que vous ne savez pas bien si l’on peut démontrer la vérité du christianisme par la raison. Voici ma manière de penser à ce sujet. Si vous avez quelques observations à me faire, vous voudrez bien me les communiquer. Les questions s’avancent bien plus par ces discussions amicales et secrètes que par tout le fracas des disputes publiques.

Je crois avec saint Thomas que, quoique l’homme puisse par la seule raison arriver à la vérité, ce ne serait jamais qu’après beaucoup de temps, avec le mélange d’un grand nombre d’erreurs, et qu’encore un très petit nombre d’hommes pourraient y parvenir au milieu de tant d’inconvénients. Ceci est presque textuellement pris d’une des premières questions de la Somme.

Je crois en second lieu que le catholicisme étant l’expression de la raison souveraine, et l’homme étant fait pour participer à cette raison, il peut et doit essayer de comprendre ce que la foi lui propose. Saint Augustin exprime cette pensée en mille endroits et, entre autres, au traité Du libre arbitre, il dit: « Nous cherchons à comprendre ce que nous croyons par la foi. » La Somme de saint Thomas n’est qu’un magnifique effort de la raison pour comprendre, autant qu’il est permis ici-bas, les mystères de la révélation. Les preuves d’autorité ne sont presque pas développées dans son livre; les preuves de raison occupent la plus grande place.

Donc, l’homme peut arriver par la raison à la vérité. Mais il doit rejeter cette voie comme trop longue et trop incertaine, quand Dieu veut le conduire par une vie plus courte et plus sûre. En second lieu, on peut légitimement chercher à comprendre dès ici-bas les mystères. Mais en troisième lieu, cette conception ne doit être tentée que lorsqu’on a déjà la foi.

Ce système, qui me paraît ressortir de chaque page de saint Augustin, me satisfait extrêmement. Il faut commencer par croire, ensuite essayer de comprendre. Le tort de M. de la M[ennais] me paraît, en premier lieu, d’avoir trop imposé la foi, sans presque laisser à l’intelligence le moyen de s’assurer de la foi. On se tire de cette difficulté [en disant] que l’esprit est infaillible dans ses perceptions et qu’il n’est faillible que dans ses jugements. Si vous pouvez vous procurer une Somme de saint Thomas, vous verrez développé ce que je vous dis, à la question: Utrum error sit in intellectu componente vel dividente?

Si vous voulez savoir mon système de philosophie, le voici en deux mots. Je crois que l’homme est nécessairement passif, avant d’être actif, c’est-à-dire qu’il reçoit certaines impressions premières, sans qu’il puisse s’en rendre compte; qu’il n’a ensuite d’autre moyen de vérifier l’exactitude de ses premières impressions -lorsqu’il a sujet de les croire douteuses- que par la raison générale. Jusque-là, il ne faut pas être philosophe pour admettre ces premiers faits qui forment la base de la raison humaine, mais la philosophie consiste, non pas à prouver les faits, mais à en comprendre la raison, l’ordre, l’harmonie.

Appliquez ce principe à toutes les sciences, vous verrez de quelle fécondité il est. Une fois les faits fournis par le sens commun expliqués, il peut passer à l’examen de certaines questions douteuses, et qui se résolvent par les premiers principes et les démonstrations de ces premiers principes. Cette méthode est rigoureusement mathématique. Vous savez qu’en mathématique on procède par axiomes, théorèmes et problèmes.

Quant à la religion, la méthode est bien simple. Sans m’arrêter à prouver l’existence de Dieu, je dis avec saint Thomas qu’en religion il faut partir d’une première vérité et que, si l’adversaire nie cette vérité première, on peut réfuter ses objections, mais non lui prouver quelque chose. Or, de toutes les vérités qui entrent naturellement dans la tête de l’homme, je prends la plus générale, celle de cause, de Dieu, de premier principe, vérité qui, rejetée, ne permet pas d’en admettre une autre, de quelque ordre que ce soit; et, au nom de cette première vérité, j’instruis avec autorité celui à qui je m’adresse.

Cette méthode vous surprend peut-être. Cependant si je vous l’explique bien, je suis sûr que vous l’approuverez. Remarquez que comme dit M. de Bonald, l’homme ne parle que parce qu’on lui a parlé, qu’il a donc besoin d’un maître, et que la méthode, qui prétend prendre l’homme dès les premiers principes et cependant le suppose seul, va contre tous les faits et viole l’ordre naturel: en second lieu, que si, comme je le disais plus haut, l’homme est passif avant d’être actif, il faut que par sa partie passive il la [l’idée de cause] reçoive avant de la comprendre par sa partie active; en troisième lieu, que l’homme ayant besoin d’être mû par un premier mobile et de recevoir la vérité, ne peut la recevoir avec plus de sincérité que lorsqu’on la lui présentera au nom de Dieu; en quatrième lieu, que celui qui parle, parlant au nom de Dieu, n’a besoin pour montrer sa mission divine que d’opérer des faits divins, ou de montrer des faits divins opérés par ceux qui l’ont envoyé.

Enfin, cette méthode est celle qu’adopta saint Paul dans le seul discours qui nous soit resté de lui, de ceux qu’il a adressés aux Gentils pour les convertir. Lisez dans les Actes des apôtres son discours à l’Aréopage. Il leur parle de l’idée de Dieu qui était très confuse chez eux, et c’est au nom de ce Dieu qu’il leur révèle la vérité.

Une observation du même genre se présente naturellement. Pourquoi Jésus- Christ, en instituant le baptême, n’a-t-il pas permis qu’un homme pût se baptiser lui-même? Et pourquoi cette fonction est-elle la première qui soit confiée à ceux qui sont envoyés pour annoncer le royaume de Dieu? sinon parce que l’homme est naturellement limité dans la possession de la vérité(3). Le baptême nous fait entrer par la foi ce besoin de nous être enseigné par un maître, fides ex auditu(4).

Donc, la méthode pour parvenir à la vérité qui isole l’homme de ses semblables est mauvaise et antinaturelle. Donc, la vérité doit être annoncée par quelqu’un qui l’annonce tanquam potestatem habens. En religion, cette autorité est l’Eglise; en philosophie, le sens commun. Ce que l’on a pu blâmer dans M. de la M[ennais] a été de faire reposer l’autorité de l’Eglise sur celle du genre humain. Par la méthode que j’indique, cet inconvénient est levé. A la vérité, au commencement, il faut bien partir de certains faits incontestables hors de l’Eglise; mais ce sont des faits pris dans la nature de l’homme et dont il faudra toujours tenir compte, quand on s’adressera à des hommes. Ma manière de procéder n’est pas, non plus, celle de Lacordaire qui part de l’autorité de l’Eglise, méthode dans laquelle je ne comprends pas trop comment il prouve Dieu et la légitimité de l’Eglise.

Voilà une lettre immense et horriblement écrite. Je vous prie, mon cher ami, de me pardonner si je ne la relis pas. Le temps me manque.

Adieu. Tout à vous.

Emmanuel.
Notes et post-scriptum
1. Voir des extraits de ce brouillon de lettre dans *Notes et Documents*, t. 1er, p. 459 sq. et 481. Nous avons déjà donné, à la date du 29 octobre, un autre projet de lettre destiné au même Combeguille. Il est probable que ni l'un ni l'autre n'a été envoyé dans sa teneur actuelle, mais qu'avec un troisième brouillon incomplet, dont nous allons citer les passages principaux, ils ont servi à arrêter le texte définitif de la réponse que nous n'avons plus. Voici des extraits du troisième brouillon. "...Vous avez depuis quelque temps perdu le bon du Lac, qui doit maintenant être établi à Paris. Je comprends que vous vous apercevrez longtemps de son absence. C'est un si bon ami! Je suis bien aise qu'il se soit décidé à refaire un grand coup. Mais je sens tout ce qu'il a eu de pénible pour lui. Il aime ses parents à la folie et il se sépare de ses parents malgré eux. Il m'avait promis de m'écrire dès qu'il serait à Paris; je n'ai pourtant pas reçu de ses nouvelles.
"Je vous remercie de tous les détails dans lesquels vous avez bien voulu entrer. Je pense, comme vous, que l'encyclique est un acte dogmatique obligatoire et je ne puis comprendre que l'on ait pu conclure le contraire de mes lettres. Dans certaines circonstances, les gens qui ordinairement voient le mieux ont les yeux troublés. Je pense, comme vous encore, qu'il n'est pas facile de savoir ce que l'encyclique désapprouve en blâmant un système philosophique. Tandis que les évêques de France prétendent que le Pape parle du système du sens commun, les évêques allemands se prévalent du même passage contre la philosophie de Hermès, comme vous avez pu le voir dans l'*Univers religieux*. Que signifie ceci? Pour moi, je m'en inquiète peu. Je me soumets à l'encyclique, quelque système qu'elle blâme, et j'ai assez modifié celui de M. de la M[ennais], pour croire pouvoir demeurer en sûreté de conscience.
"Il est fâcheux sans doute que l'on en soit réduit à une pareille obscurité; elle prête à une foule de fausses interprétations. Hier, le Père générale des Jésuites a dit à un Belge qu'il était très mécontent de l'encyclique. Dans quel sens a-t-il parlé ainsi? C'est ce que j'ignore. Nous continuons à vivre ici au jour le jour, entre l'oubli de la veille et la terreur du lendemain. On n'apprend rien du temps et l'on ne veut rien apprendre. Triste moyen de sortir de la position difficile où l'on se trouve.
"Vous me dites dans votre lettre une chose, sur laquelle je me permettrai une observation. Vous croyez que la vérité de la religion n'est pas démontrable à la raison seule, et que cette indémontrabilité est plus conforme à la foi... Je crois que là-dessus on peut s'en rapporter au passage de saint Thomas, dont voici la traduction: `Quoique par sa seule [raison] l'homme puisse parvenir à la connaissance de la vérité comme il ne peut la posséder qu'après de longues études enveloppées d'erreurs et que peu de gens peuvent encore y arriver, il a été convenable que Dieu employât un moyen plus simple.'
"D'après ces paroles, à peu près littéralement traduites, on peut conclure: 1° Que la raison seule n'est pas dans l'impossibilité absolue d'arriver à la vérité ; 2° Que la possibilité d'acquérir la vérité e;t entourée de telles difficultés pour l'immense majorité des hommes qu'elle équivaut à une impossibilité; 3° Que l'esprit doit suivre une voie plus simple et que, s'il ne doit pas suivre la raison seule, il doit donc adopter la voie de l'autorité; 4° Que pour concilier la raison avec l'autorité, il faut commencer par se soumettre, ensuite essayer de comprendre. Cette doctrine est celle de saint Augustin. Il dit en mille endroits que la raison est la première en soi, l'autorité la première par le temps; que nous cherchons à comprendre par la raison ce que nous croyons par la foi; que nous devons d'abord croire en Dieu, ensuite essayer de comprendre ce qu'il est, et mille autres textes qu'il serait trop long d'énumérer.
"Comment l'autorité est-elle notre appui? C'est la question sur laquelle M. de la M[ennais] me paraît s'être trompé. L'autorité est un fait que l'homme admet naturellement, parce que toute perception frappe naturellement l'homme et qu'il est infaillible dans ses perceptions selon la doctrine de saint Thomas et des scolastiques. L'autorité est un fait auquel l'homme se soumet, comme à toutes les vérités que l'autorité lui présente. Mais pour connaître certaines choses, il n'a pas besoin que l'autorité vienne les lui attester. Si je vois Ie soleil, le monde entier viendrait me dire: `Vous ne le voyez pas'; je répondrais: `Il est possible que ce que je vois ne soit pas le soleil, mais mes yeux sont frappés par un corps lumineux qui lui ressemble entièrement.' Il peut arriver que dans le délire un homme croie voir ce que réellement il ne voit pas, mais c'est alors que la réunion des hommes bien portants doit constater sa folie..." *Là suite manque*.1. Voir des extraits de ce brouillon de lettre dans *Notes et Documents*, t. 1er, p. 459 sq. et 481. Nous avons déjà donné, à la date du 29 octobre, un autre projet de lettre destiné au même Combeguille. Il est probable que ni l'un ni l'autre n'a été envoyé dans sa teneur actuelle, mais qu'avec un troisième brouillon incomplet, dont nous allons citer les passages principaux, ils ont servi à arrêter le texte définitif de la réponse que nous n'avons plus. Voici des extraits du troisième brouillon. "...Vous avez depuis quelque temps perdu le bon du Lac, qui doit maintenant être établi à Paris. Je comprends que vous vous apercevrez longtemps de son absence. C'est un si bon ami! Je suis bien aise qu'il se soit décidé à refaire un grand coup. Mais je sens tout ce qu'il a eu de pénible pour lui. Il aime ses parents à la folie et il se sépare de ses parents malgré eux. Il m'avait promis de m'écrire dès qu'il serait à Paris; je n'ai pourtant pas reçu de ses nouvelles.
"Je vous remercie de tous les détails dans lesquels vous avez bien voulu entrer. Je pense, comme vous, que l'encyclique est un acte dogmatique obligatoire et je ne puis comprendre que l'on ait pu conclure le contraire de mes lettres. Dans certaines circonstances, les gens qui ordinairement voient le mieux ont les yeux troublés. Je pense, comme vous encore, qu'il n'est pas facile de savoir ce que l'encyclique désapprouve en blâmant un système philosophique. Tandis que les évêques de France prétendent que le Pape parle du système du sens commun, les évêques allemands se prévalent du même passage contre la philosophie de Hermès, comme vous avez pu le voir dans l'*Univers religieux*. Que signifie ceci? Pour moi, je m'en inquiète peu. Je me soumets à l'encyclique, quelque système qu'elle blâme, et j'ai assez modifié celui de M. de la M[ennais], pour croire pouvoir demeurer en sûreté de conscience.
"Il est fâcheux sans doute que l'on en soit réduit à une pareille obscurité; elle prête à une foule de fausses interprétations. Hier, le Père générale des Jésuites a dit à un Belge qu'il était très mécontent de l'encyclique. Dans quel sens a-t-il parlé ainsi? C'est ce que j'ignore. Nous continuons à vivre ici au jour le jour, entre l'oubli de la veille et la terreur du lendemain. On n'apprend rien du temps et l'on ne veut rien apprendre. Triste moyen de sortir de la position difficile où l'on se trouve.
"Vous me dites dans votre lettre une chose, sur laquelle je me permettrai une observation. Vous croyez que la vérité de la religion n'est pas démontrable à la raison seule, et que cette indémontrabilité est plus conforme à la foi... Je crois que là-dessus on peut s'en rapporter au passage de saint Thomas, dont voici la traduction: `Quoique par sa seule [raison] l'homme puisse parvenir à la connaissance de la vérité comme il ne peut la posséder qu'après de longues études enveloppées d'erreurs et que peu de gens peuvent encore y arriver, il a été convenable que Dieu employât un moyen plus simple.'
"D'après ces paroles, à peu près littéralement traduites, on peut conclure: 1° Que la raison seule n'est pas dans l'impossibilité absolue d'arriver à la vérité ; 2° Que la possibilité d'acquérir la vérité e;t entourée de telles difficultés pour l'immense majorité des hommes qu'elle équivaut à une impossibilité; 3° Que l'esprit doit suivre une voie plus simple et que, s'il ne doit pas suivre la raison seule, il doit donc adopter la voie de l'autorité; 4° Que pour concilier la raison avec l'autorité, il faut commencer par se soumettre, ensuite essayer de comprendre. Cette doctrine est celle de saint Augustin. Il dit en mille endroits que la raison est la première en soi, l'autorité la première par le temps; que nous cherchons à comprendre par la raison ce que nous croyons par la foi; que nous devons d'abord croire en Dieu, ensuite essayer de comprendre ce qu'il est, et mille autres textes qu'il serait trop long d'énumérer.
"Comment l'autorité est-elle notre appui? C'est la question sur laquelle M. de la M[ennais] me paraît s'être trompé. L'autorité est un fait que l'homme admet naturellement, parce que toute perception frappe naturellement l'homme et qu'il est infaillible dans ses perceptions selon la doctrine de saint Thomas et des scolastiques. L'autorité est un fait auquel l'homme se soumet, comme à toutes les vérités que l'autorité lui présente. Mais pour connaître certaines choses, il n'a pas besoin que l'autorité vienne les lui attester. Si je vois Ie soleil, le monde entier viendrait me dire: `Vous ne le voyez pas'; je répondrais: `Il est possible que ce que je vois ne soit pas le soleil, mais mes yeux sont frappés par un corps lumineux qui lui ressemble entièrement.' Il peut arriver que dans le délire un homme croie voir ce que réellement il ne voit pas, mais c'est alors que la réunion des hommes bien portants doit constater sa folie..." *Là suite manque*.
2. Le texte porte par erreur Hammer. Il s'agit du philosophe et théologien allemand Georges Hermès, né en 1775 et mort professeur à" l'Université de Bonn, le 26 mai 1831. Son système d'apologie chrétienne, qui était l'opposé de ceux de La Mennais et de Bautain, déjà critiqué de son vivant, fut, èe 1833, dénoncé au Saint-Siège par quelques évêques allemands comme contraire à l'enseignement de l'Eglise. Le Saint-Office fut donc saisi de l'affaire et, sur avis conforme des cardinaux inquisiteurs, le 26 septembre 1835, le pape Grégoire XVI publia un bref de condamnation. Une autre condamnation suivit peu après, le 7 janvier 1836.
3. C'est ainsi que nous interprétons le texte de l'auteur qui porte seulement ceci: "Sinon parce que naturellement la vérité dans sa possession"; ce qui n'a pas de sens. Le jeune d'Alzon avoue lui-même,un peu plus loin qu'il a écrit rapidement cette lettre et ne l'a pas relue.
4. Le sens de cette phrase grammaticalement obscure n'est pas douteux: Le baptême fait pénétrer en nous par la foi le besoin que nous avons d'être enseignés par un maître.