- V1-784
- 0+239|CCXXXIX
- Vailhé, LETTRES, vol.1, p.784
- 1 APOTRES
1 AUTORITE DIVINE
1 BONHEUR
1 CELEBRATION DE LA MESSE PAR LE PRETRE
1 DOGME
1 DOUTE
1 ENNEMIS DE L'EGLISE
1 ERREUR
1 HONTE
1 INTELLIGENCE
1 JESUS-CHRIST
1 LIVRES
1 MALADIES
1 PENSEE
1 POLEMIQUE
1 PROTESTANTISME
1 PROTESTANTISME ADVERSAIRE
1 RECONNAISSANCE
1 SALUT DES AMES
1 SCEPTICISME
1 VERITE
2 BONALD, LOUIS DE
2 BOSSUET
2 LOUIS XIV
2 RODIER, MADAME JEAN-ANTOINE
2 ROUSSEAU, JEAN-JACQUES
3 FRANCE - A SON ONCLE [RODIER] (1).
- RODIER_MONSIEUR
- le 27 janvier 1835.
- 27 jan 1835
- Rome,
Mon cher oncle,
Je vous remercie mille fois de votre bonne lettre. J’étais bien persuadé que vous partagiez mon bonheur et que vous le compreniez, ce qui malheureusement n’est pas donné à tout le monde, mais je vous dois mille remerciements pour avoir pris la peine de me le témoigner. Ma tante vous dira que, voulant dire la messe pour vous, et pour tous les vôtres, je lui ai assigné un jour; elle vous fera part de nos arrangements à cet égard.
Je laisserai encore pour aujourd’hui, si vous le voulez bien, la question des livres de côté, pour parler de la grande question que je rumine dans ma tête, la question du protestantisme. Je crois que, pour faire quelque bien, il faut, lorsqu’on n’a pas un génie universel, s’attacher à une classe d’individus malades et s’efforcer particulièrement de soigner ceux-là. Il m’a pris souvent fantaisie d’essayer d’arracher les dernières racines que le protestantisme, considéré comme secte religieuse, peut avoir encore dans la terre de France. Considéré sous ce point [de vue] religieux, peu d’études sont nécessaires; il suffit d’étudier Bossuet et les grands controversistes du siècle de Louis XIV. De plus, il me paraît que le protestantisme n’est plus une religion. Qui dit religion dit lien, et le lien des intelligences n’est autre que la communauté de pensées ou d’affections. Quel est le protestant qui ait deux pensées communes avec un autre protestant? S’ils pensent diversement, ils aiment diversement. Donc, nulle communauté d’amour et de foi, donc nul lien, donc nulle religion.
Ceci a été dit depuis longtemps; c’est à ce point que les attendait Bossuet. Je ne crains pas de dire qu’ils y sont arrivés. Ce qui les maintient, c’est bien plus la haine du catholicisme et la honte d’avouer leurs torts qu’une conviction ferme, quoique erronée, qui les retient hors du vrai. Or, comment ramener de pareils hommes, arrivés à ces limites? Est-ce en les pressant par de nouveaux raisonnements, ou bien en constatant malgré eux le vide de leur coeur et de leur esprit et en se contentant de faire briller à leurs yeux le dogme catholique, en montrant son immuable unité, sa fécondité toujours croissante dominant leurs scissions interminables, leurs querelles et les doutes dans lesquels vont se perdre leurs intelligences fatiguées d’une lutte impuissante?
Une pareille méthode ferait cesser la polémique, on ne ferait que poser des faits. Ce serait la méthode par laquelle les apôtres ont converti le monde, et l’on ne peut nier que les protestants ne soient arrivés à un scepticisme qui a beaucoup de rapports avec celui dans lequel l’idolâtrie avait poussé le monde quand Jésus-Christ dit à ses apôtres: « Allez, enseignez. » Avec l’homme qui doute, on ne peut raisonner; on pose la vérité, et son autorité subjugue l’intelligence chancelante. Or, si l’on admet que le protestantisme est arrivé au scepticisme, ce qu’il est, je crois, facile de constater, il faut admettre que, dans sa dernière période, il a enveloppé bien des intelligences et est devenu une cause principale de la maladie du siècle… (2).
2. La suite manque. Nous reproduisons en note des réflexions de l'abbé d'Alzon, écrites sur ce brouillon de lettre, qui paraissent remonter à cette époque et qui ont trait, les premières à la nécessité de rétablir les religieux en France, les secondes à le nécessité de séparer la notion du pouvoir de celle de la monarchie. Peut-être se proposait-il de développer à son oncle cette double série de considérations. Les voici, dans l'ordre même où les donne le manuscrit de cette lettre:
"Ordres religieux nécessaires en France.
Donc on doit chercher à les y établir.
Ils en ont été expulsés et ont des ennemis parmi les bons.
Motifs bons et mauvais.
Motifs mauvais doivent être comptés pour rien.
Motifs bons doivent être pris en considération.
Motifs bons: leurs empiétements sur le clergé.
Le clergé régulier est l'armée de l'Eglise. Donc il ne doit s'occuper que de la polémique, et non de l'administration.
Il importe, dans les circonstances présentes, de séparer la notion du pouvoir de la royauté. M. de Bonald, frappé de cette pensée que le pouvoir est un, [en] a conclu que la société, qui ne peut vivre sans pouvoir, ne peut subsister que sous la forme monarchique. Mais d'abord, le pouvoir moral peut être un et subsister dans un corps d'individus avec un président. Le pouvoir sera toujours un et ne sera pas divisé, comme le voulait Jean-Jacques: il sera un dépôt confié à plusieurs, au lieu de l'être à un seul, et il ne sera pas plus mal gardé pour cela." Plusieurs de ces idées furent développées, du reste, dans les lettres qui précèdent celle-ci et qui suivirent immédiatement l'ordination de l'abbé d'Alzon.