Vailhé, LETTRES, vol.1, p.757

• V1-757
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• Vailhé, LETTRES, vol.1, p.757

• 1 AVENT
  1 DIACONAT
  1 FATIGUE
  1 INCONSTANCE
  1 MARIAGE
  1 ORAISON
  1 ORDRES SACRES
  1 PENSEE
  1 QUATRE-TEMPS
  1 REGLES DES RELIGIEUX
  1 RETRAITE SPIRITUELLE
  1 REVOLTE
  1 SACERDOCE
  1 SOUS-DIACONAT
  1 SOUVENIRS
  1 TRISTESSE
  1 VOCATION SACERDOTALE
  1 VOYAGES
  2 ALZON, MADAME HENRI D'
  2 CATON L'ANCIEN
  2 CICERON
  2 HORACE
  2 IGNACE DE LOYOLA, SAINT
  2 LA GOURNERIE, EUGENE DE
  3 ALBANO
  3 FRANCE
  3 LAVAGNAC
  3 MONTE PORZIO
  3 PARIS
  3 ROME
  3 ROME, BASILIQUE SAINTE-CROIX DE JERUSALEM
  3 TIVOLI
  3 TUSCULUM
• A SON PERE (1).
• ALZON_VICOMTE
• le 6 décembre 1834.
• 6 dec 1834
• Rome,

Mon cher petit père,

Il y a un siècle que je ne vous ai écrit. Aussi, j’interromps mes exercices de retraite pour vous dire un mot; car je suis depuis six ou sept jours en retraite, pour me disposer à entrer dans les ordres. Quoique le jour fixé pour la réception du sous-diaconat ait été changé, les deux autres jours seront les mêmes: c’est-à-dire que je serai ordonné sous-diacre le IIIe Dimanche de l’Avent, diacre le Samedi des Quatre-Temps, prêtre le lendemain (2). J’espère que vous pensez à moi pendant tout ce temps-ci d’une manière toute particulière. Quoique les bons Pères Jésuites, auxquels je m’en suis remis, prétendent que, d’après les règles de saint Ignace, il faut examiner ma vocation, j’ai fait tout comme si elle était examinée.

Je pense que lorsque vous serez reposé des fatigues du voyage de Paris, vous me donnerez de vos nouvelles; car, sans reproche, il y a longtemps que je n’en ai reçu. Mais je comprends que les affaires que vous avez eu à régler en partant de Lavagnac vous ont pris votre temps. Maintenant que vous serez moins occupé, vos lettres, j’y compte du moins, seront plus fréquentes.

Je n’ai aucune nouvelle à vous donner de Rome. Depuis huit jours, j’y vis comme si j’en fusse à cent lieues; je ne parle à personne et je m’occupe uniquement de ma grande affaire. Je ne m’occupe du monde que lorsque je regarde par ma fenêtre et que je vois Tivoli, l’ancien séjour d’Horace, Montc-Porzio, où habita Caton, Tusculum, ville de Cicéron, Albano, berceau de l’empire romain, les débris de quelques temples et, tout près de moi, Sainte-Croix de Jérusalem, ou se conserve la plus grande partie de la croix qui a renversé l’épicurisme d’Horace, le stoïcisme de Caton, le platonisme de Cicéron, et a reculé les limites de l’empire romain en lui donnant des lois nouvelles et un dieu nouveau. Si vous étiez romantique, je vous ferais part de toutes les idées qui me passent par la tête, lorsque je regarde ces choses par un clair de lune douteux (3). Toutes mes réflexions entrent fort bien dans une méditation sur l’instabilité des choses humaines.

Je ne sais si vous avez reçu la lettre que La Gournerie a écrite à ma mère, pour lui proposer un parti. C’est un jeune homme qui a actuellement dix mille livres de rentes et qui, un jour, en aura cinquante mille. Il me semble que ce n’est pas une proposition à dédaigner.

La vue de Paris a dû, ce me semble, vous être peu agréable. Vous avez dû y arriver avec tant de souvenirs pénibles sur ce qui s’y est passé depuis que vous l’aviez quitté. J’espère cependant que toutes les pensées tristes qui attendent les honnêtes gens à la porte de la ville des barricades ne vous empêcheront pas d’y passer l’hiver d’une manière agréable, jusqu’à ce que j’aille vous chercher, dans quelque endroit de la France que vous soyez, à Paris ou à Lavagnac, au mois de juin prochain.

Adieu, mon cher petit père. Je vous embrasse de tout mon coeur.