Vailhé, LETTRES, vol.1, p.734

18 nov 1834 Rome, ALZON_MADAME
Informations générales
  • V1-734
  • 0+224|CCXXIV
  • Vailhé, LETTRES, vol.1, p.734
Informations détaillées
  • 1 ANGLAIS
    1 AVENT
    1 BELGES
    1 BENEDICTION
    1 CARDINAL
    1 CATHOLIQUE
    1 CELEBRATION DE LA MESSE PAR LE PRETRE
    1 CHOIX
    1 CRAINTE
    1 CRECHE DE JESUS-CHRIST
    1 DIACONAT
    1 ENFANTS
    1 EVEQUE
    1 FORTUNE
    1 IMAGINATION
    1 JOIE
    1 LANGUE
    1 MARIAGE
    1 MISSIONNAIRES
    1 NOEL
    1 NOVICIAT
    1 ORDINATIONS
    1 ORDRES SACRES
    1 PIETE
    1 PRESSE
    1 QUATRE-TEMPS
    1 RETRAITE SPIRITUELLE
    1 SACERDOCE
    1 SANTE
    1 SOUCIS D'ARGENT
    1 SOUS-DIACONAT
    1 VIE DE PRIERE
    2 ALZON, AUGUSTINE D'
    2 ALZON, HENRI D'
    2 CHABAUD, ABBE
    2 COMBALOT, THEODORE
    2 FOURRE, ALPHONSE
    2 LAMENNAIS, FELICITE DE
    2 MAC CARTHY, JUSTIN
    2 MICARA, LODOVICO
    2 MONTPELLIER THEODORE-JOSEPH DE
    2 ODESCALCHI, CARLO
    2 PERRET, CLEMENTINE
    2 PINS DE
    3 FRANCE
    3 GRENOBLE
    3 PARIS
    3 ROME, BASILIQUE SAINTE-MARIE MAJEURE
    3 ROME, COUVENT SAINT-EUSEBE
  • A SA MERE (1).
  • ALZON_MADAME
  • le 18 novembre 1834.
  • 18 nov 1834
  • Rome,
  • Madame
    Madame la vicomtesse Henry d'Alzon,
    rue de Grenelle, St-Germain, hôtel Castellane.
    Paris.
    Rue de Varennes, n° 4.
La lettre

Ma chère petite mère,

Enfin, vous voilà à Paris et je présume que vous y serez pour le temps que vous y passez ordinairement. Je suis bien aise de savoir mon Père avec vous. Pour moi, je me dispose à prendre les ordres encore plus tôt que je ne pensais d’abord. On m’a fait observer qu’en les prenant à la suite, je pourrais pendant un certain temps ne m’occuper que de piété, ce qui me ferait un certain bien. Il est donc convenu que j’entrerai à Saint-Eusèbe, maison de retraite des Jésuites, le 29 novembre, et que j’en sortirai le lendemain de la Noël. Pendant ce temps, je prendrai le sous-diaconat -je ne sais pas encore bien quel jour,- le diaconat aux Quatre-Temps, et le sacerdoce le lendemain, dimanche. C’est le bon abbé de Montpellier qui m’a tout arrangé et qui a bien voulu se charger de me donner tous les renseignements qui pouvaient m’être nécessaires.

Je serai ordonné prêtre par le cardinal Odescalchi. J’aurais bien voulu pouvoir l’être par le cardinal Micara mais il n’est pas évêque. Je vois arriver ce grand jour avec bonheur, étonnamment surpris, mais pas avec assez de crainte. C’est sans doute que Dieu veut me voiler une partie des peines et des croix qui m’attendent. Je dirai ma première Messe le jour de Noël. Je voudrais bien pouvoir profiter du privilège pour en dire trois. On me fait espérer que je pourrai les dire devant la sainte Crèche, que l’on conserve à Sainte-Marie Majeure. Je me fais une joie, ma chère petite mère, de pouvoir dire une messe pour vous et de vous fixer le jour dans le mois, où nous pourrons prier l’un pour l’autre. Je ne comprends pas de pensée plus douce que celle-là. Il est inutile de vous demander un redoublement de prières pour tout cet Avent. Vous comprenez combien j’en aurai besoin.

Quand je pense que, dans un mois et quelques jours, je serai prêtre, je me surprends à tressaillir. Cependant, je vous assure que je ne puis pas venir à bout d’être effrayé de ce caractère si formidable!

Vous verrez sans doute à Paris le bon abbé Combalot. Je vous prie de lui parler de moi et de lui dire que je lui suis toujours tendrement attaché, que je parle souvent de lui avec un prêtre, qui a été avec lui au noviciat des Jésuites et qui même a été son compagnon de chambre. C’est M. l’abbé Chabaud(2). Engagez-le à m’écrire. Je lui aurais écrit cet été, si j’avais su son adresse. Je serai bien aise de pouvoir le rencontrer quelque part, lorsque je retournerai en France. Je voudrais quelque jour faire une année de missions avec lui. Ce sont des idées dont l’exécution se réalisera quand les circonstances le permettront. Quoique je ne me croie pas appelé à être missionnaire, il me semble qu’un des meilleurs moyens de connaître les hommes est de faire quelques missions.

J’ai parfaitement compris que le parti que je proposais ne convenait pas, quoiqu’il eût de grands avantages. Si M. de Pins doit avoir la fortune qu’il annonce, il n’y aura rien à dire. Dans le moment, il paraît qu’il ne la possède pas. Il y a, si je ne me trompe, plusieurs enfants, et il faut partager. Cependant, pour le dire sans en être pourtant bien sûr, je serais porté à croire qu’Augustine est assez portée pour ce qu’on lui propose, puisqu’elle me dit qu’elle tient fort peu à la fortune, sans cependant faire aucune application. Il me semble que cette pauvre petite soeur a besoin qu’on la décide et qu’en même temps on l’occupe. Elle m’apprend que vous lui avez promis un maître d’anglais. Je pense que le meilleur moyen est de lui fournir les moyens de se fortifier dans cette langue. Elle y prendra goût et ce sera un repos pour son imagination. Je suis convaincu encore que vous ne sauriez mieux faire pour sa santé que de lui trouver promptement quelqu’un. C’est difficile, il est vrai. On m’a parlé d’un jeune homme, Justin de Mac-Carthy. Celui-là est du côté de Grenoble. Je sais qu’il a quatre-vingt mille livres de rentes, qu’il est religieux, et son extérieur est bien. M. Combalot pourrait peut-être vous en parler.

Je ne pensais pas que les frais de mon ordination dussent se monter jusqu’où il paraît qu’ils iront. J’avais le projet de ne demander de l’argent à mon père que vers le 1er février. Je vois qu’il m’en faudra un mois plus tôt; peut-être même me faudra-t-il tirer une lettre sur mon père, à Paris. Dans ce cas-là, je prendrais 500 francs. Je tirerais sur Paris, parce que les frais de commission seraient bien moindres. L’abbé de Montpellier, qui en sa qualité de Belge ne jette pas l’argent pas les fenêtres, m’a dit que cela se monterait à 300 francs. Il y a des frais de papier qui sont horriblement chers.

Les affaires de M. de la M[ennais] ne vont pas trop mal ici; Son silence lui a fait du bien. Il paraît qu’en France on n’a pas envisagé la chose sous le même point de vue. L’Ami de la religion avait, dans le numéro qui nous est arrivé aujourd’hui, un article vraiment haineux contre tous ceux qui n’entendaient pas le système de M. de la M[ennais] dans le sens qu’il lui donne. M. Combalot y est même attaqué avec une âpreté inconcevable.

Mais laissons ces discussions pour en revenir à notre grande affaire. Elle me préoccupe sans cesse, et je ne puis me faire à l’idée que je serai prêtre dans un mois et quatre jours. Si j’eusse été près de vous, je vous aurais demandé votre bénédiction ainsi qu’à mon père, au moment où vous auriez été sur le point de me céder définitivement à Dieu. J’espère que vous me l’enverrez. Vos voeux franchiront aisément la distance qui nous sépare.

Adieu, chère petite mère. Je veux écrire un mot à Augustine et à Clémentine Perret qui m’a écrit par M. Fouré. Adieu. Adieu.

Emmanuel.
Notes et post-scriptum
1. Voir *Notes et Documents*, t. Ier, p. 598 sq.2. Cet abbé est précisément mentionné à cette époque dans le Journal de l'abbé d'Alzon.